Depuis plusieurs dizaines d’années, les jeux Olympiques sont devenus un formidable bac à sable pour expérimenter la surveillance des populations. Tour d’horizon international.
Lors des Jeux d’Athènes, en 2004, plusieurs centaines de caméras sont installées dans les villes accueillant les épreuves, toutes regroupées dans un système de surveillance de masse appelé « C4I ». On parle d’une caméra tous les cinquante mètres dans le cœur de la zone olympique1. En 2012, à Londres, le « Locog », comité d’organisation des jeux olympiques et paralympiques suit la tendance : scanners biométriques, caméras de surveillance avec reconnaissance faciale et comportementale assistent les forces de sécurités2. C’est le « quoi qu’il en coûte » à l’anglaise. Que ce soit la prise d’otages de 1972 durant les JO de Munich, l’attentat de 1996 aux JO d’Atlanta ou, surtout, le 11 septembre 2001, tout évènement est instrumentalisé pour justifier la mise en place de ces systèmes qui, bien évidemment, représentent des dépenses publiques colossales3. Pour 2024, à Paris, nous n’échapperons pas à la règle.
La caméra analyse les comportements
C’est dans le pays des Droits humains qu’est déployé, depuis plusieurs années et de manière opaque dans deux cents grandes agglomérations françaises, le système de surveillance VSA, pour « vidéo surveillance automatisée (ou algorithmique) ». Pour expliquer succinctement son fonctionnement, il faut nous plonger au cœur des centres de surveillance urbains (CSU), là où se trouvent les écrans rattachés aux caméras qui inondent l’espace urbain. Le travail des opérateurs des CSU et de regarder ces écrans et de prévenir les forces de l’ordre si une situation nécessite une intervention. La VSA vient assister, voire dans certains cas remplacer ces opérateurs en utilisant la puissance de l’intelligence artificielle.
Avec cette technologie, nous ne sommes plus surveillés par les deux yeux de l’opérateur mais par l’infinité des processus que ce système peut déployer. La VSA surveille tout, tout le temps, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Ça fait beaucoup, non ? Pourtant, le pouvoir de la VSA ne s’arrête pas là. « Vidéo Synopsys », de la société israélienne Briefcam, a été éduqué à l’identification de « comportements anormaux ». Il est aussi possible pour le logiciel de retracer l’intégralité du trajet de personnes au comportement « déviant » en se basant sur la couleur de ses vêtements, son genre, sa vitesse de marche, sa démarche, etc. Pour plus d’info, voir la Quadrature du net4. Les JOP accélèrent la mise en place de cette surveillance car c’est grâce au dépôt du projet de loi relatif aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 que le gouvernement a rendu légale et officielle l’utilisation de la VSA5.
Opacité et impunité
Fin 2022, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait émis un avis défavorable sur la reconnaissance faciale devant les sénateurs qui examinaient le texte de loi (qui ne portait pas sur la reconnaissance faciale mais sur l’aspect biométrique de la surveillance expliqué plus haut). C’est assez curieux dans la mesure où le logiciel en place dans les deux cents communes françaises embarque déjà cette fonctionnalité, activable, selon ‘éditeur Briefcam, en quelques clics6. D’autant plus que, un an plus tard, en novembre 2023, il lançait une enquête administrative sur la reconnaissance faciale, afin « qu’il n’y ait pas de doute ». Le résultat de l’enquête ne sera connu qu’après la publication de cet article, mais il est hautement probable que les agents ne se priveront pas de cette fonctionnalité, de la même façon qu’ils ont utilisé pendant des années la VSA en toute opacité et en toute impunité.
Ce qui est sûr, c’est que le train de la surveillance constante et globale est bien en route et que, sans notre mobilisation, il ne s’arrêtera pas. Voici plusieurs ressources pour se réapproprier nos villes : « La rage contre la vidéo-surveillance » (https://infokiosques.net/IMG/pdf/la_rage_contre_la_videosurveillance-pageparpage.pdf) et les ouvrages de Geoffrey Dorne, hacker protester et hacker citizen.
1. https://www.researchgate.net/publication/249771030_Security_and_Surveillance_in_the_Athens_2004_OlympicsSome_Lessons_From_a_Troubled_Story.
2. https://www.theguardian.com/commentisfree/libertycentral/2012/feb/22/london-olympics-security-surveillance.
3. https://link.springer.com/chapter/10.1057/9780230367463_25.
4. https://www.laquadrature.net/wp-content/uploads/sites/8/2023/02/Dossier-VSA-2-LQDN.pdf.
5. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/dossiers/DLR5L16N46918.
6. https://disclose.ngo/fr/article/la-police-nationale-utilise-illegalement-un-logiciel-israelien-de-reconnaissance-faciale.