Mesdames, Messieurs, chers Camarades,

tout d’abord, au nom du syndicat CGT des services Postaux de Paris, je tiens à remercier vivement celles et ceux qui ont répondu à notre invitation : les représentants de la Fédération CGT des activités postales et de Télécommunication,  l’Union Régionale CGT-FAPT, les différents syndicats CGT d’Ile de France, l’institut  d’histoire  sociale  CGT-FAPT,  les  élus  du  Parti  Communiste  Français  au  Conseil  de  Paris,  les camarades  du  Comité  de  Paris  de  l’Amicale  de  Châteaubriant-Voves-Rouillé et  de  Libération-PTT,  les collègues ainsi que les représentants de la Poste qui sont présents.

La Poste du Louvre, appelée familièrement « la Recette », pendant des années par des milliers de postières et de postiers était le plus grand bureau de France, le seul à être ouvert 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. La recette était un bâtiment qui avait su relever le défi de son temps en devenant un site industriel de 1ère importance regroupant la totalité des activités postales et de télécommunication pour répondre aux besoins de la population. Ce bâtiment portera toujours en lui  l’histoire de la Poste  et de ceux qui par leur travail en ont fait la renommée et le prestige.

Aujourd’hui, comme chaque année, nous rendons hommage aux postiers qui sont morts pour que nous puissions vivre libres.

Revenons sur les faits qui se sont déroulés ici même, il y a 80 ans.

A Paris, le 15 août 1944, l’ordre de grève était lancé dans les PTT par le comité de grève présidé par Emmanuel Fleury et Fernand Piccot, tous deux résistants de la première heure, membres de la CGT-U et du Parti Communiste Français. Le 16 août, la grève est effective dans les PTT et le 19 août, 2000 postiers réunis à la Recette principale formulent leurs revendications dans l’enthousiasme et affirment leur volonté de poursuivre la grève jusqu’à la libération complète de Paris et de sa banlieue.

Un comité local de grève est élu démocratiquement par le personnel. Le receveur principal, lui, est suspendu de ses fonctions et remplacé par une délégation du comité de grève. Ainsi se vit à la RP ce qui sera une page mémorable de son histoire et de notre profession. Après les cheminots en grève depuis le 10 août, les postiers seront la deuxième profession à entrer dans l’action. Les agents des PTT participent pleinement à la libération et quand le 25 août, les chars de la 2ème Division Blindée du général Leclerc entrent dans Paris, seuls demeurent de rares îlots occupés par l’ennemi. Les Parisiens se sont libérés eux-mêmes.

L’insurrection parisienne n’a  nullement été une improvisation ou une action spontanée :  elle a été l’aboutissement d’une longue période de combat mené dans la clandestinité et elle a été le résultat d’une action de masse dans l’organisation et la conduite de laquelle la CGT et le Parti communiste français ont joué un rôle de premier plan.

Si,   en   juillet   1944,   les   communistes   n’avaient   pas   tout   mis   en   œuvre   pour   organiser des manifestations populaires se produisant sous la protection des Francs-Tireurs et Partisan  en armes, le peuple de Paris n’aurait pas pu prendre conscience de sa force et il n’aurait pas pu voir de ses propres yeux la faiblesse relative de l’ennemi.

Ce bureau a valeur de mémoire. Les plaques commémoratives témoignent par leur seule existence de l’Histoire, de la réalité de ces faits, de l’abnégation de ces hommes et de ces femmes qui se sont sacrifiés pour que nous puissions vivre libres.

C’est l’honneur des postières et des postiers d’avoir participé à la Libération de la France et de Paris. On estime à 10 000 le nombre d’agents des PTT ayant pris part à la Résistance sur le territoire. Plus de 1000 d’entre eux ont péri dont 39 travaillaient à la Recette Principale du Louvre. Parmi eux, Henri Basile et Paul Vaguet.

Henri Basile est fait prisonnier par les soldats allemands et fait partie des 30 français sauvagement assassinés par les nazis les 19, 20 et 21 août 1944. Une plaque commémorant leur martyr est apposée Gare du Nord.

Paul Vaguet,  militant de la CGT et du Part Communiste Français, a lui été arrêté le 30 août 1941 au métro Louis Blanc par la police française alors qu’il était porteur de trois tracts et du journal la Vie Ouvrière édité et imprimé dans la clandestinité par la CGT. ll fut condamné aux travaux forcés à perpétuité par une cour spéciale qui siégea le 8 octobre 1941. Le 13 décembre 1941, les autorités militaires allemandes le désignèrent comme otage, en représailles à plusieurs attentats commis par la Résistance en région parisienne. Il fut fusillé le 15 décembre 1941.

Dans la nuit sanglante du nazisme, des hommes et des femmes bravèrent avec un courage inouï la loi du sang. Alors que tout semblait perdu, sans horizon, sans espoir, ces résistants cherchèrent à bâtir au sein du Conseil national de la Résistance les fondations nouvelles d’une société enfin débarrassée des causes de la guerre, des dominations et des inégalités de toutes sortes, de l’égoïsme et de la loi de l’argent ; débarrassée, enfin, des querelles identitaires qui mènent au pire.

Grâce au souffle puissant de la Libération, ce fut aussi la création du premier statut de la Fonction Publique, établissant la distinction du grade et de l’emploi ; la gestion des personnels au sein d’organismes paritaires ; la reconnaissance du droit d’adhérer à un syndicat ; la création du régime général de la Sécurité sociale par Ambroise Croizat ; la liberté de la presse et son indépendance à l’égard des puissances d’argent, la création des conventions collectives et la nationalisation du système bancaire et des grands moyens de production assujettis aux forces d’occupation par un patronat ayant pour une large part collaboré.

Alors que les derniers témoins de cette époque tourmentée s’éteignent peu à peu, tout est fait pour que les enseignements de cette histoire tragique et fondatrice soient effacés au profit de nouvelles tensions, de  nouvelles  inégalités  et  de  profondes  injustices.  Et  les  vieux  démons  identitaires  refont  surface. Aujourd’hui, en 2024, 8 décennies plus tard, comment ne pas être interpellé par la situation politique et sociale du pays ?

L’extrême-droite, compte aujourd’hui 143 députés, dont 126 pour le Rassemblement National. Comment, ce parti fondé par d’anciens waffen ss et d’anciens miliciens pétainistes peut-il autant prospérer ? Comment des dirigeants politiques peuvent-ils renvoyer dos à dos Nouveau Front Populaire et extrême-droite comme si tout se valait ? Comme si l’extrême centre n’existait pas, celui-là même qui mène depuis 40 ans des politiques de démantèlement des services publics, des politiques de bas salaires et qui repousse l’âge de la retraite poussant à la mobilisation des millions de personnes que l’on n’écoute jamais. C’est bien cela qui pousse  certains  citoyens  au  désespoir.  Et  le  désespoir  n’amène  jamais  de  solutions  heureuses.  Enfin, comment comprendre le silence assourdissant du Medef et du patronat quand il s’agit d’appeler à battre l’extrême-droite dans les urnes ?

La CGT, au contraire, fidèle à son histoire et à ses valeurs a mis toutes ses forces pendant la séquence des législatives pour que le pays ne tombe pas aux mains de l’extrême-droite. Nous, militants, syndiqués de la CGT, pouvons en être particulièrement fiers. Cela nous honore.

Mais pour lutter contre l’extrême-droite, contre la corruption qu’elle incarne, contre les divisions qu’elle entretient, il faut connaître le travail des historiens mais il faut surtout répondre aux revendications des citoyens et des salariés : il faut davantage de services publics, davantage de salaire brut, une réelle égalité de traitement sur l’ensemble du territoire, davantage de protection sociale et revenir à la retraite à 60 ans. Il faut entendre celles et ceux qui travaillent et surtout il faut satisfaire les revendications portées par les salariés. Sans cela l’extrême-droite continuera de prospérer. Et pour ce qui nous concerne à la Poste, il y a urgence à remettre du service public postal de qualité et de proximité partout sur le territoire en l’adaptant aux besoins de notre époque. Il y a également urgence à revaloriser les salaires de postiers qui sont de plus en plus nombreux à ne plus vivre décemment de leur travail. Aussi, le syndicat CGT des services Postaux de Paris s’honore de toutes les actions entreprises pour empêcher la fermeture de nombreux bureaux de poste et de toutes les batailles menées pour à la fois préserver les conditions de travail des personnels et maintenir un service de qualité aux usagers parisiens.

Nous saluons par ailleurs, l’action des élus communistes qui au Conseil de Paris et dans tous les arrondissements où ils sont présents, défendent d’arrache-pied le service public postal et l’ensemble des services publics.

Pour reconstruire la perspective de Jours Heureux, gardons intact la mémoire de la Libération, de ses audaces et de ses réussites pour le bien commun. A nous de nous atteler ensemble et dans les conditions d’aujourd’hui, à l’invention d’un nouveau projet humain, social et solidaire, international et porteur de paix. Se souvenir, lutter contre l’oubli, promouvoir un enseignement approfondi de l’histoire à l’école, démontrer que l’identité d’un être humain est bien autre chose que son appartenance à tel ou tel groupe, c’est  s’élever face à l’obscurantisme, c’est œuvrer afin que l’humanité ne revive plus les catastrophes des guerres engendrées par les forces fascistes et par les affairistes qui les financent.

Oui, si elle n’est pas entretenue, la mémoire se perd.

En  2024,  nous  sommes  toujours  fidèles  aux  idéaux  de  la  Résistance :  contre  les  injustices  qui perdurent dans ce monde, contre les menaces pesant sur la planète, contre les fanatismes religieux, les idées fascistes, racistes, ségrégationnistes, communautaristes, contre tous les va-t’en guerre qui menacent chaque jour un peu plus l’Humanité.

Aujourd’hui, une force politique d’espoir doit grandir car lorsque la civilisation est menacée, nous avons le devoir d’être ensemble et d’agir. Le nationalisme, le populisme, le repli communautariste, c’est la haine de l’autre. Le patriotisme, à l’inverse, celui qu’incarna si bien le résistant communiste Missak Manouchian que l’on a célébré il y a quelques mois, c’est l’amour de tous ceux qui servent les valeurs de la République : la liberté, l’égalité, la fraternité.

Ainsi, aujourd’hui, en ce 80ème anniversaire de la grève insurrectionnelle de la Recette Principale du Louvre, nous rendons hommage à celles et ceux qui se sont levés et ont sacrifié leur vie au nom de l’intérêt général, du bien commun, de la République et du progrès social pour que les générations futures puissent également vivre des jours heureux et des jours de paix.