La branche française du Comité international olympique (CIO) a publié en octobre 2020 un document précisant les engagements des JOP sur le plan écologique. Il précise les ambitions en matière de réduction des impacts, de « transformations positives », et affirme qu’il s’agit d’un projet au service des transformations de la société1. Trois ans plus tard, et quelques mois avant le début des JOP, que reste-t-il de ces engagements ? Quel est le coût écologique direct et indirect des Jeux ?

Établir le bilan carbone complet et exhaustif des Jeux demandera des mois d’enquêtes et d’investigations afin de prendre en compte les moindres détails. Espérons qu’après les Jeux, un bilan réel de leur coût climatique sera fait. Le Comité olympique, lui, s’est engagé à diviser par deux l’empreinte carbone par rapport aux éditions précédentes (trois millions et demi de tonnes de CO2). Pour cela, le Comité national olympique (CNO) a mis en place une stratégie nommée AERCM (pour anticiper, éviter, réduire, compenser, mobiliser)2. L’approche est pertinente, mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Quelques exemples.

Du bois venu d’Afrique

Alors que le CNO prétend initier le changement sociétal qui nous permettra de relever le plus grand défi de l’humanité, il prévoit de détruire les jardins ouvriers centenaires d’Aubervilliers, véritable poumon vert local et formidable moyen pour les habitants des villes de garder un rapport à la terre. Heureusement, par la lutte, seulement 4 000 m² sur les 10 000 prévus pour construire un centre d’entraînement nautique et un centre de fitness avec saunas et hammams ont été rasés. Les travaux ont été arrêtés, laissant à nu cet espace qui, pendant des décennies, a permis à des familles de se nourrir plus sainement3.

Autre exemple. Une enquête de Mediapart et du Canard enchaîné a dévoilé que plusieurs essences dites « exotiques » seraient utilisées comme matériau de construction sur plus de 4 000 m² : l’okan, ou encore le tali, provenant d’Afrique subsaharienne et notamment du bassin du Congo. Paradoxal quand on ambitionne la neutralité carbone4.

En fait, ce qu’on vise, ce n’est pas la neutralité carbone mais le « compensé en carbone », par le biais d’achats de « crédit carbone », budget finançant des initiatives qui, elles, visent à capter du carbone, à éduquer les populations sur les enjeux climatiques, etc. Ce mode de calcul et surtout ses limites sont souvent décriés par de grands organismes tel que le Giec (Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ou l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie)5. En effet, ce mode de calcul ne prend pas en compte la limite mondiale de captation du carbone, qui est de quatre milliards de tonnes de CO², c’est bien plus que les un million et demi de tonnes évoquées ci-dessus mais bien moins que les quarante milliards de tonnes émises globalement en un an. Avec ces ordres de grandeur, il nous faudrait cinq planètes Terre d’équivalent en forêts pour capter toutes ces émissions de CO2, comme l’explique César Dugast, du collectif « Éclaircies » pour Blast6.

On pollue mais on paie

Considérant l’objectif de sobriété des JOP comme ayant échoué et celui de la compensation carbone comme partiellement mensonger, nous pouvons mettre en doute les engagements écologiques du CNO pour les JOP 2024. Nous avons vu qu’ils ont d’ores et déjà un impact fort sur les populations locales, que ce soit sur les enjeux environnementaux ou sociaux. Deux mondes s’affrontent ainsi, constructions en bois éphémères (et exotiques) pour la capitale, mais bétonisation forcée pour les banlieues. Émission outrancière pour un évènement occidental éphémère, compensation par « les pays du Sud », qui pèse sur l’équilibre local7. Et tout cela sans mentionner le devenir des infrastructures, dans cinq, dix ou vingt ans. D’ici là, le CNO de Los Angeles 2028 nous aura sans doute présenté des JOP négatifs en carbone et 100 % recyclables.

1. https://medias.paris2024.org/uploads/2020/10/Paris2024-201001-SUS-policy-002.pdf.
2. https://www.paris2024.org/fr/methode-carbone.
3. https://reporterre.net/Les-JO-2024-a-Paris-une-catastrophe-ecologique-en-Seine-Saint-Denis.
4. https://www.mediapart.fr/journal/france/290722/le-lobby-du-bois-exotique-l-assaut-des-jo-de-2024.
5. https://www.lemonde.fr/sport/article/2023/05/24/des-jo-positifs-pour-le-climat-l-impossible-promesse-des-jeux-de-paris-2024_6174572_3242.html.
6. Vidéo de la chaîne Youtube Blast, https://www.youtube.com/watch?v=Asu3TwaUl9M.
7. https://oxfamilibrary.openrepository.com/bitstream/handle/10546/621205/bp-net-zero-land-food-equity-030821-fr.pdf