La Bibliothèque nationale de France François-Mitterrand consacre une exposition à une grande figure féminine de la littérature française en la personne de Colette (1873-1954). Mais aussi une grande figure féminine tout court car elle ne fut pas qu’écrivaine. Photos, tableaux, manuscrits, citations, enregistrements : plus de trois cents pièces pour la découvrir ou la redécouvrir.
L’exposition que consacre la BNF à Colette est comme une balade dans la vie de cette femme singulière. Il serait hâtif voire erroné de la considérer comme une pionnière du féminisme, dont d’ailleurs elle ne s’est jamais revendiquée, mais elle est en revanche une source inépuisable pour les féministes. Il n’est pas anodin de constater qu’elle est la personne la plus citée par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe, œuvre majeure du mouvement féministe.
Colette, c’est l’histoire d’une petite fille bourguignonne très aimée de ses parents (ce qui vous donne une totale confiance en vous dans la vie), dont les revers de fortune du père, trop reclus dans sa bibliothèque pour bien gérer ses affaires, l’ont amenée à se « débrouiller dans la vie ». Premier de ses trois mariages avec celui – Willy – qui lui a sans doute mis un porte-plume dans la main, lesbienne de temps à autre, mais Colette a vite senti qu’elle devrait s’en tirer toute seule, ne dépendre de personne. Et elle y est parvenue parfaitement, en faisant fi du qu’en dira-t-on. Écrivaine, on l’a dit, mais aussi journaliste. Et, moins banal, artiste de music-hall, n’hésitant pas, à la naissance du vingtième siècle, à exécuter sur scène un début de strip-tease. Elle se fera même, alors qu’elle a atteint un certain âge et signé de nombreux romans remarquables (dont beaucoup sont ce qu’on appellerait aujourd’hui des autofictions), esthéticienne et marchande de cosmétiques. La féminité, toujours. Sans oublier qu’elle fut la première femme à être présidente du jury du prix Goncourt.
La lire est un plaisir en continu, pour sa plume scalpel lorsqu’elle décrit les petitesses des milieux bourgeois dans lesquels elle évolue, pour sa plume poétique dans sa manière extraordinaire de parler des plantes et des animaux, pour sa plume qui paraît si facile alors qu’elle parlait de son métier comme d’un travail ardu : « Il faut, avec les mots de tout le monde, écrire comme personne », se plaignait-t-elle. La briseuse de tabous a gagné, sans orgueil ni modestie, naturellement. Avec confiance.
• Bibliothèque François-Mitterrand, Galeries 2, quai François-Mauriac, Paris 13e, jusqu’au 18 janvier 2026, du mardi au samedi de 10 heures à 19 heures, le dimanche de 13 heures à 19 heures, fermé le lundi.
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À la CGT BNF
Impossible d’aller à la BNF sans faire un détour par le local de la CGT. L’ancienne section de la CGT Culture est devenue syndicat en 2010, avec un double rattachement : à la CGT Culture de par son objet et à la Ferc car les carrières des personnels de la filière bibliothèque, nombreux à la BNF, dépendent de l’enseignement supérieur.
Les personnels de la BNF sont essentiellement fonctionnaires, mais de plus en plus d’agents sont recrutés par voie contractuelle. Deux catégories de personnels donc, et de ces deux batailles à mener, la CGT tente de n’en faire qu’une, avec les difficultés qu’on imagine. Mais avec des résultats. Employé·es sur des contrats précaires, les contractuel·les à temps incomplet revendiquaient un CDI. Ils et elles ont fait grève tous les samedis durant quatre mois (mars à juin 2025), et si la victoire n’est pas totale, ont quand même fait bouger le protocole : alors qu’ils et elles n’avaient droit qu’à un CDD d’un an renouvelable une fois, ils et elles ont obtenu un CDD de deux ans renouvelable sans limitation. Sachant qu’au bout de six ans, le CDD devient automatiquement CDI.
Pour le reste, la situation est la même que partout : suppression de postes (la BNF en a perdu plus de 300 depuis 2009) ; point d’indice gelé, qui fait stagner les salaires et baisser le pouvoir d’achat. Mais là-dessus, le syndicat (qui a cinq sièges sur dix au conseil social d’administration) même une bataille de compensation par le biais d’une prime de fin d’année (dégressive des bas vers les hauts salaires), déjà conquise, et pour son augmentation fin 2025.
Vingt membres à la CE, neuf au bureau, le syndicat soigne avec talent sa communication. Son site (cgtbnf.fr), sa page Instagram (@cgt_bnf)) et son journal papier, DLV (Des livres et vous), une feuille A5 recto verso mensuelle parfaitement maquettée, sont un modèle du genre. Et les témoins d’une vie syndicale très active. Par exemple en direction des femmes (57 % du personnel). Un DLV spécial 8 mars en fait état, qui traite bien sûr des inégalités femmes/hommes mais aussi d’une bataille que mène le syndicat (avec Sud Culture BNF) sur le « congé de santé hormonale » : un quota de jours de congés sans justificatif pour toutes les personnes menstruées, tout au long de leur carrière à la BNF.
Et le syndicat n’oublie pas l’interpro. Pour preuve son investissement dans l’Union locale du 13e et sa participation à la mobilisation contre les nuisances environnementales de l’incinérateur d’Ivry.
Ça valait le détour, non ?