Le 23 octobre, les travailleurs de l’entreprise Orange Fox Bikes ont engagé un mouvement de grève pour exiger de leur patron des contrats de travail et des fiches de paie, bref, le respect pur et simple de la législation sociale.
De nationalités russe et ukrainienne, ces réfugiés politiques et exilés effectuent des visites guidées de Paris à vélo. Ils sont payés en espèces, à la tâche, pour un tarif horaire d’environ deux tiers du Smic, et ne sont pas déclarés. L’entreprise qui les emploie, Orange Fox Bikes, dirigée depuis l’Ukraine via un intermédiaire installé à Barcelone, a profité de la situation de vulnérabilité de ces travailleurs pour les surexploiter. Et dès qu’ils ont fait connaître leurs revendications, les menaces se sont multipliées.
Avec cynisme, les employeurs ont menacé les salariés de les faire expulser vers leur pays d’origine au motif qu’ils n’auraient pas déclaré à l’administration les pourboires perçus. Or, pour ces travailleurs, les menacer d’expulsion, c’est leur rappeler ce qu’ils risquent au retour : la guerre ou la prison.
La CGT médiatise le conflit
Au bout de deux jours de leur lutte, les salariés d’Orange Fox Bikes prennent contact avec la CGT. Les grévistes maintiennent une pression constante en étant présents chaque jour dans les locaux de la société mais, durant les premières semaines, l’entreprise parvient à poursuivre son activité. Établir un rapport de force est compliqué dans ce type d’entreprise : aucun dirigeant n’est physiquement présent en France, la société ne possède rien en propre en dehors d’un bail commercial et d’un parc de vélos, les gérants n’ont aucun scrupule à remplacer en toute illégalité les grévistes par d’ex-salariés qu’ils avaient mis à la porte quelques mois plus tôt. Néanmoins, les grévistes parviennent à obtenir l’ouverture de négociations, qui se dérouleront en visio depuis Barcelone et se termineront rapidement lorsque la direction proposera comme seule concession des contrats de… 20 heures par mois.
La mobilisation des militants CGT à leurs côtés va accroître le rapport de force. L’US Commerce de Paris, l’Union départementale et plusieurs Unions locales apportent leur soutien à la lutte. Un premier rassemblement est organisé le 31 octobre, qui permet une médiatisation du conflit. C’est l’occasion de mettre en lumière une fois de plus le quotidien des travailleur·ses immigré·es qui, quel que soit leur pays d’origine, subissent en France l’arbitraire du patronat. La situation des Orange Fox est également une nouvelle illustration des politiques libérales qui conduisent à faire du droit du travail un droit facultatif, phénomène encouragé par l’affaiblissement des moyens de contrôle de l’État, en premier lieu de l’inspection du travail.
Petits pas vers des négociations
Malgré un contrôle effectué par l’Unité de contrôle du travail illégal de la DRIEETS le 5 novembre et la forte visibilité du conflit, la direction persiste à refuser les demandes des grévistes, entraînant une intensification de la lutte. À la suite de leur intervention au congrès de l’US Commerce, et en lien avec l’UD, l’occupation de l’entreprise est décidée. Et depuis le 15 novembre, les locaux d’Orange Fox Bikes, situés rue Feydeau dans le 2e arrondissement, sont sous le contrôle permanent des grévistes et de la CGT.
Grâce à l’inventivité des grévistes et à la participation de nombreux jeunes camarades, l’occupation est dynamique : organisation d’une manifestation à vélo du local à l’Assemblée nationale en passant par l’hôtel de ville, rencontres culturelles avec des artistes et des chercheurs de la communauté russophone, débat autour d’un ouvrage paru récemment, Réapprendre à faire grève, avec la participation de son auteur Baptiste Giraud, etc. Et ça marche ! Quelques jours après le début de l’occupation, et après avoir manifestement constaté ses effets, un avocat mandaté par la direction prend contact pour ouvrir des négociations afin, selon ses propres mots, de régulariser la situation.
Une lutte symbole
Les échanges ne font que débuter mais un cadre de négociation est enfin établi. Les grévistes remercient d’ores et déjà toutes les structures et les camarades qui ont participé nombreux à leur caisse de grève, qui est toujours ouverte car, après plus d’un mois de grève, la lutte n’est pas terminée*.
Le combat mené par les salariés d’Orange Fox Bikes rejoint les deux grands enjeux de la période en cours. La manifestation du 12 décembre pour la défense de l’emploi sera l’occasion de nous mobiliser largement contre les patrons voyous qui ouvrent et ferment des entreprises en jouant avec la vie des travailleurs. Dans la continuité, l’exemple des grévistes d’Orange Fox Bikes doit nous mobiliser pour le 14 décembre, jour de lutte pour les droits des migrant·es, pour exiger les mêmes droits pour tous les travailleur·ses. Comme scandé lors de la manifestation à vélo des grévistes, « Solidarité ! Solidarnost ! C’est la force des travailleurs ! »
* Lien vers la caisse en ligne s : https://www.helloasso.com/associations/union-syndicale-cgt-du-commerce-et-des-services-de-paris/formulaires/1