Dans les mois suivant l’incendie, notre collectif constitué de syndicats et d’associations a alerté sur les dangers du plomb qui a contaminé le site et ses environs. Nous avons posé trois revendications : 1) Le confinement du chantier dans sa globalité et sa décontamination avant travaux, 2) une cartographie détaillée et rigoureusement mise à jour de la pollution environnementale au plomb, 3) la création, à l’Hôtel Dieu, d’un centre, non pas de dépistage, mais de suivi pour toutes les personnes exposées : pompiers, travailleurs, riverains.

Alors que le plomb est un toxique redoutable, entre autre pour les reins et le système cardiovasculaire, et surtout neurotoxique, reprotoxique et cancérogène, même à très faible dose, nos revendications sont restées lettre morte.

Une re-contamination chronique permanente

Alors que depuis l’incendie, nous demandons qu’une cartographie rigoureuse de la pollution soit rendue publique en temps réel, des mesures ne nous ont été communiquées par l’Etablissement Public Chargé de la Conservation et de la Restauration de la Cathédrale Notre Dame de Paris qu’après saisine de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) et seulement en janvier 2021.

Nous avons alors pu constater que du fait de l’absence de confinement et de décontamination, le chantier, ouvert à tous les vents, a entraîné une re-contamination chronique permanente du parvis et du pourtour de Notre Dame avec des moyennes hebdomadaires qui pouvaient, début 2020, atteindre 60 fois la valeur de référence de 1000 μgm2, qui justifie des opération de nettoyage avant remise en service d’un site pollué. Selon le Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), cette valeur de 1000 μgm2 « n’a aucun fondement sanitaire » et aurait dû être abaissée depuis plus de dix ans (Avis du HCSP du 1er février 2021). Sur l’Ile de la cité, aucune décontamination n’a été faite au delà du périmètre de la partie du parvis recouverte d’une résine. Riverains et travailleurs vivent et travaillent toujours sur des espaces pollués.

Pas de prise en compte des recommandations de l’ANSES pour la prévention de l’exposition au plomb sur les lieux de travail

En juillet 2019, l’ANSES s ‘était prononcé pour un abaissement drastique des normes en vigueur pour les travailleurs. A ce jour, ces préconisations n’ont toujours pas été adoptées comme normes dans le code du Travail, ce qui veut dire une exposition professionnelle au plomb constamment dangereuse pour les travailleurs, qu’il s’agisse du chantier Notre-Dame, des travailleurs du nettoyage, de l’hôtel-Dieu, de la préfecture de Police, des commerçants, des enseignants, etc…

Reconstruire Notre Dame avec du plomb ?

Alors que l’attention des parisiens était accaparée par la pandémie COVID 19, le gouvernement s’est prononcé pour une re-construction de la cathédrale « à l’identique », c’est-à-dire avec du bois et du plomb, en dépit de nombreux avis contraires. Parmi ces derniers, citons le Haut Conseil de la Santé Publique (Avis du HCSP du 1er février 2021), qui s’est prononcé « pour l’interdiction de l’utilisation du plomb laminé », c’est-à-dire le procédé qui consiste à disposer ces feuilles de plomb sur les toitures, comme ce fut le cas sur la toiture et sur la flèche de Notre-Dame. Ces feuilles de plomb se sont désagrégées en poussière pendant l’incendie le 15 avril 2019. Profondément soucieux du devenir de la cathédrale Notre-Dame de Paris, qui sera toujours exposée à l’avenir à un risque incendie, et de la sécurité de la population parisienne et d’Ile-de-France, nous demandons à ce que l’on s’inspire directement des précédents des cathédrales de Chartres (incendie de 1836), de Strasbourg (incendie de 1870) et de Metz (incendie de 1877) qui ont conduit les pouvoirs publics de l’époque, à trois reprises, à faire le choix d’abandonner les toitures en plomb du fait de leur faible résistance au feu (NB : dans le cas de la cathédrale Notre-Dame de Paris, les services d’intervention ont témoigné du fait que cette faible résistance au feu, en raison de la présence de 450 tonnes de plomb dans la toiture et la flèche, aurait pu entraîner l’effondrement d’une partie du bâtiment, notamment les deux tours en façade. En effet le point de fusion du plomb est de 327,5 degrés).

La Tour Eiffel : un second scandale de pollution au plomb au coeur de Paris

Parce que de multiples carences dans la gestion post-incendie à Notre-Dame permettent aux autorités de faire croire qu’il n’y a pas de pollution au plomb sur le site et son pourtour, d’autres chantiers sont engagés dans la même voie, avec les mêmes conséquences probables pour les travailleurs et les riverains, notamment le chantier de peinture de la tour Eiffel, suspendu depuis deux mois, en raison de taux très élevés de contamination au plomb. Nous sommes inquiets pour les travailleurs qui assurent le ponçage des anciennes peintures, et pour les riverains, en particulier les enfants, du fait de la pollution environnementale issue du chantier.

Nous revendiquons :

  • un diagnostic approfondi de la présence de plomb sur et hors du chantier, suivi d’une décontamination tenant compte des dangers, tant pour les travailleurs que pour la population ;
  • l’abaissement immédiat des normes du code du Travail concernant le plomb en référence aux préconisations de l’ANSES (2019) ;
  • la mise en place d’un centre de suivi digne de ce nom à l’Hôtel-Dieu pour toutes les victimes de la contamination au plomb autour de Notre-Dame et l’adoption de la méthode de mesure du stock de plomb dans les os ;
  • une reconstruction sans plomb pour la cathédrale Notre-Dame de Paris et l’adoption de mesures de prévention drastiques sur le chantier de la Tour Eiffel.

Paris, 14 avril 2021

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