Le retour du terrain
Les salarié·es qui ont pu rester en télétravail le sont toujours dans des conditions très médiocres, pratiquement identiques à la période de confinement : pas de matériel perfectionné, la plupart du temps acheté par l’entreprise en urgence, pas de prise en charge d’une assurance, ni indemnité de pause méridienne, lieu de travail non adapté (non isolé), avec, souvent, les enfants qui n’ont pas repris l’école et donc éducation à la maison, difficultés d’adaptation aux technologies de la communication sans soutien des collègues et gestion de l’autonomie, ressenti d’isolement, hyper connexion due à la peur de mal faire, de ne pas se faire oublier (tâches quotidiennes + mail + visio + groupes d’échanges), peur due à la période anxiogène mais également face à l’avenir professionnel sans pouvoir réellement échanger avec des collègues et/ou des représentant·es syndica·les·ux. Tout cela, même si l’on peut se dire que la sécurité des salarié·es n’est pas en danger, crée un climat de souffrance pouvant altérer leur santé psychologique et, de fait, physique.
Beaucoup de travailleur·euses ont gardé secret leur état de vulnérabilité ou leur situation familiale spécifique de peur de perdre leur emploi ou d’être « catalogué·e ».
Une fois de plus, les femmes sont particulièrement touchées par ce risque sanitaire avec le retour au travail car elles sont surexposées du fait de leur métier : médical, accueil du public, etc.
Le non-respect des règles de distanciation est rendu possible par un environnement de travail trop petit, des open spaces non réaménagés ou des locaux de pause qui n’ont pas été adaptés.
Dans la plupart des entreprises – c’est encore plus flagrant dans celles qui accueillent du public –, il existe de gros problèmes de matériel de protection. Pas de masques en adéquation avec la particularité du métier (FFP2 et 3 pour le contact avec les usagers), en nombre insuffisant même en ce qui concerne les masques chirurgicaux si on respecte l’obligation de les changer toutes les quatre heures. Certaines entreprises ont donné des masques alternatifs pour les transports impossibles à porter (trop grands, cassés…), le masque du premier trajet, lors de la reprise du travail, restant à la charge des salarié·es.
Certains sanitaires, vestiaires et douches sont collectifs et ne sont pas désinfectés après chaque utilisation.
Le nettoyage des EPI (équipements de protection individuels) et/ou « bleus de travail » sont à la charge des salarié·es, avec le risque de rapporter des particules contaminatrices chez eux.
Pour les métiers nécessitant des gants de protection et/ou d’isolement, afin de pallier les risques électriques par exemple, une seule paire est toujours fournie avec évidemment l’impossibilité de les nettoyer après chaque intervention.
À la RATP, plusieurs machinistes sont amené·es à travailler dans le même bus lors de la même journée, avec seulement un kit de quatre à six lingettes, sans aucune information de l’employeur concernant le nettoyage et sans suivi. Consécutivement à une baisse d’effectifs dans le métro, les horaires sont pour le moment modifiés de 6 h à 22 h mais répartis en deux services au lieu de trois, ce qui oblige les salarié·es à embaucher avec des horaires inhabituels et sans compensation financière de l’obligation d’utiliser son véhicule personnel.
Concernant le nettoyage des locaux et des véhicules de transports publics, on constate très souvent une opération de désinfection précédée d’un nettoyage balai ou aspirateur, ce qui envoie les poussières en suspension, ce qui crée une situation dangereuse du fait des risques de contamination croisée et manuportée. Un produit désinfectant dit « virucide » doit agir au moins 15 mn avant d’être nettoyé, mais les agents de propreté déclarent ne pas avoir le temps de respecter ce délai.
L’atteinte aux libertés syndicales, notamment la libre circulation des élu·es, a été flagrante pendant le confinement, et perdure après, ce qui a un impact sur le contrôle de la santé et de la sécurité des salariés.
Les CSE, CSST et CHSCT sont informés mais pas consultés. Dans beaucoup d’instances, le document unique d’évaluation des risques n’est pas mis à jour, comme l’ordonne pourtant la loi. L’obligation d’inscrire le risque sanitaire lié au Covid-19 n’est pas respectée, que ce soit lors d’aménagement des locaux, d’ajustement en fonction de chaque unité ou de cosignature des plans de prévention entre l’entreprise utilisatrice et le prestataire. Les modalités spécifiques au Covid-19 pour la santé physique et morale à court et à long terme n’apparaissent pas dans ces documents. Au mieux y apparaissent des termes génériques.
Le flou entretenu sur les moyens de désinfection et sur l’impact de diffusion du virus par les systèmes de ventilation et de climatisation est très inquiétant pour la plupart des élu·es du personnel.
Les revendications immédiates
• Listerles activités essentielles à la nation, au service public.
• Protéger les travailleur·euses et leurs familles, avec masques, gel, surblouses…
• Disposer gratuitement de masques de protection et réquisitionner des entreprises fabricantes.
• Dépister massivement et systématiquement. La distinction entre suspicion et infection est impossible sans tests.
• Disposer d’organisations de travail adaptées à la situation de risque sanitaire.Rendre possibles les règles de distanciation. Désinfecter après chaque utilisation le matériel collectif, les sanitaires et les douches. Adapter les horaires de travail et la circulation des salarié·es afin de préserver au maximum leur sécurité.
• Rendre la médecine du travail constamment disponible, y compris pour informer et rassurer, dans le strict respect du secret médical.
• Lever l’état d’urgence sanitaire.
• Prendre en charge une indemnité repas en cas de fermeture des restaurants d’entreprise et pour les salariés en télétravail. Mettre à disposition des locaux sécurisés, désinfectés et permettant les règles de distanciation pour toutes les pauses, y compris à midi.
• Informer en temps réel les institutions représentatives du personnel et les salarié·es sur les situations dangereuses, le nombres de malades, l’évolution en cas de progression de la maladie et de l’incidence sur les effectifs.
• Procéder à une déclaration d’accident de travail.
• Faire inscrire le risque post-traumatique et/ou d’anxiété dans le document unique.
• Récupérer tous les RTT et congés imposés pendant la période de confinement.
• Revendiquer la prise en charge du salaire à 100 % si le chômage partiel est inévitable.
• Refuser toute obligation de prise ou de report de congés, sauf si le/la salarié·e le demande suite à une annulation de réservation de vacances.
• Continuer à bénéficier d’une absence autorisée lorsqu’on ne peut ou ne souhaite pas laisser les enfants à l’école.
• Avoir une vigilance particulière suite aux reports des visites médicales.
• Spécificité parisienne :
– prendre en compte, dans les horaires de travail, le problème de l’affluence dans les transports en commun ;
– alléger les tournées ou courses des salarié·es avec voiture de fonction pour tenir compte de la difficulté de circuler due aux embouteillages, fermetures de rues, changements de sens de la circulation ou rétrécissement de la chaussée dû à l’augmentation des pistes cyclables.
Les revendications à long terme
• Reconnaissance automatique du Covid-19 en accident du travail et maladie professionnelle.
• Possibilité d’ester en justice (non-respect des IRP, modification du contrat de travail, fraude au chômage partiel…). Une grande vigilance s’impose face à l’utilisation par l’employeur du « cas de force majeure » pour échapper aux obligations sur les ruptures de contrat de travail, les conditions de travail, les conséquences financières…
• Prise en compte du préjudice d’anxiété. Suite à l’ordonnance du 1er avril, le médecin du travail pourra procéder à un arrêt de travail pour un salarié atteint du c Covid-19. Attention à la rédaction et au suivi de ces arrêts, au secret médical, à l’accès au dossier médical partagé du médecin du travail, aux avis d’aptitude…
• Reconnaissance de la pénibilité.
• Prise en compte des risques psycho-sociauxdus à l’insécurité socio-économique, aux exigences de travail dans un contexte de peur physique et émotionnelle, à l’inquiétude face à l’avenir mais aussi pour le présent, impliquant la perte des projets individuel ou collectifs (mutation, scolarité, vacances…).
• Rétablissement complet de la responsabilité pénale de l’employeur.
• Révision des organisations de travail pour les adapter aux risques nouveaux : aménagement des locaux, remise en cause des open spaces, télétravail, affectation à un nouveau poste, organisation par roulement, limitation des déplacements, et bien sûr réduction du temps de travail.
• Encadrement du télétravail par des accords collectifs.
• Arrêt des déréglementations, renforcement et développement des services publics.
• Respect de la vie privée et du secret médical suite, entre autres, à l’apparition de nouveaux outils numériques.