Le 25 août 1944, Paris a dressé, comme en 1789 et en 1871, des barricades dans tous ses quartiers. Aboutissement d’un long combat mené dans la clandestinité, et résultat d’une action de masse dans l’organisation et la conduite de laquelle la CGT-U et le Parti communiste français ont joué un rôle de premier plan.

Si, en juillet 1944, les communistes n’avaient pas organisé des manifestations populaires sous la protection des Francs-tireurs et partisans (FTP), le peuple de Paris n’aurait pas pu prendre conscience de sa force. Malgré la présence encore visible des forces d’occupation, la fête du 14 juillet, notamment, est suivie par une large partie de la population. Des actions qui permettront une jonction grandissante entre la protestation individuelle et l’action des forces organisées.

La CGT appelle à la grève générale

Le 10 août, le comité militaire national des FTP lance un ordre d’insurrection. Le lendemain, les cheminots de l’agglomération parisienne entament une grève qui s’étend rapidement, tandis que l’état-major parisien FFI, commandé par le colonel Rol-Tanguy, s’installe dans les souterrains de la place Denfert-Rochereau. Le 15 août, la CGT appelle à la grève générale.

La police entre en action. Elle représente un apport important d’hommes armés pour la Résistance et une force disciplinée au milieu de l’insurrection. À leur tour, les postiers se mettent en grève, suivis par les ouvriers de la presse et les employés du métro, les égoutiers et les agents de la Ville de Paris. Alors qu’une fièvre libératrice gagne la capitale, un dernier train part de la gare de Pantin, emmenant en déportation près de deux mille quatre cents détenus.

Aujourd’hui, comme en écho…

Alors que les derniers témoins de cette époque s’éteignent peu à peu, tout est fait pour que les enseignements de cette histoire tragique soient effacés. Huit décennies plus tard, comment ne pas être interpellé par la situation politique et sociale du pays ? L’extrême droite compte aujourd’hui 143 députés, dont 126 pour le Rassemblement national. Comment ce parti fondé par d’anciens Waffen SS et d’anciens miliciens pétainistes peut-il autant prospérer ? Comment des dirigeants politiques de premier plan peuvent-ils renvoyer dos à dos Nouveau Front populaire et extrême droite comme si tout se valait ? Ces mêmes dirigeants politiques qui mènent depuis quarante ans des politiques de démantèlement des services publics, de bas salaires et de recul de l’âge de départ à la retraite, poussant certains citoyens au désespoir. Et le désespoir n’amène jamais de solutions heureuses. Et comment comprendre le silence du Medef et du patronat quand il s’agit d’appeler à battre l’extrême droite dans les urnes ?

La CGT dans la continuité

La CGT, au contraire, fidèle à son histoire et à ses valeurs, a mis durant pendant la séquence des législatives toutes ses forces pour que le pays ne tombe pas aux mains de l’extrême droite. Nous, militants, syndiqués de la CGT, pouvons en être fiers. Pour reconstruire la perspective de « jours heureux », gardons intacte la mémoire de la Libération, de ses audaces et de ses réussites pour le bien commun. À nous de nous atteler à l’invention d’un nouveau projet humain, social et solidaire, écologiste, international et porteur de paix.

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La “forteresse romantique” de l’hôtel de ville

Le 20 août 1944, alors que l’insurrection intérieure a été déclenchée, de jeunes combattants du réseau CDLR (Ceux de la Résistance), dont (le futur écrivain) Roger Grenier, investissent l’hôtel de ville, ce bâtiment vénérable, symbole du pouvoir parisien. Ils en font une « forteresse romantique », pour reprendre les mots de Grenier. Car ces résistants-là sont tout sauf des ambitieux destinés à une carrière politique, mais des jeunes gens idéalistes, facétieux et désintéressés. On croit entendre leurs cavalcades, leurs chuchotements, leurs blagues de potache sous les ors des salons de la République quand ils s’attribuent mutuellement des fauteuils de ministre.

Toute la ville, d’ailleurs, semble tituber d’ivresse, surprise de sa liberté encore fragile et anarchique. Des barricades sont dressées mais aussi, sur les places, des vendeurs de cocardes font leur apparition. Il règne une insouciance en trompe-l’œil, déchirée çà et là par les rafales de mitraillette de soldats allemands esseulés.

Ces jours chaotiques vont se poursuivre jusqu’au 25 août, à l’entrée des chars de Leclerc dans Paris et au discours solennel du général de Gaulle aux fenêtres, précisément, de cet hôtel de ville. C’est le retour à l’ordre, certes démocratique mais à l’ordre tout de même. « Petit à petit, […] le cabinet du préfet cesserait d’être un moulin envahi de pistoleros à brassard pour redevenir un lieu solennel, feutré, inaccessible. » La récréation est finie.

Les Embuscades, de Roger Grenier, Folio.