Audience solennelle du Conseil de Prud’hommes de Paris du 21 janvier 2021
Discours de Christophe Carrère, président
Au nom du Conseil de Prud’hommes de Paris, permettez-moi de saluer et de remercier les hautes personnalités présentes ou représentées qui nous font l’honneur d’assister à cette audience solennelle dans le contexte si particulier que nous traversons.
Votre présence témoigne de l’intérêt que vous portez à notre juridiction, ainsi qu’à la Justice du Travail et je sais combien tous les conseillers y sont sensibles.
Je souhaite remercier particulièrement le président du Tribunal Judiciaire de Paris, Monsieur Stéphane NOËL, qui met à notre disposition cette salle et les moyens matériels pour vous accueillir les unes et les autres dans les meilleures conditions possibles et en application stricte des gestes barrières.
Pour la sécurité de tous, je vous invite à conserver vos masques pendant toute la durée de cette audience.
Votre présence témoigne de votre confiance en nous pour la mise en œuvre de ces gestes barrières, nous en sommes honorés.
Je remercie très sincèrement le secrétariat général du Conseil de Prud’hommes pour son engagement à la réussite de cette assemblée solennelle, sa mobilisation sans faille et en toute circonstance est un appui précieux.
Je remercie Monsieur le président SAUVAGE pour les quelques mots qui retracent notre activité juridictionnelle de cette année écoulée.
Monsieur le Président de la Cour administrative d’appel de PARIS ;
Monsieur le Premier président de la Cour d’appel de PARIS ;
Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de PARIS ;
Monsieur le Procureur de la République ;
Madame la Cheffe du bureau des Magistrats à titre temporaire ;
Monsieur le représentant du Bâtonnier de l’ordre des avocats du Barreau de PARIS ;
Mesdames et Messieurs les Présidents de juridictions ;
Mesdames et Messieurs les Juges départiteurs ;
Mesdames et Messieurs les avocats et représentants du Barreau ;
Mesdames et Messieurs les personnels du Greffe ;
Mesdames et Messieurs les présidents, vice-présidents, Conseillers fichés puisque dorénavant la loi de sécurité globale permet le fichage des militants syndicaux et tous les conseillers prud’hommes ont été désignés par une organisation, qu’elle soit patronale ou syndicale,
Mesdames, Messieurs,
Bien chers toutes et tous,
En ce début d’année 2021, permettez-moi d’avoir une pensée sincère et émue pour les conseillers et les personnels disparus cette année, et tout spécialement pour notre collègue Lionel FAUVELET, président d’audience suppléant à la 4e chambre de la section de l’Industrie qui a été terrassé dans sa 56e année en octobre dernier. Notre assemblée générale des 5 et 6 janvier dernier lui a rendu l’hommage qui lui était dû.
Je veux également avoir une pensée chaleureuse pour celles et ceux qui sont touchés par la maladie ou qui affrontent les difficultés de la vie, ils sont, malheureusement, de plus en plus nombreux, et le contexte sanitaire que nous vivons n’est pas propice à ce que chacun prenne le plus grand soin de sa santé tant la peur de la maladie gagne dans les mentalités et surtout dans un monde qui pousse à l’individualisme.
La fermeture des lieux de convivialité et de Culture pousse plus encore les personnes isolées vers la solitude, rompant avec la société. C’est très dangereux et inquiétant.
Ainsi, je formule des vœux pour 2021 afin qu’en ces temps troublés, et dans le respect mutuel, chacune et chacun puisse trouver de la sérénité et de la paix. Il me semble indispensable de souhaiter que celles et ceux qui assurent des responsabilités importantes ou électives reprennent le chemin de l’action pour l’intérêt général, qu’ils agissent pour toutes celles et tous ceux qu’ils représentent et non plus contre eux par des opérations séductions à des seules fin électoraliste.
Je nous souhaite et je souhaite à chacune et à chacun d’entre vous, santé, bonheur et pleine réussite dans les engagements qui vous tiennent à cœur.
Que chacune et chacun puisse retrouver une vie normale, la liberté d’aller et de venir et surtout trouver auprès des siens les raisons de son épanouissement personnel.
Je remercie tous les acteurs de la prud’homie qui, par leur rigueur, leur engagement et leur sens aigu des missions qui sont les nôtres, ont permis que notre activité puisse retrouver son fonctionnement quasi normal après le confinement du printemps dernier et ce, sans avoir eu à déplorer de malade grave de la COVID-19 et sans avoir contribué au développement du moindre cluster.
Je remercie très sincèrement le collège salarié de la confiance qu’il m’a témoigné en m’élisant à cette fonction à haute responsabilité, c’est un honneur qui m’est fait, soyez assurés que j’assurerai ce mandat avec dignité comme je pense l’avoir fait cette année écoulée.
Sachez que j’ai été très touché par les nombreuses marques de sympathie, les encouragements et les soutiens qui m’ont été adressés depuis mon élection par les conseillers des deux collèges, par le personnel du greffe et les auxiliaires de justice.
Je ne manquerai pas d’entretenir avec chacun des relations courtoises, constructives et sereines, recherchant toujours le consensus, l’unité et en privilégiant le dialogue pour préserver l’image de l’institution prud’homale et je salue l’action des conseillers qui font œuvre de justice avec conscience, intégrité et dévouement en toutes circonstances.
Je félicite les conseillers qui ont été élus en qualité de Présidents et Vice-présidents de sections, de présidents de Chambres et de présidents d’audience, ainsi que les conseillers référistes.
Je souhaite également la bienvenue aux nouveaux conseillers qui viennent renforcer les conseillers en fonction.
Je remercie sincèrement les présidents de section sortant pour le travail accompli, nous avons agi collectivement pour les justiciables, je salue Madame GASSMANN, présidente de la section Industrie, Madame PONTALIER, présidente de la section des Activités Diverses, Madame CONET, vice-présidente de la section Agriculture, Monsieur TESSIÈRES, président de la section Encadrement et Monsieur CARADONNA, président de la section Commerce.
J’adresse des remerciements particulièrement appuyés au Directeur de greffe adjoint du Tribunal Judiciaire, Monsieur Jean-Marc RAYMOND, en sa qualité de chef d’établissement de notre Conseil de prud’hommes, qui n’a cessé de faire preuve d’efficacité, d’ingéniosité, d’attention.
C’est un réel plaisir que d’apprécier son professionnalisme et celui de ses équipes, et j’y ajoute sa grande disponibilité et son écoute permanente à nos sollicitations parfois nombreuses et exigeantes.
A ce propos, deux sujets devront nous occuper dans les prochaines semaines, la question de l’ouverture des accueils très attendu par les avocats principalement et le fonctionnement des machines à cafés. Si elles ne sont plus opérationnelles côté public, il faudrait trouver une solution pour le côté privé. Je vous livre ces points à réfléchir, il nous faut lutter contre la déshumanisation dans le respect des gestes barrière, je sais que vous nous trouverez une solution très rapidement.
Monsieur le Directeur, j’ai entendu tout au long de l’année des louanges sur le personnel du greffe et ces qualités sont aussi celles dont font preuve la plupart des personnels et tous les agents qui contribuent au bon fonctionnement du Conseil.
Ceux que certains parfois considèrent comme des invisibles ou des transparents alors qu’ils sont tout le contraire.
Je pense aux agents administratifs, aux agents techniques, aux agents d’entretien, à ceux de la restauration et nos agents de sécurité en charge de l’accueil qui sont eux l’image de notre juridiction et bien souvent le premier contact du justiciable avec le Conseil.
Ces personnels sont des rouages indispensables et essentiels à notre bon fonctionnement.
Mais faut-il encore que les postes théoriques permettant de faire fonctionner le Conseil, effectifs déjà calculés très très justement, soient dotés, présents et en activité au Conseil, mais j’y reviendrai.
En tout état de cause, c’est bien par leur mobilisation que le Conseil a pu reprendre une activité normale dans des délais record en rattrapant le retard accumulé. C’est une prouesse remarquable de l’ensemble des personnels, qu’ils en soient ici modestement remerciés.
Permettez-moi ici de glisser un mot très personnel pour saluer un personnage exceptionnel et hors norme qui a fait valoir, de façon tout à fait mérité, ses droits à la retraite en cette fin d’année 2020. J’adresse donc un salut très sincère et chaleureux à Antoinette VINGADASSALOM, adorée ou détestée, mais d’une efficacité redoutable. Merci pour votre investissement sans faille au service des magistrats non professionnels que nous sommes, ce qui ne veut pas dire pour autant ignorant ou méconnaissant le droit.
Monsieur le président SAUVAGE je vous félicite pour votre réélection cette année à la vice-présidence du Conseil de Prud’hommes de PARIS. Je connais votre attachement à la prud’homie et votre engagement pour la préservation et la défense de l’image du Conseil, j’ai largement pu le mesurer cette année avec les évènements que nous avons traversés ensemble.
Je vous disais l’an dernier au cours de l’audience solennelle que vous sauriez me trouver à vos côtés pour préserver notre institution, nous avons eu le souci commun d’œuvrer pour une justice de qualité au service des justiciables, et avons tout mis en œuvre en cette période d’urgence sanitaire pour y parvenir sans compter.
Je sais que cette date du 21 janvier est importante pour vous, elle l’est aussi pour d’autres soyez en assuré, et d’ailleurs chacun peut y trouver les références que bon lui semble, de Louis XVI à JF KENNEDY ou de Jean-Paul II à Vladimir Illitch OILIANOV en passant par VERDI, les connaisseurs apprécieront.
Pour ma part vous me permettrez de retenir la date du 21 avril 2020, journée où nous avons passé plus de 9 heures consécutives à étudier les 223 dossiers de référés n’ayant pu être traités du fait de la fermeture du Conseil le 16 mars, à mon grand désarroi, pour cause de confinement.
J’ai le sentiment que cette épreuve de gestion de la crise nous a permis de démontrer ce que voulait dire le paritarisme, ainsi, avec notre liberté de ton et nos valeurs respectives, nous avons su trouver les chemins pour avancer et converger, ensemble, dans l’intérêt des justiciables, des personnels et des conseillers, sans se départir de ce que nous sommes l’un et l’autre.
J’ai ressenti cette même volonté d’agir chez nos collègues de BOBIGNY entre le président MALOUM et le vice-président MEDOKPO qui nous font l’un et l’autre l’honneur de leur présence et je les en remercie très chaleureusement.
Monsieur le président SAUVAGE, nous avons su agir ensemble et en responsabilité pour assurer une justice moderne et efficace au service de nos concitoyens avec des moyens très réduits et alors que certains affichaient à notre égard mépris ou dédain.
Nombreux sont aujourd’hui celles et ceux qui nous ont rendu hommage ou ont reconnu le bien fondé et l’efficacité de notre détermination et de nos actions. Je vous remercie pour ces moments d’échanges et de partages qui nous ont fait avancer et progresser.
Mesdames, Messieurs, la plaquette à votre disposition vous a permis de prendre connaissance des chiffres de l’activité 2020, la baisse des saisines est de 13,5 % et s’explique par le mouvement de grève des avocats du début d’année pendant près de six semaines, et surtout par l’arrêt total de l’activité et la disparition des comparutions volontaires voulue par le législateur dans sa réforme procédurale de décembre 2019. Cette situation a également eu des conséquences sur les affaires terminées en chute de plus de 23 % entraînant, de fait, une évolution des affaires en stock de plus de 9 %.
Comme l’an dernier, 11 % des affaires se terminent au stade de la conciliation et environ 60 % par une décision au fond, ces chiffres restent stables.
J’ai le sentiment que la crise sanitaire que nous traversons n’a pas eu les conséquences désastreuses sur les délais que nous aurions pu imaginer, et nous le devons essentiellement au personnel du greffe et aux conseillers qui ont su se mobiliser de façon exceptionnelle et faire face à cette inédite et désopilante situation.
Si nous avons pu renforcer nos liens avec le premier président de la Cour d’appel de PARIS, avec la liberté de ton qui appartient à chacun, nous avons eu le sentiment de faire partie de la même communauté pour la préparation de nos plans de continuité de l’activité qu’il était nécessaire d’actualiser.
Vous nous avez assuré, Monsieur le Premier président HAYAT, de votre confiance, en nous nommant, avec le président SAUVAGE, comme interlocuteurs privilégiés des présidents de Conseil de prud’hommes du ressort et en veillant à ce que nous disposions des moyens matériels pour assurer la sécurité des intervenants au Conseil. Nous vous en remercions.
Nous regrettons de n’avoir pu trouver, parfois, de réponse pour faire face à des contraintes imposées par l’État. Je pense en particulier à l’organisation de nos assemblées générales pour lesquelles nous nous sommes trouvés bien seuls pour réfléchir à leur organisation, mais nous avons su faire face, avec efficacité et ingéniosité, en trouvant, au Conseil, les forces vives pour réussir leur tenue.
En revanche, et à regrets, nous n’avons pas trouvé auprès du Tribunal Judiciaire la même proximité alors que nous avions eu, Monsieur le président NOËL, le plaisir de vous accueillir en nos locaux courant février dernier.
Cela s’est traduit par une ordonnance que vous avez prise, dès la sortie du confinement de mai dernier, dans laquelle vous décrétiez, sans même nous en aviser, que les départiteurs rendraient des décisions seuls dans le cadre de procédures sans audience, et ce, par une lecture légère des décrets permettant cette mise en œuvre pour laquelle d’ailleurs nombre d’ordonnances ont été prises tant elles n’étaient pas applicables.
Je le dis très tranquillement ici, vous avez, me semble-t-il, créée une grande précarité juridique des décisions des magistrats du départage tant les textes à appliquer ont été confus, se contredisant et par-dessus tout supprimant le paritarisme.
Nous regrettons vivement cet épisode qui a démontré une méconnaissance totale du fonctionnement de notre juridiction et nous continuons de nous interroger sur vos intentions. En effet, de fortes inquiétudes persistent après la création du Tribunal Judiciaire dans le cadre de la Loi de programmation 2018-2022, pour les effectifs de notre Conseil alors que tout le contraire était promis et attendu.
Cette réforme, consistant à regrouper les greffes, s’est traduite, par une réduction massive des effectifs, voir même un anéantissement de ceux-ci pour permettre d’assurer le fonctionnement serein du Conseil.
Il manque aujourd’hui plus de 20 effectifs tous grades confondus, quasiment aucun départ n’a été remplacé, d’autres sont prévus et vous faites la sourde oreille aux demandes du chef d’établissement Monsieur RAYMOND, demandes auxquelles nous apportons tout notre soutien avec le président SAUVAGE.
Cela ne peut plus durer, il est temps de faire le bilan de cette réforme désastreuse qui n’a permis que de contraindre des effectifs déjà tendus entraînant des retards, créant des tensions dans la gestion des personnels, pourtant volontaires et engagés, mais parfois à bout et à la limite de l’épuisement professionnel sans voir aucune perspective d’amélioration.
Comprenez ici, Monsieur le président, leur désarroi et entendez un cri d’alerte auquel vous allez surtout devoir répondre très vite ; à défaut, vous constaterez la ténacité qui est la mienne quand une situation me révolte et qu’elle agrège de la colère au détriment de concentrer les énergies sur le travail des femmes et des hommes dévoués au Conseil.
L’approximation permanente ne peut servir de guide dans une juridiction.
Nous voulons et avons besoin des moyens pour accomplir et réaliser nos missions sereinement, appliquer et respecter la loi.
Car vous le savez, nous rencontrons la même difficulté avec les juges départiteurs. Je veux saluer ici Madame RABECQ, Monsieur ALT, Madame VALANTIN, Monsieur MORILLO et Madame TIMSIT, qui vient de prendre ses fonctions au Conseil, et les remercier de leur présence.
Je salue également Madame CAYOT, Madame THIBAUD, Madame BERGERET et Monsieur MADRE qui ont officié en 2020 au service du départage avant de partir sur d’autres fonctions. Je les remercie vivement pour leur implication et leur écoute, je leur souhaite pleine réussite dans leurs nouvelles responsabilités.
Mais vous aurez noté que nous n’avons plus que 5 départiteurs contre 6 début 2020 et ce, alors que le stock reste plus qu’important et que les délais sont de 24 mois entre un bureau de jugement et une audience de départage alors que l’article L.1454-2 du Code du travail dispose que : « En cas de partage, l’affaire est renvoyée devant le même bureau de jugement ou la même formation de référé, présidé par un juge du tribunal judiciaire dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud’hommes. L’affaire est reprise dans le délai d’un mois… ».
Certes vous me direz que le départage ne devrait pas être aussi important alors qu’il n’est que de 19 % en moyenne, ce à quoi je vous répondrais que dans le cas d’une formation paritaire il est permis et aussi inévitable d’en arriver là.
Je ne suis pas un militant du départage ou celui qui contribue à détériorer ce chiffre, mais j’aimerai que celles et ceux qui fustigent les conseillers qui font, hélas, beaucoup de départage, à mettre autant d’énergie pour réclamer les moyens nécessaires permettant de respecter les délais imposés par la loi dans le traitement des dossiers de départage mais aussi des bureaux de jugement direct pour les requalifications de CDD en CDI et ou le traitement des licenciements économiques selon les délais fixés par le législateur, c’est-à-dire un mois pour le BCO et 6 mois pour le BJ (L.1456-1 du Code du travail) dans ce dernier cas.
Car vous aurez noté que les délais les plus longs sont aujourd’hui pour les dossiers partant en départage, et que si nous disposions des moyens pour respecter les délais légaux nous n’en serions pas là d’autant plus que nos juges départiteurs sont déjà très investis.
Avez-vous pensé à recruter à titre temporaire d’anciens conseillers prud’hommes ? Après tout, certaines juridictions développent l’utilisation de juges assistants pourquoi pas le Conseil de prud’hommes de PARIS ? Mais bien sur il n’y a pas d’argent magique…
S’il est vrai que la véritable prud’homie consisterait en un règlement des différends au niveau de la conciliation, hélas, les conseillers ne disposent pas des moyens, lors des conciliations, de s’assurer que le défendeur a bien communiqué ses pièces, et ne disposent pas de pouvoirs pour contraindre les parties à respecter les délais de communication fixés ou encore de disposer des moyens de vérifier l’application du barème défini à l’article D.1235-21 du Code du travail car le juge doit vérifier la réalité de sa mise en œuvre dans le cadre d’une conciliation.
Nous savons tous bien, en effet, qu’en matière sociale, les parties se trouvent en position de négociation déséquilibrée, la recherche du compromis équitable n’est donc pas aisée et le juge ne dispose pas des outils nécessaires pour effectuer un réel contrôle. Il en est réduit à la seule vérification de la régularité formelle, la conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs ce qui est bien trop limitatif.
Pourtant, les conseils de prud’hommes n’en restent pas moins une Justice utile aux salariés, jugés par des conseillers qui connaissent la réalité du travail et du lien de subordination.
Faut-il rappeler que 65 % des jugements au Conseil de Prud’hommes font droit aux demandes des salariés.
On constate que dans 80 % des arrêts rendus au fond par les cours d’appel, il y a confirmation partiellement ou totalement des décisions rendues par les conseils de prud’hommes, ce qui tord le cou à nos détracteurs qui évoquent la mauvaise qualité des décisions des juges non professionnels. Les formations suivies par les conseillers renforcent cette qualité, seul le contenu de la décision ne satisfait pas les parties et pour cause, il est issu d’un consensus, d’une négociation.
Vous le savez, la juridiction prud’homale joue un rôle d’amortisseur social essentiel dans notre société.
Celui-ci s’est usé au fil des réformes imposées sans ou avec trop peu de concertation. Il appartient aux pouvoirs publics d’entendre ces remarques et de redonner aux corps intermédiaires toute leur place.
Avec ce que notre pays traverse, je ne me risquerai pas à faire de pronostic sur l’évolution des saisines. Ce qui est certain, c’est que nous devrons affronter ce qui va arriver pour faire face et maintenir les délais plutôt satisfaisants que nous avons comme nous le disent régulièrement les avocats qui nous font part de difficultés bien plus importantes dans des Conseils limitrophes au notre.
S’il est possible que la tempête arrive ou pas, et s’il est indéniable que nous allons être confrontés à de nouveaux types de contentieux liés au télétravail ou au chômage partiel, les conseillers prud’hommes sauront s’adapter, j’en suis persuadé, mais le Conseil sera-t-il en capacité de s’adapter ?
Il y a encore un gros travail de modernisation à mettre en œuvre au Conseil, nos locaux ne sont toujours pas climatisés ou rafraîchis, le travail à distance peine à se développer et les moyens visio restent très limités, même s’il est pour nous plutôt essentiel, de privilégier l’oralité des débats et des échanges.
Nous avons besoin de l’implication de tous pour faire progresser notre juridiction.
L’an dernier ici même, Monsieur le Procureur, au cours notre assemblée solennelle, vous nous indiquiez que personne n’ignore notre rôle et l’importance de nos missions, nous en sommes honorés, mais force est de constater qu’il faudrait mettre les actes en lien avec les paroles pour donner des signaux forts aux conseillers, aux personnels de l’institution et par-delà eux aux justiciables comme je viens de l’illustrer.
Vous nous disiez également que notre juridiction était hors norme, mais a- t-elle alors un traitement à sa juste valeur ?
Je le souhaite, et en tout état de cause, nous avons pu créer des liens avec vos services et c’est capital, nous devons poursuivre et garder ce contact fondamental.
Je pense aussi qu’il est indispensable de reprendre urgemment les échanges entre les conseillers et la Cour d’Appel comme cela s’est fait en 2019. Ces rencontres et ces initiatives restent importantes. Cette demande est exprimée aussi chez les conseillers prud’hommes envers la Cour de cassation, mais, je m’avance peut-être sur la faisabilité de tels échanges.
Je l’ai déjà évoqué l’an dernier et je le répète, il me semblerait intéressant que les magistrats de la Cour d’appel ou de la Cour de cassation viennent aussi à notre rencontre pour observer, échanger et confronter nos points de vue Je suis certain que ces initiatives seraient particulièrement appréciées par tous et seraient riche d’enseignement commun.
Vous nous indiquiez début 2020, Monsieur le procureur, qu’une des priorités du parquet était la lutte contre la fraude et que les conseillers prud’hommes ne devaient pas hésiter à faire application des dispositions de l’article 427 du Code de procédure civile pour transmettre un dossier au Ministère public en cas de suspicion sur une affaire.
Je sais que plusieurs dossiers vous ont été transmis, j’ai eu des échanges avec le Procureur Adjoint PACCALIN qui a fait valoir ses droits à la retraite et qui nous a honoré, en décembre dernier, d’une visite au Conseil pour nous présenter sa remplaçante, Madame PERRÉE, que je remercie de sa présence et avec qui, j’en suis persuadé, nous pourrons poursuivre un travail en étroite collaboration par un suivi et un retour des signalements.
Nos échanges ont été fournis et riches d’enseignements partagés je crois, continuons en ce sens.
Pour cette année qui commence, je pense qu’il nous faudra veiller à faire vivre notre règlement intérieur, qu’il s’agisse en premier lieu du respect des délais dus aux justiciables.
Il nous reste encore quelques situations à suivre particulièrement mais je sais pouvoir compter sur la vigilance des présidents et vice-présidents de section.
Il nous faut aussi faire vivre les facilités prévues au règlement intérieur qui pourraient nous permettre de maintenir les audiences, qu’il s’agisse de renvois sur une présidence d’un élément à l’autre, d’une chambre à l’autre ou encore de remplacement de conseillers de chambres différentes, ponctuellement ou exceptionnellement.
L’expérience que nous avons validé au début du mois de décembre, lors d’un Bureau administratif, de permettre à un président de chambre de siéger dans une chambre qui n’est pas la sienne a déjà permis de sauver quelques audiences, nous devons penser à généraliser cette expérience pour le bien de notre juridiction surtout si la pandémie se poursuit.
Ce point est un exemple de plus qui démontre le bon sens que nous avons su mettre en œuvre au cours de cette pandémie pour les justiciables.
Je veux aussi donner ici un signe aux auxiliaires de justice et spécialement aux avocats. Je rappelle à toute fin utile que les justiciables n’ont pas obligation de constituer avocat en prud’homie, il demeure la possibilité de se faire assister par un salarié de sa même branche d’activité, par son conjoint ou par un défenseur syndical dont la nouvelle liste a été publiée pour l’Île de France le 21 décembre dernier.
Au Conseil, nous avons la chance de disposer d’un bel outil d’apaisement des tensions entre les conseils des parties, sous réserve qu’ils soient avocats du Barreau de PARIS, et ce, au travers de la permanence quotidienne de ZEN PRUD’HOMMES.
Je salue d’ailleurs les avocats qui assurent cette permanence avec la plus grande assiduité. Je sais que ce modèle nous est envié dans d’autres Barreaux et d’autres Conseils, nous tâchons, avec le président SAUVAGE, de nous y rendre, autant que possible, lorsque nous sommes présents au Conseil.
J’adresse un sincère salut aux avocats qui nous font l’honneur de leur présence pour cette assemblée. Vous savez que vous pourrez compter sur notre oreille attentive et nos commentaires acerbes si cela s’avère nécessaire, mais avec toute la bienveillance qui nous caractérise.
Cet outil ZEN, il nous appartient de populariser ensemble son existence et son rôle.
J’ai pu constater que certains présidents d’audience n’ont pas encore mesuré l’intérêt de cette présence dans son rôle d’apaisement des relations entre les parties et son rôle consistant à émettre des recommandations qu’il appartient ensuite au président d’audience de suivre, ou pas, en fonction des éléments dont il a connaissance.
En tout état de cause, il est bon de considérer cet outil comme un avantage et non comme une contrainte car tel n’en est pas l’esprit.
Nous devons poursuivre nos interactions renforcées Je m’engage d’ailleurs à répondre aux sollicitations du Barreau pour intervenir en école ou au cours de toute initiative favorisant les échanges pour répondre aux questions que l’on nous pose régulièrement sur le fonctionnement ou la méthodologie des conseillers au cours des audiences ou des prises de décision.
La crise sanitaire que nous subissons entraîne, et va entraîner des licenciements en masse, et ce, alors que nombre d’entreprises a largement bénéficié des mesures d’activité partielle.
On voit ainsi se multiplier licenciements économiques, plans de départs volontaires, plans de sauvegarde de l’emploi, accords d’activité partielle de longue durée, ruptures conventionnelles collectives, liquidations plus ou moins frauduleuses d’entreprises reprises sur le champ par leurs mêmes dirigeants.
Cela n’augure rien de bon pour la société toute entière, et va nous obliger à mener aussi un travail avec les AGS, partenaire incontournable, face à l’ampleur de la crise économique qui se dessine.
Car à cela, s’ajoutent les fraudes à l’activité partielle, les refus de rémunération des salariés exerçant leur droit de retrait, le travail sur site des salariés au plus haut de la crise sanitaire sans équipements et en l’absence de protocoles de protection adéquats, les reprises de travail sans concertation avec les syndicats de l’entreprise ou les atteintes à l’obligation de sécurité.
Nous le savons, le Conseil de prud’hommes a plus que jamais, dans cette période particulière, un rôle à jouer dans la défense des droits des salariés et la création de jurisprudences nouvelles.
De plus, le Gouvernement devrait ratifier dans le courant de l’année la Convention 190 de l’OIT sur les violences et le harcèlement dans le monde du travail, dans les prochaines semaines souhaitons-le, et elle entrera en vigueur le 25 juin prochain au plus tard, c’est une avancée véritable pour les salariés et une avancée importante sur la question du genre.
J’en arrive au terme de mon propos, mais je ne peux m’empêcher de reprendre ma citation de l’an dernier, « Viser la justice sociale est la chose la plus précieuse à faire dans la vie » disait Albert EINSTEIN.
Nos dirigeants feraient bien de s’en inspirer, comment tolérer dans ce monde qu’une poignée d’individus possèdent autant que 30% de la population mondiale.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention, permettez-moi de vous assurer que je m’emploierai, dans la haute fonction qui m’est confiée, à être le président de tous les conseillers. J’ai la certitude que nous avons tous la volonté de poursuivre nos actions pour un véritable service public de la Justice, en nous appuyant sur le paritarisme qui constitue notre ADN, notre moelle et notre équilibre, paritarisme qui fonde l’existence même de la prud’homie, afin de permettre à la juridiction prud’homale d’occuper la place qui doit être la sienne au sein de l’institution judiciaire.
Paris, le 21 janvier 2021