Le gouvernement a outrepassé ses pouvoirs en niant la consultation obligatoire des instances représentatives du personnel, préalable aux projets de texte réglementaire.
Par un arrêt en date du 16 novembre 2020, le Conseil d’État vient de rappeler la nécessité de respecter la consultation obligatoire des instances représentatives du personnel, préalable à la prise d’une décision par une autorité administrative et ce, même lorsque le gouvernement a été habilité à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, toute mesure adaptant les délais et les modalités de cette consultation.
Sur le fondement du 2° du I de l’article 11 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, le gouvernement avait été habilité, pendant trois mois, à prendre par ordonnances, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, notamment toute mesure adaptant les délais et les modalités de consultation des instances représentatives du personnel, préalable à la prise d’une décision par une autorité administrative.
Or, en vertu de cette disposition, le gouvernement a adopté l’article 13 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période qui prévoit que : » Sous réserve des obligations résultant du droit international et du droit de l’Union européenne, les projets de texte réglementaire ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation de la covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l’urgence sanitaire sont dispensés de toute consultation préalable obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire, à l’exception de celles du Conseil d’Etat ou des autorités saisies pour avis conforme « .
C’est cet article 13 que la CGT, la fédération des services publics-CGT et l’UFSE-CGT ont attaqué en en demandant l’annulation devant le Conseil d’État.
Dans un arrêt très récent rendu en date du 16 novembre 2020, ce dernier a fait droit aux requérants
(CE, 1re et 4e chambre réunies, n°440418).
En effet, le Conseil d’État rappelle que l’habilitation qui était donnée par le Parlement au Gouvernement ne portait que sur les délais et modalités de la consultation.
Or, sous réserve des exceptions qu’il mentionnait, l’article 13 litigieux dispensait les projets de texte réglementaire, ayant directement pour objet de prévenir les conséquences de la propagation de la Covid-19 ou de répondre à des situations résultant de l’urgence sanitaire, de toute consultation préalable obligatoire prévue par une disposition législative ou réglementaire.
Dès lors, cet article ne modifiait pas les délais et modalités des consultations normalement applicables mais remettait en cause leur principe même.
Par conséquent, elle n’entrait pas dans le champ de l’habilitation donnée au gouvernement par la loi du 23 mars 2020.
En d’autres termes, le gouvernement a outrepassé l’habilitation qui lui était donnée par le Parlement.
C’est la raison pour laquelle le Conseil d’État considère que la CGT, la fédération des services publics-CGT et l’UFSE-CGT étaient bien fondés à demander l’annulation de l’article 13 de l’ordonnance du 25 mars 2020, étant précisé qu’il n’y a pas lieu de limiter les effets de cette annulation, cette dernière n’étant pas de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison des effets qu’elle a produits ou des situations qui ont ou se constituer lorsqu’elle était en vigueur.
Toutefois, les hauts magistrats du Palais Royal prennent bien la peine de préciser qu’il » entre dans la compétence du pouvoir réglementaire d’écarter l’application de procédures consultatives elles-mêmes prévues par des dispositions réglementaires « .
C’est pourquoi, le Conseil d’État ne prononce l’annulation de l’article 13 qu’en tant qu’il prévoit une dispense de consultations préalables obligatoires prévues par une disposition législative.
L’affirmation du Conseil d’État selon laquelle il entre dans la compétence du pouvoir réglementaire d’écarter l’application de procédures consultatives elles-mêmes prévues par des dispositions réglementaires reste contestable car les procédures consultatives prévues par des dispositions réglementaires sont souvent édictées en application de dispositions législatives.
Dans cette dernière hypothèse, écarter l’application de procédures consultatives, fussent-elles prévues par des dispositions réglementaires, reviendrait à remettre en question le principe même de ces consultations prévues par la loi.
Et, bien plus, à remettre en question le principe même de participation des travailleurs posé par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 selon lequel » tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises « .
En tout état de cause, l’annulation obtenue par la CGT, la fédération des services publics-CGT et l’UFSE-CGT de l’article 13 de l’ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période est une excellente nouvelle.
Ce résultat ne manquera pas d’être exploité par la CGT dans le cadre d’un autre recours pendant qui est actuellement porté au fond par notre organisation contre l’ordonnance relative aux congés imposés.
En effet, vous le savez, les mesures relatives à la spoliation des congés payés dans la fonction publique n’ont fait l’objet d’aucune consultation des instances représentatives du personnel compétentes précisément parce que le gouvernement pensait pouvoir en faire fi. Or, cette absence de consultation pourrait conduire à obtenir l’annulation de ces mesures scélérates.
En d’autres termes, la victoire obtenue par la CGT, dont l’arrêt du 16 novembre 2020 du Conseil d’État se fait l’expression, en appelle d’autres.
La CGT ne lâche rien !!!
L’union départementale de Paris ne manquera pas de revenir vers vous pour vous faire part des prolongements de cette décision.
Paris, le 25 novembre 2020.