Commémoration de la libération de la Bourse du travail de Paris, 25 août 2022

Mesdames et Messieurs,

Cher-e-s ami-e-s, cher-e-s camarades,

78 ans après les faits, nous sommes rassemblés pour commémorer la libération de la Bourse du travail, un moment décisif de la bataille pour la libération de Paris du joug nazi. Plus que jamais, il convient de se souvenir du courage inouï et de l’œuvre immense de ces milliers de travailleuses et de travailleurs qui se sont dressés contre la barbarie nazie pour imposer leur volonté d’une société plus juste.

En août 1944, quand ces anonymes ou ces figures de proue ont distribué des tracts, exécuté des sabotages, se sont mis en grève, ont manifesté ou pris les armes, l’effroyable machine de guerre nazie était, certes, sur le recul. Mais elle restait toujours redoutable et ses instruments de répression, de terreur et d’extermination tournaient encore à plein. Pourtant, en toute connaissance de cause, ils ont choisi de prendre les armes pour prendre leur avenir en main.

Rappelons aussi à notre mémoire ces milliers d’étrangers qui avaient fui leurs pays pour des raisons économiques et politiques et qui se sont engagés dans la Résistance, tels les combattants de l’Affiche rouge. Ils étaient arméniens, juifs de l’Europe de l’Est, hongrois, espagnols, italiens, étrangers de tous horizons. Ils ont donné leur vie pour défendre leurs idéaux et leur pays d’adoption.

Cette marche vers la liberté n’aurait pas été possible sans la constitution du Conseil National de la Résistance, le 27 mai 1943 et l’adoption de son programme le 15 mars 1944. Fort de l’attachement à des valeurs et des idéaux démocratiques communs, une multitude d’organisations de femmes et d’hommes d’horizons divers ont dépassé leurs différences, se sont unis pour constituer le CNR.

Il y a 78 ans, donc, le peuple parisien s’est libéré et a pris son avenir en main. Dans la lignée des traditions révolutionnaires et insurrectionnelles de 1848 et de la Commune de Paris, le Comité Parisien de la Libération a été le maître d’œuvre de l’insurrection de l’été 1944 qui a conduit à la Libération de la Bourse du Travail le 19 août.

Après la défaite allemande de Stalingrad, le débarquement allié du 6 juin 1944 a suscité un élan et créé l’espoir de la délivrance. Par la suite, dès les premiers jours de juillet ont lieu des manifestations spontanées. A la veille de la fête nationale, le Comité Parisien de la Libération et le CNR appellent la population à une très forte mobilisation à laquelle les Parisiens ont répondu présent. 600 barricades furent érigées dans les quartiers Est et Nord de Paris.

Le 10 août 1944 est lancé un mot d’ordre de grève générale sur l’ensemble des établissements ferroviaires de la région parisienne.

Le 11 août au soir la grève est effective partout chez les cheminots. Tout le système ferroviaire se trouve alors entre les mains de la Résistance cheminote.

Le 14 août, trois mouvements de la police réunis en présence du Colonel Rol-Tanguy ont décidé de la grève. 2000 policiers s’emparent de la Préfecture de police.

Le 15 août, les agents des PTT sont appelés à faire grève. Celle-ci se propage ensuite à d’autres corps de métiers, métro, gaz, métallurgie… Les conditions sont alors réunies pour le lancement de la grève insurrectionnelle du 18 août 1944, appel lancé par les dirigeants du Comité Parisien de la Libération, parmi lesquels on peut citer André Carrel et André Tollet.

Le 19 août la Bourse du Travail est libérée. Le lendemain le personnel de l’AP-HP libère le siège de l’administration centrale occupé par les nazis.

Le 25 août Paris est libéré. Ainsi prennent fin quatre années d’humiliation, quatre années d’occupation, de souffrance et de terreur.

L’Histoire ne s’arrête pas là. Les Résistants avaient à cœur non seulement d’en finir avec la guerre, de libérer le pays de l’occupation mais également de faire surgir un monde meilleur. C’est tout le sens du programme du Conseil National de la Résistance. L’insurrection a donc permis l’installation d’un gouvernement qui avait pour tâche d’appliquer ce programme. La liste des principales décisions prises à cette époque est, aujourd’hui encore, impressionnante :

  • Janvier 1945 : Statut de la Fonction Publique et nationalisation de Renault
  • Février : Ordonnance sur les CE et retraites
  • Mars : Ordonnance sur la presse, mise en place de l’école primaire unique
  • Avril : les femmes votent pour la première fois ; mise en place des grilles de salaires, avec le point 100 de base dans tous les statuts et Conventions Collectives
  • Mai : Ordonnance sur la représentativité syndicale
  • Juin : Généralisation des retraites pour les « vieux travailleurs » (disait-on à l’époque), blocage des prix
  • Juillet : Ordonnance sur la culture, ordonnance sur les musées, et la lecture (bibliothèque de prêt)
  • Août : Epuration économique (mise sous séquestre des biens des patrons collaborateurs)
  • Septembre : Ordonnance sur le droit au logement
  • Octobre : Instauration de la Sécurité Sociale
  • Novembre : Instauration d’une Protection Maternelle et Infantile généralisée
  • Décembre : Nationalisation du système bancaire et du crédit.

La séquence ouverte en 1945, avec une puissante mobilisation syndicale et des ministres de la trempe d’Ambroise Croizat et Marcel Paul, jusqu’aux acquis de 81-82, en passant par la grande secousse de mai 68 ont permis un progrès social sans précédent.

Croizat fonda l’assurance maladie, le système des retraites, les allocations familiales et l’amélioration du droit du travail français. Par une ordonnance du 4 octobre 1945, il lança la mise en place et l’organisation administrative de son projet de sécurité sociale.

Croizat a conçu ses lois en mai et juin 1946 et créé les 138 caisses permettant leur fonctionnement. La vitalité démocratique dans la mise en place et dans la gestion de ces caisses est essentiellement due à l’engagement de toute la CGT, telle qu’elle était en 1946 et 1947. Mort prématurément à l’âge de cinquante ans, en 1951, Croizat eut un enterrement digne de Victor Hugo : un million de personnes l’ont accompagné au Père Lachaise !

Depuis de nombreuses années, les conquêtes essentielles sont remises en cause au rythme des contre-réformes structurelles et des politiques d’austérité. Le capitalisme épuise tant l’être humain que la nature ; il est temps d’en sortir !

L’été 2021 était marqué par prise du pouvoir en Afghanistan par les talibans. Nous n’oublions pas le peuple afghan et en particulier les Afghanes.

Cette année, le fait majeur est la guerre toujours en cours en Ukraine. Soyons solidaire du peuple ukrainien victime de la guerre menée par Poutine.

En plus des crises de toute nature (famine, phénomènes climatiques extrêmes, dictatures, persécutions…), les guerres conduisent des millions de gens à migrer chaque année.

Nous nous interrogeons sur l’aptitude de l’État français à bâtir une politique migratoire digne de ce nom, sans se soucier d’échéances électorales ou du fantasme d’un pseudo appel d’air. « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. » Cet extrait du préambule de 46 est aussi un acquis de la Libération.

La désignation constante des « étrangers » comme les boucs-émissaires de tous les maux de la société française, les attaques violentes que subissent les organisations syndicales qui résistent à un libéralisme désormais autoritaire, montrent à quel point, le pouvoir s’est réfugié dans l’amnésie volontaire et a dérivé vers un régime liberticide.

Aujourd’hui comme hier, soyons lucides. Le patronat est allé, très largement, jusqu’à collaborer avec l’occupant nazi ; il n’a pas changé de nature. Il est prêt à tout pour élever ou maintenir son taux de profit, y compris les coups d’état et les guerres.

Le fascisme prend son essor de façon classique, sur fond de crises générées par le capitalisme. Et ses idées prospèrent avec les moyens actuels de manipulation de masse. En France, 89 députés du RN ont été élus lors du scrutin législatif majoritaire à deux tours. C’est dire à quel point l’extrême droite est ancrée dans le paysage politique français. Au niveau international, les élections en Italie au mois de septembre, au Brésil en octobre et aux Etats-Unis en novembre, seront des marqueurs du poids de l’extrême droite.

Le 18e congrès du RN se tiendra à Paris le samedi 5 novembre. Le parti d’extrême droite fêtera ce jour-là ses 50 ans. En novembre 1972, son président Jean-Marie Le Pen et son trésorier Pierre Bousquet (ancien Waffen-SS) avaient déposé en préfecture de Paris les statuts du FN tout juste créé. Le parti de Marine Le Pen est l’héritier des Drumont, Maurras, Pétain, Poujade, Bousquet et JM le Pen.

Non seulement le RN, comme toute l’extrême droite, incarne la haine, la division et la violence, mais en plus il est une imposture sociale. Pour preuve, il a voté contre le SMIC à 1500€ net à l’Assemblée nationale et pour l’ensemble de la loi qui acte le recul du pouvoir d’achat.

Pour les actionnaires, tout va bien, avec des dividendes en hausse et une accumulation de fortune absolument colossale. L’argent existe pour financer le plein emploi, des hausses de salaire et les 32H.

L’argent existe pour financer les services publics, pour donner tous les moyens nécessaires à l’hôpital public.

Mais Macron est le Président des riches ; il prend aux pauvres pour donner toujours davantage aux riches. Sans surprise, le tandem Emmanuel Macron – Geoffroy Roux de Bézieux fait reculer le droit du travail, affaiblit les services publics, et attaque de front la sécurité sociale, dont les retraites et l’assurance-chômage.

Nous refusons cette formidable régression. Salariés du secteur privé, fonctionnaires, retraités, étudiants ou chômeurs : nous qui ne vivons ni de nos rentes ni de nos dividendes, nous devons nous battre ensemble. C’est le seul moyen de stopper le rouleau compresseur qui écrase nos droits, au profit des plus riches.

Le communiqué intersyndical du 12 juillet, signé par 13 organisations syndicales de salariés, d’étudiants et de lycéens, affirme que la préservation du pouvoir d’achat passe par un meilleur partage de la richesse. Ce communiqué précise que le sujet prioritaire doit être l’augmentation des salaires, des pensions, des minimas sociaux et des bourses d’études.

En nous réunissant ici, nous montrons notre fidélité au courage, à l’engagement et aux conquêtes des résistants parisiens. Nous voulons être fidèles à leur œuvre en poursuivant dans cette volonté de résister au libéralisme tout puissant qui détruit les droits des travailleurs, à l’autoritarisme et à la répression qui veut les empêcher de s’organiser et de résister, à la xénophobie, au racisme et au machisme qui les divisent. Nous voulons leur être fidèles en luttant pour un monde toujours plus juste, plus égalitaire, plus démocratique et plus solidaire.

Tel était le combat de celles et ceux que nous honorons aujourd’hui. Ils et elles ont su affronter les situations nouvelles et y trouver des réponses. Tel est le combat qu’il nous appartient de poursuivre et de mener dans les tous prochains jours, avec une rentrée sociale résolument offensive !

Nous ne laisserons pas détruire nos systèmes de retraite et d’assurance chômage.

Nous ne laisserons pas détruire les services publics.

Dès le 22 septembre, nous nous mobiliserons sur les questions de santé.

Sur la question des salaires, la classe ouvrière britannique nous montre la voie à suivre. D’ores et déjà, la CGT et Solidaires appellent à faire grève et à manifester partout en France le 29 septembre. Cette journée d’action nationale interprofessionnelle sera débattue lors de la rencontre nationale unitaire du 5 septembre. Car il s’agit d’élargir le socle unitaire.

Ensemble, disons non à la politique libérale de Macron et du Medef !

Refusons et déjouons les facteurs de division de notre camp social !

Relevons les défis qui nous posés, à Paris, en France et à l’échelle de toute l’humanité !

Pour des luttes de grande ampleur, l’heure est à la mobilisation !

Merci pour votre écoute.