Dans la suite des Assises nationales de la santé et de la sécurité des travailleur·ses qui se sont tenues les 13 et 14 mars (voir cet autre article), l’UD de Paris et la confédération appelaient à une action, le 25 avril, pour rendre hommage aux travailleur·ses victimes d’un décès ou d’un handicap lié au travail. Compte-rendu.
Quatre cent cinquante silhouettes noires et un parterre de roses blanches déposées sur l’ancienne place de Grève (parvis de l’hôtel de ville) : c’est l’action réalisée par la CGT pour commémorer les travailleurs qui ont perdu la vie au travail. En France, selon le bilan de la Sécurité sociale, il y a eu en 2022 au moins 1 227 morts au travail et du travail – soit trois par jour –, dont 738 morts au travail, décès le plus souvent traités comme des faits divers. Pour autant, ces chiffres ne reflètent pas la réalité : le régime agricole, les régimes spéciaux, la fonction publique et les travailleur·ses indépendant·es n’entrent pas dans les statistiques.
C’est un bilan désastreux pour le gouvernement, qui défend l’entreprise comme lieu d’apprentissage tout en refusant de prendre en compte la réalité du travail et ses conséquences. Or trente-six jeunes de moins de 25 ans ont perdu leur vie au travail ? À ces morts s’ajoutent des milliers d’accidents graves occasionnant des séquelles durables et entraînant souvent un licenciement pour inaptitude. Dans une grande majorité des cas, ces accidents – chutes, écrasements, cisaillements, électrocutions – résultent d’un manquement de l’employeur qui n’a pas respecté les dispositions du Code du travail, car l’employeur est responsable de la santé et de la sécurité des salarié·es.
Ces accidents ne sont jamais purement le fruit du hasard. Ils sont très souvent le résultat de choix patronaux délibérés pour maximiser les profits. Les cadences effrénées, le matériel défectueux et des organisations de travail délétères sont des facteurs aggravant des risques professionnels. Les actions dissuasives sont insuffisantes, les contrôles trop rarement réalisés. C’est le résultat d’effectifs insuffisants tant en termes d’inspecteur·ices du travail que de contrôleur·ses Carsat.
Impunité et manquements aux obligations
Trop de procès-verbaux des inspecteur·ices du travail sont classés sans suite. La délinquance patronale sur ce point échappe aujourd’hui aux poursuites judiciaires. Même dans les cas –rares – de condamnation, les montants des amendes sont dérisoires. Cette politique n’incite pas à développer les mesures de prévention des risques. Aussi, seulement 40 % des entreprises respectent l’obligation légale de mise en œuvre et d’actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels (Duerp). La sanction en cas de non-respect est de… 1 500 €. Il s’agit pourtant d’un outil essentiel à la prévention des risques, de protection de la santé et de la sécurité des travailleuses et des travailleurs.
Pour le rétablissement des CHSCT
Combattre les risques au travail nécessite de renforcer les droits et le pouvoir d’agir des représentant·es du personnel dans les entreprises, notamment en renforçant les moyens des agent·es de l’État pour prévenir les risques et contrôler l’application de la loi. Après avoir organisé la pénurie de médecins du travail, remis en cause leur indépendance, organisé la pénurie des effectifs d’inspecteur·ices du travail comme celle des contrôleur·ses de la Sécurité sociale dans les caisses régionales, le gouvernement Macron a limité drastiquement l’intervention des représentant·es du personnel. Les CHSCT ont en effet totalement disparu depuis le 1er janvier 2020.
Les réactionnaires de tout poil vantent la valeur travail mais laissent mourir les travailleurs. Dans le contexte des différentes mesures de dérégulation du marché du travail engagées depuis 2015, cette situation aggrave les conditions de travail et limite la prévention des risques professionnels. Depuis, différents rapports publics vont dans le même sens – ce que gouvernement et ministère du Travail se refusent à mettre dans le débat public. La « start-up nation » de Macron n’a cure de ces victimes, qu’elle s’obstine à rendre invisibles en convoquant, main dans la main avec le patronat, la fatalité. Face au mépris de ceux qui encensent la valeur travail à longueur de plateaux de télévision mais continuent d’abîmer des vies, des corps et détricotent nos droits, notre mobilisation doit se renforcer pour changer ces situations, pour qu’aucun·e salarié·e ne meure au travail ou soit victime de blessures graves.