80 ans – Commémoration de la libération de la Bourse du travail de Paris, 28 août 2024

Allocution de l’UD CGT Paris

Mesdames et Messieurs,

Cher-e-s ami-e-s, cher-e-s camarades,

Nous sommes rassemblés pour commémorer la libération de la Bourse du travail, un moment décisif de la bataille pour la libération de Paris du joug nazi. C’était il y a 80 ans. Plus que jamais, il convient de se souvenir du courage inouï et de l’œuvre immense de ces milliers de travailleuses et de travailleurs qui se sont dressés contre la barbarie nazie pour imposer leur volonté d’une société plus juste.

En août 1944, quand ces anonymes ou ces figures de proue ont distribué des tracts, exécuté des sabotages, se sont mis en grève, ont manifesté ou pris les armes, l’effroyable machine de guerre nazie était, certes, sur le recul : mais elle restait toujours redoutable et ses instruments de répression, de terreur et d’extermination tournaient encore à plein. Pourtant, en toute connaissance de cause, ils ont choisi de prendre les armes pour prendre leur destin en main.

Rappelons aussi à notre mémoire ces milliers d’étrangers qui avaient fui leurs pays pour des raisons économiques et politiques et qui se sont engagés dans la Résistance, tels les combattants de l’Affiche rouge. Ils étaient arméniens, juifs de l’Europe de l’Est, hongrois, espagnols, italiens, étrangers de tous horizons. Ils ont donné leur vie pour défendre leurs idéaux et leur pays d’adoption.

Cette marche vers la liberté n’aurait pas été possible sans la constitution du Conseil National de la Résistance à Paris, le 27 mai 1943 et l’adoption de son programme le 15 mars 1944. Fort de l’attachement à des valeurs et des idéaux démocratiques communs, une multitude d’organisations d’horizons divers ont dépassé leurs différences, se sont unis pour constituer le CNR.

Il y a 80 ans, le peuple parisien s’est libéré et a pris son avenir en main. Dans la lignée des traditions révolutionnaires et insurrectionnelles de 1848 et de la Commune de Paris, le Comité Parisien de la Libération a été le maître d’œuvre de l’insurrection de l’été 1944 qui a conduit à La Libération, le 19 août de la Bourse du Travail.

Après la défaite allemande de Stalingrad, le débarquement allié, le 6 juin 1944 a suscité un élan et créé l’espoir de la délivrance. Par la suite, dès les premiers jours de juillet ont lieu des manifestations spontanées. A la veille de la fête nationale, le Comité Parisien de la Libération et le CNR appellent la population à une très forte mobilisation à laquelle les Parisiens ont répondu présent. 600 barricades furent érigées dans les quartiers Est et Nord de Paris.

Le 10 août 1944 est lancé un mot d’ordre de grève générale sur l’ensemble des établissements ferroviaires de la région parisienne.

Le 11 août au soir la grève est effective partout chez les cheminots. Tout le système ferroviaire se trouve alors entre les mains de la Résistance cheminote.

Le 14 août, trois mouvements de la police réunis en présence du Colonel Rol-Tanguy ont décidé de la grève. 2000 policiers s’emparent de la Préfecture de police.

Le 15 août, les agents des PTT sont appelés à faire grève. Celle-ci se propage ensuite à d’autres corps de métiers, métro, gaz, métallurgie… Les conditions sont alors réunies pour le lancement de la grève insurrectionnelle du 18 août 1944, appel lancé par les dirigeants du Comité Parisien de la Libération, parmi lesquels on peut citer André Carrel et André Tollet.

Le 19 août la Bourse du Travail est libérée.

Le lendemain le personnel de l’AP-HP libère le siège de l’administration centrale occupé par les nazis.

Le 25 août Paris est libéré. Ainsi prennent fin quatre années d’humiliation, d’occupation, de souffrance et de terreur.

Les Résistants avaient à cœur non seulement d’en finir avec la guerre, de libérer le pays de l’occupation mais également de faire surgir un monde meilleur. C’est tout le sens du programme du CNR. L’insurrection a donc permis l’installation d’un gouvernement qui avait pour tâche d’appliquer ce programme. La liste des principales décisions prises à cette époque est impressionnante :

  • Janvier 1945 : Statut de la Fonction Publique et nationalisation de Renault
  • Février : Ordonnance sur les CE et les retraites
  • Mars : Ordonnance sur la presse, mise en place de l’école primaire unique
  • Avril : les femmes votent pour la première fois ; mise en place des grilles de salaires, avec le point 100 de base dans tous les statuts et Conventions Collectives
  • Mai : Ordonnance sur la représentativité syndicale
  • Juin : Généralisation des retraites pour les « vieux travailleurs » (disait-on à l’époque), blocage des prix
  • Juillet : Ordonnance sur la culture, ordonnance sur les musées, et la lecture (bibliothèque de prêt)
  • Août : Épuration économique (mise sous séquestre des biens des patrons collaborateurs)
  • Septembre : Ordonnance sur le droit au logement
  • Octobre : Instauration de la Sécurité Sociale
  • Novembre : Instauration d’une Protection Maternelle et Infantile généralisée
  • Décembre : Nationalisation du système bancaire et du crédit.

Ambroise Croizat, ministre communiste, fonda l’assurance maladie, le système des retraites, les allocations familiales et améliora le droit du travail français. Par une ordonnance du 4 octobre 1945, il lança la mise en place et l’organisation administrative de son projet de sécurité sociale.

Croizat a conçu ses lois en mai et juin 1946 et créé les 138 caisses permettant leur fonctionnement. La vitalité démocratique dans la mise en place et dans la gestion de ces caisses est essentiellement due à l’engagement de toute la CGT, telle qu’elle était en 1946 et 1947. Mort prématurément à l’âge de cinquante ans, en 1951, Croizat eut un enterrement digne de Victor Hugo : un million de personnes l’ont accompagné au Père Lachaise !

Depuis de nombreuses années, les conquêtes essentielles sont remises en cause au rythme des contre-réformes structurelles et des politiques d’austérité. Le capitalisme épuise tant l’être humain que la nature ; il est temps d’en sortir !

Aujourd’hui comme hier, soyons lucides. Le patronat est allé, très largement, jusqu’à collaborer avec l’occupant nazi ; il n’a pas changé de nature. Il est prêt à tout pour élever ou maintenir son taux de profit, y compris les coups d’état et les guerres. Et pour les actionnaires, tout va bien, avec des dividendes en hausse. 

L’argent existe pour financer des hausses de salaire. La CGT exige un rattrapage des salaires consécutif à la forte inflation que nous subissons. Nous voulons rétablir l’échelle mobile des salaires.

L’argent existe pour financer les services publics, pour donner tous les moyens nécessaires à l’école publique et à l’hôpital public.

Mais Macron est le Président des riches. Année après année, ils le sont de plus en plus. Sans surprise, le tandem Macron-Medef fait reculer le droit du travail, affaiblit les services publics, et attaque de front la fonction publique et la sécurité sociale. Nous refusons ces régressions. Salariés du secteur privé, fonctionnaires, retraités, étudiants ou chômeurs : nous qui ne vivons ni de nos rentes ni de nos dividendes, nous continuerons à lutter ensemble. Il faut abolir les contre-réformes, en premier lieu celles qui ont détérioré les droits à la retraite et à l’assurance chômage.

Au premier trimestre éclatait une colère agricole dans notre pays. Il nous a fallu du discernement pour tenir notre position de classe dans cette période. Puisque nous avons de la mémoire, nous rendrons hommage en septembre aux victimes du double assassinat d’une contrôleuse du travail et d’un inspecteur de la MSA à Saussignac en 2004, tués par un propriétaire agricole qui surexploitait ses salariés.

La loi immigration promulguée cette année le 26 janvier attise les haines et fait reculer les droits des étrangers. La majorité présidentielle s’est alliée à l’extrême droite, la présidente du groupe RN parlant de victoire idéologique.  Cette réalité préfigurait la première place du RN aux élections européennes.

La crise de régime actuelle résulte à la fois de la politique antisociale, du recul de la démocratie, du racisme et des inégalités. Autrement dit, elle résulte d’une remise en cause des principes et valeurs issus de la Révolution française et du programme du CNR. Elle résulte aussi de la folle décision de dissoudre l’Assemblée nationale.

Quelle serait la situation concrète aujourd’hui si un gouvernement néofasciste avait été mis en place cet été ? En contrôlant le pouvoir exécutif, le RN aurait engagé des mesures nuisibles à la population générale, aux étrangers, au monde du travail, au syndicalisme. La commémoration de la Libération de Paris aurait été profanée par la présence d’un 1er ministre dirigeant d’un parti historiquement lié aux Waffen-SS.

À la suite des élections européennes, dès le 10 juin, la CGT et l’intersyndicale ont joué un rôle déterminant face à la menace fasciste. Nous avons contribué à la dynamique en faveur d’une perspective de progrès social. Non seulement nous avons évité le pire, mais le programme du NFP ouvre quelques perspectives.

Le gouvernement démissionnaire continue d’exercer le pouvoir depuis 7 semaines. Le président de la République surfe sur les JOP pour maintenir au pouvoir un gouvernement sans légitimité : c’est irresponsable !

Il incombe en permanence au mouvement syndical de créer, avec les travailleurs, un rapport de force face au capitalisme. Avec un RN pour l’instant écarté et une Macronie battue aux élections, nous sommes dans une séquence politique et sociale inédite. Non seulement les contre-réformes prévues par le gouvernement doivent être abandonnées, non seulement les pires réformes récentes doivent être abrogées, mais les attentes sociales doivent donner lieu à des réponses positives, au plus vite. La CGT propose de construire une journée d’action nationale interprofessionnelle, que nous souhaitons la plus unitaire possible.

Le capitalisme, c’est la guerre, toutes les guerres, dont celle menée en Ukraine par Poutine, pour asseoir des dominations impérialistes, pour accaparer des ressources naturelles et des infrastructures.

Refuser l’impérialisme et le colonialisme, c’est condamner le génocide en cours à Gaza, commis par l’État israélien. C’est aussi dénoncer la situation créée en Kanaky Nouvelle Calédonie par Macron.

Alors, nous exigeons le retrait des troupes russes d’Ukraine, un cessez-le-feu immédiat à Gaza, l’abandon du dégel du corps électoral en Kanaky. Nous revendiquons en tout lieu le respect du droit international.

Ces mots, nous les prononçons 110 ans après l’assassinat de Jaurès et le début de la 1ère guerre mondiale. Nous nous inscrivons donc dans un long processus historique de lutte pour la paix. Le 21 septembre, un grand nombre d’organisations invitent à se mobiliser, y compris à Paris, afin de célébrer la journée internationale de la Paix.

Le Président du CIO, dans son discours de clôture du 11 août, s’adressait aux athlètes : « Vous avez créé une culture de la paix… Nous savons que les Jeux Olympiques ne peuvent pas instaurer la paix. Mais les Jeux Olympiques peuvent créer une culture de la paix qui inspire le monde… ».

Puissent les Jeux Paralympiques amplifier cette aspiration à la paix et promouvoir une société inclusive !

En nous réunissant ici aujourd’hui, nous montrons notre fidélité au courage, à l’engagement et aux conquêtes des résistants parisiens. Nous voulons être fidèles à leur œuvre en poursuivant dans cette volonté de résister au libéralisme tout puissant qui détruit les droits des travailleurs, à l’autoritarisme et à la répression qui veut les empêcher de s’organiser et de résister, à la xénophobie, au racisme et au machisme qui les divisent.

L’entrée au Panthéon des Manouchian, et toutes les commémorations liées à cette année 1944 si décisive, sont l’occasion d’être pédagogue autour de l’Histoire et du présent, en les articulant.

Nous voulons intensifier notre lutte contre l’extrême-droite, véritable imposture sociale qui s’appuie sur des théories inégalitaires et xénophobes ; et qui, toujours, soutient le capitalisme. Nous voulons être fidèles aux résistants parisiens en luttant pour un monde toujours plus juste, plus égalitaire, plus démocratique et plus solidaire.

Tel était le combat de celles et ceux que nous honorons aujourd’hui. Ils et elles ont su affronter les situations nouvelles et y trouver des réponses. Tel est le combat qu’il nous appartient de poursuivre et de mener dans les tous prochains jours, avec une rentrée sociale résolument offensive !

Refusons et déjouons les facteurs de division de notre camp social !

Renforçons le syndicalisme et travaillons à l’unité de notre classe !

Merci de votre attention.