Le travail à distance a connu son essor pendant la crise sanitaire du Covid 19. Si jusqu’alors le télétravail restait très théorique, ce n’est désormais plus le cas. Il s’est imposé à nous : deux tiers des salariés l’ont exercé pendant le confinement, et il reste encore aujourd’hui, à la sortie du confinement, la forme de travail à privilégier partout où cela est possible. Certaines entreprises – PSA, Facebook, Tweeter… – ont déjà fait savoir qu’elles souhaitaient maintenir cette organisation au-delà de la crise sanitaire. La question du télétravail restera dans les mois qui viennent un sujet d’actualité.

Le télétravail a été une des solutions apportées par le gouvernement pour maintenir l’activité des entreprises ou des administrations. Mais il s’est fait sans aucun encadrement. Très peu d’entreprises et d’administrations disposaient d’un accord obligatoire. De nombreux salariés ont été livrés à eux-mêmes.

Il aura fallu attendre le déconfinement pour que le gouvernement édite un guide précisant les droits et obligations des télétravailleurs mais qui omet l’obligation faite à l’employeur de prendre en charge les frais professionnels de l’ensemble des salariés, y compris ceux qui travaillent à distance, obligation pourtant évoquée dans l’accord national interprofessionnel de 2005 relatif au télétravail.

Ce manque d’encadrement du télétravail – un rêve pour le patronat –, qui plus est dans une période très défavorable aux salariés, installe ce nouveau mode de travail dans une zone de non-droit. Pourtant, la crise actuelle a montré que la précarité augmente considérablement les risques sanitaires pour les individus. Et plutôt qu’en tirer les conséquences pour réduire les inégalités et nous protéger au mieux contre les catastrophes sanitaires, le gouvernement, prend des décisions encore une fois contraires à nos intérêts et favorables à ceux du patronat.

Le télétravail, qui signifie baisse des dépenses et hausse de la production pour les employeurs, a un côté attractif pour les salariés : gain d’autonomie, gestion de son temps, pas de problèmes ou de stress engendrés par les transports… Mais il a aussi une face plus sombre : isolement, surcharge de travail, problèmes physiques et psychologiques, accentuation des inégalités, matériel non adapté pour la réalisation de son travail, burn out, dépression, impact sur la vie privée… Ce sont les deux faces d’une même médaille.

L’enquête menée par l’Ugict-CGT pendant le confinement, à laquelle pas moins de trente-quatre mille salarié·es ont répondu, a montré qu’un tiers des télétravailleurs n’ont pas été dotés par leur employeur en équipement informatique, près de 80 % ne disposent pas de droit à la déconnexion, 97 % n’ont pas d’équipement de travail ergonomique, un quart n’ont pas d’endroit où s’isoler et un tiers doit télétravailler tout en gardant les enfants. Selon une autre étude de WorkAnyWhere réalisée en avril, 42 % des 6 500 salarié·es sondé·es se disent moins reconnus dans leur travail.

Un autre aspect, jamais évoqué, lui, et qui est probablement l’une des principales raisons motivant aussi les employeurs à développer cette forme de travail, est l’organisation de ces travailleurs désocialisés. Comment être en contact entre collègues ? Quel lien avec le syndicat, les représentants du personnel ? Comment communiquer avec eux, avec quels outils ? Comment les organiser ? Comment les mobiliser (droit de grève) ? Autant de questions auxquelles nous devons aussi répondre.

On l’a vu, le travail à distance doit été pensé, anticipé par les travailleurs eux-mêmes, seuls en mesure de défendre leurs propres intérêts. En négocier ses termes est donc indispensable. Les négociations permettent de prendre en compte la spécificité de l’activité des télétravailleurs : déterminer un statut, prévoir des contreparties nécessaires pour préserver la santé mentale et physique des travailleur·ses, évaluer les frais professionnels engagés, les conditions d’emploi, la protection des données, le domaine de la vie privée, les équipements, l’organisation du travail, les formations  les droits collectifs… Travailler avec les salarié·es permet de les impliquer, d’établir des revendications et d’augmenter le rapport de force indispensable à toute négociation.

Le télétravail a été testé à grande échelle et nous en avons appris beaucoup. Ce retour d’expérience est un point d’appui important pour nous permettre d’améliorer les accords déjà existants ou d’être force de proposition si on est amené à négocier sa mise en place.

Quelques recommandations

(non exhaustif)

• Connaître les accords et textes cadres. Exemples :

– loi de 2018 pour le secteur privé (loi de ratification du 29 mars 2018 de l’ordonnance du 22 septembre 2017) ;

– Accord national interprofessionnel de 2005 pour le secteur privé ;

– décret de 2016 pour le secteur public.

• Évaluation et prévention des risques du télétravail : s’appuyer sur le retour d’expérience des salarié·es pendant le confinement mais aussi sur les acteurs de la prévention santé tels que l’ARACT IdF, les IRP, plus particulièrement les membres du CSSCT (ex-CHSCT), l’inspection du travail, la médecine du travail…

• Évaluation des frais engagés par le salarié (voir aide évaluation sur le site de l’Urssaf (https://www.urssaf.fr/portail/home/taux-et-baremes/frais-professionnels/evaluation-des-frais-engages-par.html)

Que doit contenir l’accord ?

(non exhaustif)

• Distinguer le télétravail forfait jour/hebdomadaire/horaire collectif.

• Les outils indispensables mis à dispositions par l’employeur : ordinateur, écran, logiciel, fauteuil… Évaluer les bons outils. Penser à prévoir la maintenance informatique et un dispositif mis en place pour accompagner le salarié. Anticiper, par exemple, ce qui sera pris en charge par l’employeur en cas de panne ou de matériel HS.

• Prévoir des dispositions pour lutter contre les effets nuisibles de l’isolement (quel management ?).

• Prévenir les risques auprès de chaque salarié·e : gestes à adopter pour minimiser l’impact négatif, par exemple le respect d’horaires identiques à ceux d’une présence physique (horaires de travail, temps de repas, temps de pause…), bonne utilisation du matériel, règles à respecter pour les branchement électrique, bonne posture devant l’écran, déconnexion…

• Une protection particulière en termes de transmission des données et de respect de la vie privée.

• Prévoir une commission de suivi pour évaluer régulièrement les conditions dans lesquelles est mis en place et s’exerce le télétravail. Définir son rôle, sa composition (représentant du CSSCT – ex-CHSCT –, de l’inspection du travail, du médecin du travail, de l’ARACT IdF…) et ses moyens ainsi que la prise en compte obligatoire des préconisations de cette commission par l’employeur.

• Prévoir des dispositions pour préserver le lien syndical (heure d’info syndicale sur le temps de travail, répertoire d’adresses mail pour envoyer du matériel syndical…).

• La révision régulière de l’accord, surtout dans les débuts de la mise en place du télétravail, pour l’adapter à la réalité et répondre aux problèmes rencontrés par les télétravailleurs.

Risques sur la santé des salariés

– Isolement social et professionnel.

– Burn- out lié à la difficulté de scinder vie privée et vie professionnelle.

– Stress lié aux objectifs, à la nature de la tâche.

– Mal-être généré par un contrôle abusif.

– Violence externe.

– Souffrance liée à la démotivation, elle-même liée à la monotonie de l’environnement de travail.

– Matériel inadapté (lenteur des systèmes, pannes…).

– Environnement socio-économique.

– Rejet par les collègues qui ne sont pas en télétravail.

– Management du salarié en télétravail.

– Désocialisation causée par la distance, problèmes pathologiques masqués par l’isolement géographique (conduites addictives).

– Risque de travail isolé.

– Travail sur écran.

– Paramètres physiques.

– Risque électrique.

L’intégralité de la fiche :

Télétravail Le test à grande échelle qui nous en dit beaucoup