Une « charte sociale Paris 2024 », signée par les principales confédérations syndicales – dont la CGT – et le Medef s’engage « sur un objectif de protection de la santé et de la sécurité des salarié·es ainsi que de leurs conditions de travail » et à « faire respecter les normes internationales du travail auprès des sous-traitants et des fournisseurs » (autrement dit à appliquer la réglementation en vigueur). Mythe ou réalité ? Réponse ci-dessous avec l’éclairage du syndicat CGT de l’Inspection du travail.

Disons-le d’emblée, il s’agit d’un droit social au rabais. La loi du 19 mai 2023 crée une dérogation ad hoc permettant aux employeur·ses du commerce de déroger à la règle du repos dominical dans les communes d’implantation des sites de compétition ainsi que dans les communes limitrophes pour la période comprise entre le 15 juin et 30 septembre 2024. Aucun des cas légaux de dérogation au repos dominical (pourtant nombreux !) ne cadrait avec la situation.

Les bénévoles à la merci du patronat

Une main-d’œuvre gratuite sera exploitée dans le cadre de cet évènement lucratif. C’est une véritable présomption de « non-salariat » que le gouvernement tente d’imposer de manière totalement illégale. On parle ici de 45 000 bénévoles, auxquels s’ajouteront 5 000 autres encadré·es par la Ville de Paris, qui pourront être employé·es plus de 10 heures par jour et 48 heures par semaine, soit les limites prévues par le code du travail… pour les vrai·es salarié·es.

Pour éviter aux patron·nes de se faire épingler, le ministère du Travail propose que l’organisateur adresse les fiches décrivant les missions proposées aux bénévoles à la hiérarchie de l’inspection du travail, en court-circuitant les agent·es de contrôle. Ainsi, l’employeur pourra se prévaloir de sa bonne foi et neutraliser les contrôles de l’inspection du travail. Pour l’instruction des demandes de dérogation à la durée du travail demandées par les entreprises intervenant dans le cadre des JO, la direction régionale d’Île-de-France du ministère du Travail a recruté des contractuel·les qui instruiront les demandes « selon la doctrine de traitement définie», en lieu et place des inspecteur·ices du travail normalement compétent·es et indépendant·es. Il y a tout à craindre que les dispositions précises et impératives en matière d’accès des agent·es de contrôle de l’inspection du travail aux lieux de travail ne soit pas respectées. Les interventions se feront en effet sur accréditation, ce qui ouvre la possibilité d’un tri au sein-même des fonctionnaires d’État…

Le 10 décembre 2023, Bernard Thibault, représentant des signataires de la charte sociale au Comité d’organisation des JO (Cojo), se félicitait qu’il y ait quatre fois moins d’accidents du travail sur les chantiers gérés par la Solideo (Société de livraison des ouvrages olympiques) que sur des chantiers de taille comparable, rapporté aux heures travaillées. Ce bilan est toutefois à nuancer car on dénombre encore officiellement 164 accidents dont 25 graves, ce qui est par ailleurs probablement très sous-estimé puisqu’en France, un accident du travail sur deux n’est pas déclaré, selon les chiffres de la Sécurité sociale. Et encore ces chiffres sont-ils restreints aux chantiers gérés par la Solideo, mais les travaux ne se limitent pas, loin s’en faut, à la construction des ouvrages nécessaires à l’accueil des athlètes et des spectateur·ices. C’est sur le chantier du bassin d’Austerlitz qu’est mort un ouvrier le 16 juin dernier.

Les sans-papiers sont exploités pareillement

Ces accidents montrent que Solideo, les maîtres d’ouvrage et les entreprises intervenantes ne sont pas plus exemplaires que la moyenne dans le secteur du BTP. L’objectif de rentabilité doublé de la nécessité de respecter un calendrier très serré sacrifient la santé et la sécurité des ouvrier·es, dont des sans-papiers en nombre. La CGT a soutenu plusieurs mouvements de grève initiés par les travailleur·ses sans-papiers pour obtenir leur régularisation, et dix salarié·es font comparaître prochainement leurs employeurs directs ainsi que les majors du BTP – Eiffage, Spie Batignolles et GCC – devant le conseil de prud’hommes de Bobigny.

La Solideo indique qu’elle est incapable de mettre en place un système « absolument imperméable à la fraude». Les causes sont pourtant connues : la sous-traitance permet à de grosses entreprises de décrocher des contrats pour confier leur réalisation à des sociétés plus petites, en empochant au passage une partie du prix du marché. Il était possible d’imposer aux entreprises de réaliser elles-mêmes les travaux, mais il n’en est évidemment question ni dans la loi JO, ni dans la charte sociale Paris 2024, car cela remettrait en cause le modèle économique qui assure les confortables profits des grands groupes du BTP en France.