Nicolas Sarkozy affirmait en 2007 qu’il fallait une révolution culturelle dans la fonction publique, qu’il y avait trop de fonction publique, trop de services publics. Pourquoi le service public est-il si important à maintenir ? Celui-ci a plusieurs vertus : un service rendu à tous équitablement sur l’ensemble bénéfique pour tous. Une version populiste traque les fonctionnaires et les agents des services publics, remet en cause le jour de carence ou leurs systèmes de retraite présentés comme un privilège. Au nom du chômage, on stigmatise les fonctionnaires au prétexte qu’ils ne le risquent pas. En réalité, cinq millions de fonctionnaires et des milliers d’agents du secteur public (RATP, SNCF, Énergie, Sécurité sociale, etc.), c’est un marché extraordinaire pour les assurances et les entreprises du privé. Pour garantir son indépendance, la France a fait le choix d’une fonction publique dite de carrière. En défendant le statut général des fonctionnaires, ce n’est pas le fonctionnaire lui-même que nous défendons, mais bien son statut en tant que garantie citoyenne. Renforcé par ce statut, le fonctionnaire est porteur d’impartialité, de loyauté, de laïcité. Il est un maillon indispensable de la chaîne des services publics. Il est au service de l’intérêt général, et non d’intérêts particuliers ou de la sphère marchande. Or, dès lors que vous externalisez un service public, vous externalisez la prestation, mais vous n’externalisez pas les valeurs. Le statut est un ensemble indissociable de droits et de devoirs, quand un certain nombre de libéraux et d’autres détracteurs du statut nous présentent surtout comme possédant des droits et peu de devoirs. Des services sont débordés partout. Aux urgences, mais aussi en psychiatrie, qui a toujours été le parent pauvre de la santé. Rappelons à titre d’exemple les 24 millions d’heures supplémentaires dues aux 120 000 policiers. Mais ce constat se remarque partout : santé, impôts, collectivités territoriales, etc. Car c’est ça aussi, le devoir des agents : être présents coûte que coûte afin d’assurer le service au public. Les libéraux affirment que créer des emplois de fonctionnaire alourdirait la dette publique, et considèrent que ces fonctionnaires doivent céder le pas à la loi du marché, qu’ils bénéficient de privilèges exorbitants dans un monde où l’emploi n’est plus stable. Or les services publics ont des rôles de prévention, de lien social. La sécurité, par exemple, ne peut pas se penser seulement en termes de réparations ou de contraintes. Or, mis à part dans la police, il n’y a pas eu un emploi de plus créé dans l’Éducation nationale, dans la Culture ou dans la Santé. L’autre aspect seriné par les mêmes, c’est l’austérité, le manque d’argent public. Aujourd’hui, aux guchets des préfectures ou dans les commissariats de police, des fonctionnaires craquent et finissent par développer des thèses terribles sur le bien-fondé de leur mission ou de leur statut. Pire : ils mettent fin à leur vie. La France a connu des crises financières, sociales, le terrorisme. À chaque moment aigu de la crise, on s’en aperçoit de nouveau. Lors des attentats, tout le monde a constaté que les fonctionnaires étaient au premier rang des services à rendre au public. L’intérêt général amène à une certaine intégrité morale. L’agent est en quelque sorte un amortisseur social de la crise, du point de vue de l’emploi, des rémunérations (même si fonctionnaires et salariés ne sont pas très bien payés), et par là un soutien à la consommation et à la production. Il faut qu’on fasse davantage porter cela par nos fonctionnaires et, plus globalement, par nos salariés du public. Ce sont eux qui disposent du droit de chacun à l’accès aux services publics. Ces femmes et ces hommes vont porter toute leur vie ce qu’est la République. Sans eux, notre modèle s’écroule. Il faut réussir collectivement à faire passer ce message, se battre pour le maintien d’une fonction publique telle qu’elle est dans ses grandes lignes depuis 1981, et demander la renationalisation complète des grandes entreprises de l’énergie, du rail, des télécoms, etc.

Anthony Caillé, UD de Paris