Les mesures d’urgence prises en raison de la crise sanitaire ont fortement touché les relations collectives de travail. Certaines d’entre elles sont des mesures de «bon sens », qui tiennent compte de la situation exceptionnelle née de la crise sanitaire. D’autres, sous couvert d’un caractère « provisoire », semblent annoncer une prochaine série d’attaques contre les droits des IRP.
Ces mesures, officiellement exceptionnelles et provisoires, concernent :
– le CSE et les élus du personnel,
– les accords collectifs,
– le traitement des demandes de licenciement des salariés protégés,
– les élections TPE, les mandats prud’homaux et CPRI.
LE CSE
La tenue des réunions
La visioconférence, l’audioconférence et la messagerie instantanée sont désormais autorisées pour toutes les réunions du CSE (art. 6 ordonnance n° 2020-389 du 1er avril 2020). De même, l’ordonnance autorise le recours
à la conférence téléphonique pour l’ensemble des réunions des IRP (modalités calquées sur celles applicables à la visioconférence (C. trav., art. D. 2315-1 et D. 2315- 2). La messagerie instantanée est également autorisée
(s’il est impossible d’utiliser la visioconférence ou la conférence téléphonique). Ces dispositions valent pour toutes les réunions pendant toute la période de crise sanitaire.
Les modalités de consultation
La consultation du CSE est modifiée pour tenir compte des dérogations sur les congés et la durée du travail (art.7 ordonnance n° 2020-389 du 25 mars 2020).
L’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 permet aux employeurs de déroger aux règles habituelles sur les RTT, les jours de repos, jusqu’au 31 décembre 2020.
Certains passages (art. 5, 6 et 7) de cette ordonnance sont modifiés par l’article 7 de la nouvelle ordonnancesur les IRP. Il s’agit de permettre à l’employeur de ne plus avoir à informer et consulter préalablement le CSE pour mettre en œuvre ces dérogations : le comité devra être informé « sans délai et par tout moyen ». Le CSE pourra rendre son avis dans un délai d’un mois à compter de l’information.
Cette disposition, qui rompt avec le principe de l’information et avis préalable de l’IRP censé garantir la prise en compte de l’avis collectif des salariés, vaut pour :
– la possibilité d’imposer au salarié la prise de jours de,repos ou de modifier unilatéralement les dates de prise des jours de repos liés à un dispositif d’aménagement du temps de travail (ord. n° 2020-323, art. 2) ou résultant
d’une convention de forfait (art. 3) ;
– la possibilité d’imposer au salarié la prise de jours de
repos à partir des droits affectés sur le compte épargnetemps du salarié (art. 4).
Dans certains secteurs (secteurs jugés essentiels à la continuité économique et à la sûreté de la nation) qui feront l’objet de décrets, l’employeur peut en outre relever les durées de travail et imposer un travail dominical, et ce jusqu’au 31 décembre 2020. Dans ce cas, l’employeur qui décide d’utiliser ces dérogations doit en informer sans délai et par tout moyen le CSE. L’avis du CSE est rendu dans le délai d’un mois à compter de cette information.
Il va sans dire que ces dispositions « provisoires » et « limitées » constituent un précédent extrêmement grave puisqu’elles posent la possibilité, pour l’employeur, d’agir avant que l’avis du CSE ne soit rendu, ce qui vide l’avis
de toute utilité et viole les principes élémentaires de la consultation. Celle-ci est censée permettre aux représentants du personnel d’intervenir et de peser a priori sur la décision de l’employeur.
Il faut, également, insister sur l’importance résultant des dispositions du décret du 2 mai 2020 publié au Journal officiel du 3 mai 2020 (n° 2020-508).
Lorsque le CSE ou le CSE central est saisi des décisions de l’employeur visant à faire face aux conséquences de l’épidémie, les délais de communication de son ordre du jour, ceux dans lesquels il doit rendre son avis, ainsi que les délais de déroulement des expertises réalisées à sa
demande sont raccourcis.
1) Délais de convocation et de communication de l’ordre du jour des réunions
Pour le CSE : deux jours au moins avant la réunion (au lieu de trois).
Pour le CSE central d’entreprise : trois jours au moins avant la réunion (au lieu de huit).
Il doit être souligné que ces délais sont exprimés en jours calendaires (les samedis et dimanches sont intégrés) et dérogent ainsi au principe de « jours francs », aux délais conventionnels et aux délais supplétifs prévus
par les articles L 2315-30 (CSE) et L 2316-17 (CSE central) du Code du travail.
2) Application limitée
Ne sont concernées par ces délais (réduits) que les procédures d’information et de consultation portant exclusivement sur les décisions de l’employeur ayant pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la pandémie. Ces procédures
réduites ne sont pas applicables aux procédures de licenciement économique impliquant un PSE, ni à la procédure de négociation des accords de performance collective. À ce jour, ces dispositions ne seront applicables que jusqu’au 10 août 2020.
3) Sur les procédures d’information et de consultation proprement dites
– consultation du CSE sans intervention d’un expert : 8 jours (au lieu de 1 mois) ;
– consultation avec l’intervention d’un expert : 12 jours pour le CSE central (au lieu de 2 mois) et 11 jours pour les autres comités (CSE d’établissement, d’entreprise) (aulieu de 2 mois) ;
– en cas de multiplicité d’expertises (dans plusieurs établissements) : 12 jours (au lieu de 3 mois) ;
– délai minimal entre la transmission de l’avis de chaque
CSE d’établissement au CSE central : 1 jour (au lieu de 7
jours).
4) Déroulement des expertises
La question de l’expertise se trouve légitimement posée lors des consultations préalables à la réouverture des établissements.
Dans les entreprises qui envisagent la reprise de l’activité
et la réouverture des établissements avec une modification importante de l’organisation du travail et (ou) de l’aménagement de l’activité, le CSE est en droit de solliciter une expertise sur le fondement de l’article L 2315-94
du Code du travail.
Enfin, il importe de retenir que le délai minimal entre la remise du rapport et l’expiration du délai de consultation est réduit à… 24 heures (autrefois 15 jours).
L’expert dispose d’un délai de 24 heures à compter de sa désignation pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission.
L’employeur dispose d’un délai de 24 heures pour répondre à la demande de l’expert.
L’expert dispose d’un délai de 48 heures à compter de sa désignation pour notifier à l’employeur le coût provisionnel, l’étendue et la durée de l’expertise, ou de 24 heures si une demande a été adressée à l’employeur à
compter de la réponse apportée à ce dernier.
Accessoirement, l’employeur dispose d’un délai de 48 heures pour saisir le juge pour chacun des cas de recours prévus à l’article L 2315-86 du Code du travail. Le délai minimal entre la remise du rapport par l’expert et l’expiration des délais de consultation du comité mentionnés
aux deuxième et troisième alinéas de l’article R 2312-6
du Code du travail est de 24 heures.
Il est important d’indiquer que le décret publié au J. O. du 3 mai 2020 ne s’applique pas aux cas suivants :
– licenciement de 10 salariés ou plus dans un même période de 30 jours (PSE),
– dans le cadre d’un accord de performance collective,
– dans le cadre des informations et consultations récurrentes (sur les orientations stratégiques, sur la situation
financière de l’entreprise, sur la politique sociale, etc.).
Enfin, les dispositions du décret publié le 3 mai 2020 s’appliquent à compter de sa date de publication (3 mai 2020) jusqu’au 10 août 2020.
Il est par ailleurs indiqué que les termes de ce décret peuvent être modifiés à tout moment.
En conclusion
– La mise en cause des principes relatifs à la consultation du CSE ne peut porter que sur les projets, les mesures que l’employeur envisage de mettre en application dans les domaines en rapport avec les conséquences de la propagation de l’épidémie de Covid-19.
– Les modifications substantielles des délais de la procédure de consultation du CSE et du CSE central s’appliquent indirectement aux délais accordés et reconnus aux experts désignés soit par les CSE, soit par les CSE
centraux.
– Le décret publié le 3 mai 2020 est censé, à ce jour, s’appliquer immédiatement, et ce jusqu’au 10 août 2020.
Les budgets du CSE
La loi du 15 mai 2020 donne la possibilité pour le CSE de décider de consacrer une partie du budget de fonctionnement (50 % au maximum) au financement des activités sociales et culturelles (disposition applicable jusqu’au 10 janvier 2021). Malgré les apparences, il s’agit d’une
mesure contraire à l’intérêt des représentants du personnel et des salariés.
S’il est exact que le budget des activités sociales et culturelles est toujours insuffisant et même si le budget de fonctionnement des CSE n’est pas toujours utilisé dans sa totalité et à bon escient, la réduction du budget de
fonctionnement au profit du budget des activités sociales est un enjeu fondamental pour les directions d’entreprise, qui se réjouiront que le budget de fonctionnement du CSE puisse améliorer la subvention donnée au titre des activités sociales et culturelles car, d’une part, cela dispense les employeurs d’améliorer cette subvention aux activités sociales et culturelles, et, d’autre part et surtout, cela prive les CSE d’utiliser leur budget de fonctionnement pour leurs formations, des expertises,
une assistance juridique et comptable, etc.
Réduire de façon démagogique le budget de fonctionnement des CSE, c’est toujours affaiblir le CSE, réduire ses moyens et son activité et, par voie de conséquence, cela affaiblit l’expression collective des salariés.
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