Depuis le 5 avril, une quarantaine de salarié·es intérimaires occupent avec la CGT l’agence Adecco BTP, boulevard Voltaire à Paris, et exigent qu’Adecco France et Qapa, filiales d’Adecco Group, leader mondial du travail temporaire basé à Zurich, respectent leurs engagements et réintègrent les travailleur·ses sans papiers intérimaires engagé·es dans un processus de régularisation après une grève gagnante de plusieurs semaines.
Le 17 octobre 2023, cinq cents travailleur·ses sans papiers, majoritairement intérimaires, se mettaient en grève pour exiger un titre de séjour pérenne leur permettant de travailler en France en toute légalité et de bénéficier de tous les droits sociaux pour lesquels ils cotisent depuis de nombreuses années. Après plusieurs semaines de mobilisation, les grévistes ont obtenu l’engagement du ministère de l’Intérieur et de la Direction générale des étrangers en France (DGEF) d’engager un processus de régularisation par le travail, et l’engagement de leurs employeurs à les embaucher ou, pour les salarié·es intérimaires, à leur donner huit mois de missions d’intérim ou de formation professionnelle sur un an, à compter du jour de la délivrance par les services administratifs de l’État d’un document les autorisant à travailler.
Aujourd’hui, la majorité des salarié·es ex-sans-papiers se sont vu remettre un document par les services administratifs de l’État et ont repris le travail, la majorité des employeurs tenant leurs engagements. Une seule grande entreprise ne joue pas le jeu : Adecco. En effet, sous des prétextes fallacieux, le leader suisse de l’intérim a décidé de ne pas tenir ses engagements. Adecco affirme que le contexte économique n’est pas favorable et qu’il lui est difficile de remettre en emploi les ex-grévistes.
Mauvaise foi
Faux. Adecco Group a fait état d’un exercice 2023 en augmentation de 3 % du chiffre d’affaires, qui se monte à 24 milliards d’euros. La marge brute est de 5 milliards d’euros et le bénéfice net de 325 millions. Le groupe Adecco a versé 422 millions d’euros de dividendes au cours de l’année 2023 et s’apprête à enrichir ses actionnaires, parmi lesquels de grands fonds d’investissement, de plusieurs centaines de millions dans les prochaines semaines. Avec 2 milliards d’euros de liquidités, Adecco a donc les moyens de remettre en emploi ces salarié·es et de financer des formations utiles à leur intégration et au développement de leurs compétences professionnelles.
Adecco prétend ne pas avoir été informé de la validité des documents remis par les préfectures et permettant aux ex-grévistes de reprendre le travail. Encore faux. La DGEF, en charge de suivre le processus de régularisation des cinq cents grévistes, a reçu mi-mars l’organisation patronale du travail temporaire Prism’Emploi afin de lui indiquer la marche à suivre pour la reprise du travail des intérimaires grévistes, celle-ci devant s’effectuer sans délai dès la remise des documents par les préfectures. Le 26 mars, dans une communication à ses adhérents, Prism’Emploi a relayé l’information. Adecco, avec une mauvaise foi évidente, nie avoir être mis au courant par les services de l’État et par son organisation patronale des modalités de retour à l’emploi des ex-grévistes.
Le droit de grève piétiné
Il est évident qu’Adecco a décidé de punir ses quatre-vingts salarié·es intérimaires immigré·s en les privant de travail car ils et elles ont osé se mettre en grève pour faire valoir leurs droits. Il est évident qu’Adecco aurait préféré voir ces travailleuses et ces travailleurs rester dans une zone de non-droit car, sans titre de séjour, ils continuaient d’être à la merci de la surexploitation organisée par le leader mondial de l’intérim, au bénéfice exclusif des entreprises utilisatrices et des actionnaires d’Adecco. En piétinant le droit de grève, droit constitutionnel garanti à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs, en remettant en cause le processus du ministère de l’Intérieur favorisant la régularisation cinq cents grévistes et leur remise en emploi, en reniant ses propres engagements, Adecco se met hors-jeu des principes républicains les plus élémentaires, à savoir le droit de grève, la non-discrimination de salarié·es et l’égalité réelle des droits pour toutes et tous.
La CGT condamne avec la plus grande fermeté la politique répressive et discriminatoire d’Adecco. Elle exige le retour en emploi ou en formation professionnelle sans délai de l’ensemble des ex-grévistes sans papiers d’Adecco et de sa filiale Qapa.