Début janvier, en plein épisode de froid, l’ancien ministre du Logement Patrice Vergriete annonçait cent vingt millions de crédits supplémentaires pour « renforcer le système d’hébergement d’urgence », soit environ dix mille places de plus. Dans un contexte où le mal-logement touche de plus en plus de Français·es, cette annonce n’est rien d’autre qu’une goutte d’eau face à l’ampleur du sujet. ET ni la nomination de Guillaume Kasbarian comme nouveau ministre du Logement, ni le discours de politique générale de Gabriel Attal ne laissent entrevoir des améliorations sur ce plan, bien au contraire.
Le mal-logement, c’est quoi ? D’après le dernier rapport de la Fondation Abbé Pierre, 4,2 millions de Français·es sont mal logé·es au sens strict, c’est-à-dire soit privé·es de logement personnel, soit vivant dans des conditions de logement très difficiles. Mais si l’on inclut les personnes fragilisées par rapport au logement, c’est 14 millions de personnes qui étaient concernées en 2023. Autrement dit, plus de 20 % des Français·es sont en situation de fragilité, dont 6 % en extrême difficulté.
Une politique gouvernementale à contre-sens
Évidemment, le renchérissement du coût de la vie et en particulier des loyers est de nature à augmenter cette proportion, dans un contexte où les salaires n’ont pas suivi la même progression que l’inflation. À titre d’exemple, entre 2020 et 2022, le nombre de ménages demandeurs de HLM a augmenté de 12 %. Et c’est loin d’être la seule cause, car il existe d’autres facteurs, liés à des choix politiques gouvernementaux à rebours du bon sens. Avec les deux réformes successives de l’assurance chômage précarisant les travailleur·ses, les mesures d’économies gouvernementales sur les aides personnelles au logement ou encore la baisse du nombre de logements sociaux financés, les quinquennats Macron rendent de plus en plus difficiles les conditions d’accès au logement.
Le budget logement social 2024 en berne
Au vu des discours on était en droit de s’attendre à beaucoup mieux. Le Conseil national de la refondation n’ayant pas abouti à des mesures fortes de la part de l’État, le gouvernement continue de ne pas soutenir un secteur dans la tourmente. La construction de logements sociaux est au point mort et tombe à 66 000 agréments seulement en 2023, dont moins de 7 000 en Île-de-France. En 2017, il y en avait le double. Le fameux « choc de l’offre » promis par le président de la République avec la loi Elan en 2018 semble avoir pris un tout autre sens. En comparaison, la demande de logements sociaux atteint un pic avec 2,4 millions de personnes en attente.
Toute la chaine du logement doit être repensée
Quand l’hébergement pérenne est de moins en moins accessible, les situations individuelles se dégradent, jusqu’à la rue. Autrement dit, lorsque l’hébergement d’urgence croule sous les besoins, c’est que les garde-fous (logement social, aides au logement, etc.) n’ont pas été en mesure de remplir leurs fonctions. De fait, le Samu social est de moins en moins en capacité de répondre à l’urgence de la situation et aurait grand besoin de soutien. Finalement, c’est toute la chaîne de lutte contre le mal-logement qu’il faudrait renforcer. Ainsi, les dix mille places supplémentaires annoncées en janvier sont très loin de s’attaquer réellement au problème. Mais plus encore, c’est l’ordre de grandeur qui choque : 120 millions d’euros, c’est 0,06 % du montant cumulé des aides accordées chaque année aux entreprises.
Des solutions existent
Des solutions concrètes et immédiates existent, à commencer par le plafonnement des loyers, auquel se refuse la majorité gouvernementale. Pourtant, il est clair que l’année 2024 et l’accueil des Jeux olympiques n’est pas de nature à améliorer les choses. Parallèlement, l’augmentation des salaires et des pensions de retraite rattrapant les pertes de pouvoir d’achat subies ces dernières années et l’indexation des salaires sur les prix devrait permettre de vivre dignement et faire face, entre autres, aux hausses des charges (eau, énergie). Pour la CGT, le logement doit rester un droit fondamental. En réponse aux 2,6 millions de demandes de HLM non pourvues, la CGT propose la construction de 518 000 logements par an pendant cinq ans, dont la moitié en logements sociaux. Enfin, la CGT souhaite une régulation plus stricte des loyers pour tous les segments de la population, y compris les logements intermédiaires, afin que la quittance (loyer et charges) des locataires n’excède pas 20 % de leurs revenus.