La volonté de marquer son passage au ministère de la Culture avant de partir à l’assaut de la mairie de Paris peut-elle servir de vision politique ? Rachida Dati relance, après beaucoup d’autres, le fantasme du regroupement de l’audiovisuel public, censé faire jouer des synergies positives.
Selon la ministre de la Culture, « le moment politique est venu » pour mener la fusion de l’audiovisuel public. C’est en tout cas ce que Rachida Dati a déclaré le 14 mai devant les députés réunis en commission pour examiner le texte avant son passage devant le Parlement. Il est ainsi question d’une « phase transitoire » avec création d’une holding début 2025, puis d’une fusion pure et simple au 1er janvier 2026, pile à la fin du mandat de Delphine Ernotte, la PDG de France Télévisions. Et la ministre de la Culture de vanter les synergies au sein d’un méga groupe de seize mille salariés et de quatre milliards d’euros de budget, dont les actuelles « forces indéniables » seraient, aujourd’hui, malheureusement « dispersées ».
Rachida Dati a opportunément repris, en poussant plus loin sa logique, un texte du sénateur centriste Laurent Lafon, déjà voté par le Sénat en juin 2023, prévoyant la création d’une holding nommée France Médias. « Au-delà du délai de préparation totalement illusoire, ce mode opératoire est un danger énorme qui risque de déstabiliser les équipes et de perturber les organisations du travail, commentent dans un communiqué commun le SNRT-CGT Audiovisuel et le SNJ-CGT. Si le but était de faire chanceler les audiences insolentes des chaînes, radios et plate-forme de l’audiovisuel public, on ne s’y prendrait pas autrement. »
Avec ou sans France Médias Monde ?
Le texte, du moins dans son état en sortie de commission, exclut France Médias Monde (France 24, RFI et Monte Carlo Doualiya) du périmètre de la holding, qui comprend France Télévisions, Radio France et l’Ina. « On peut compter sur sa réintégration prochaine lors de l’examen en séance plénière, à moins que l’objectif ne soit de rattacher France Médias Monde au ministère des Affaires étrangères pour en faire la voix de la France », s’interrogent les deux syndicats.
À deux reprises, en encourageant les ambassadeurs à utiliser le réseau de FMM pour faire passer les messages du gouvernement français à l’étranger, Emmanuel Macron a en effet eu l’occasion de développer le rôle qu’il réserve à l’audiovisuel extérieur de la France. Le SNRT-CGT Audiovisuel et le SNJ-CGT rappellent également qu’« il y a deux ans, ce gouvernement a déjà supprimé la redevance (contribution à l’audiovisuel public) pour des raisons purement électoralistes », fragilisant ainsi « le financement de l’audiovisuel public, pourtant insuffisant, en le transférant, de manière transitoire, sur une ponction de la TVA ».
“Ce scénario, nous n’en voulons pas, nous n’en voulons plus !”
Les appels à la grève se sont multipliés dans l’audiovisuel public et, les 23 et 24 mai, dates initialement prévues pour l’examen du texte à l’Assemblée nationale, ils furent massivement suivis. À France Télévisions, le préavis commun (CFDT, CGT, FO, SNJ) rappelait ainsi : « Lancées par la direction sur l’air connu de “se regrouper, c’est se renforcer”, [les] fusions [déjà opérées dans le groupe] ont été rythmées par des promesses, puis des mensonges, et enfin des suppressions de postes, de services, d’activités, et d’éditions d’information. […] Ce scénario, nous n’en voulons pas, nous n’en voulons plus ! »
À Radio France, le préavis, lui aussi commun (CFDT, CGT, FO, SNJ, Sud, Unsa), alertait : « Outre les coûts inévitables engendrés par ce projet baptisé “France Médias”, cette réforme remet en cause l’indépendance éditoriale et budgétaire de Radio France, garante d’une véritable stratégie de l’audio – radio et numérique – plébiscitée par le public. » « Derrière cette OPA politique inquiétante, l’information indépendante et la liberté d’expression de nos médias se retrouvent menacées, tout comme les spécificités internationales de France Médias Monde, qui semblent échapper à certains », soulignait de son côté un communiqué intersyndical (CFDT, CGT, CFTC, FO, SNJ) à France Médias Monde.
Ludovic Finez, SNJ-CGT