C’est un événement historique : la liberté des femmes à recourir à l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) a été inscrit dans la Constitution. 90 % des parlementaires s’étant exprimés sur le sujet ont voté pour.
Dans une période de montée des idées les plus réactionnaires, garantir la liberté des femmes à décider de mener une grossesse à son terme ou non est une bonne nouvelle. C’est une avancée symbolique, bien entendu, qui contribue à ancrer dans les esprits ce progrès social datant, en France, de 1975. C’est aussi une avancée légale, puisque supprimer ou restreindre fortement l’IVG sera plus compliqué.
Soulignons surtout que c’est avant tout une victoire des militantes féministes. Depuis des décennies, elles se battent, avec les associations, pour la reconnaissance et la mise en pratique de ce droit. Ce sont elles, les premières, qui ont organisé les conditions pour la pratique d’IVG sécurisés, dans un premier temps illégalement.
C’est un droit qui nous concerne particulièrement aussi, nous, syndicalistes. D’abord parce que nous luttons en faveur de toutes les avancées sociales, contre toutes les dominations. L’IVG est un progrès pour la santé des femmes. Rappelons que l’interdiction de l’avortement tue, car rien n’arrête une femme qui a décidé d’avorter. Selon l’Organisation mondiale de la santé, entre trente-neuf et quarante-sept mille femmes sont mortes des suites d’un avortement clandestin dans le monde en 2023. Le droit à l’avortement permet aussi aux femmes d’être maîtresses de leur corps, de décider si et quand elles veulent enfanter. Une femme qui doit s’occuper d’une maternité non désirée est une femme qui n’a pas droit au travail et à l’indépendance financière.
Cependant, cette victoire ne doit pas occulter un tableau pas tout à fait rose. En pratique, l’accès réel à l’IVG subit des disparités territoriales. Avec, pour conséquence pour les femmes, l’allongement des délais de consultation et le rallongement des trajets. Pire, le Planning familial estime que, depuis quinze ans, cent trente centres d’IVG ont fermé leurs portes. Cela est à mettre en regard des fermetures de maternités de proximité, auxquelles sont souvent adossés des centres IVG. La dégradation de l’hôpital public est, aussi, une question féministe.
Ce que nous enseigne la question de l’IVG, c’est que la santé et la libération des femmes sont profondément liées, et ne sont jamais totalement garanties. Que vaut cette inscription dans la Constitution si, dans les faits, il est de plus en plus difficile d’avorter ? Ne soyons pas naïves, il s’agit aussi de la communication d’un gouvernement qui ne mène pas une politique favorable aux femmes : pour ne prendre que ces deux exemples éloquents, la loi sur les retraites a dégradé davantage encore leurs pensions, et la loi immigration précarise d’autant plus les femmes migrantes qu’elles vivent déjà des parcours horrifiants.
Alors, sans naïveté, ne boudons pas notre plaisir et savourons cette victoire. Afin de nous donner le courage d’aller chercher, par nos luttes communes, plus de droits et plus de libertés.