La crise sanitaire a montré au plus grand nombre la nécessité de sortir d’un système dont la folie nous rapproche tous les jours d’une catastrophe irréversible. À rebours de ces aspirations, Macron, qui a infléchi son discours dans les premières semaines du confinement, accélère la contre-offensive libérale. Sous la pression du Medef et des milieux financiers, il indique ne pas vouloir faire payer le supplément de dette par l’impôt. Cela signifie qu’il ne rétablira pas l’ISF et qu’il veut faire porter le poids de la dépense sur le monde du travail. Il déclare vouloir favoriser la préservation des centaines de milliers d’emplois menacés par la multiplication d’accords d’entreprise où le chantage au licenciement servira à la casse des statuts et des rémunérations.  Attaques contre les salaires, le temps et l’organisation du travail : la pandémie est l’occasion pour le Medef de transformer des pertes, certes importantes mais ponctuelles, en des gains de long terme.

Cela ne constitue pas une surprise : les concessions verbales de Macron étaient tactiques et sont intervenues pour faire oublier son incurie des premières semaines de la pandémie. Car le président et son gouvernement sont responsables de l’absence de réaction efficace et rapide dès le début de la crise. Ce sont leurs manquements, leurs errements et leurs mensonges qui ont rendu nécessaire un confinement strict à la mi-mars. Il n’est donc pas question pour les salariés d’en payer le prix par plus de chômage, moins de salaire, plus de flexibilité ou des cadences accrues.

Plus que jamais, nous devons revendiquer une réduction massive du temps de travail et des emplois pour tous, mieux rémunérés, de meilleure qualité, respectueux de notre environnement et de son avenir. Nous devons exiger une production de proximité pour tous les biens indispensables, à l’inverse d’une logique qui nous fait importer des produits de première nécessité. Les services marchands, qui ont pris le pas sur l’industrie dans notre économie, ont montré leur fragilité en situation de crise. Est-il raisonnable que la France continue de dépendre à ce point du tourisme international ou du commerce de luxe ? Nous devons revendiquer une reconversion massive et aidée de notre économie et de diriger l’investissement public vers la création d’emplois de remplacement qui servent l’intérêt général et ne mettent pas en danger l’avenir de la planète. Plus que jamais, nous avons besoin d’un service public puissant dans la santé, l’accueil des personnes âgées ou l’éducation, mais aussi pour tout ce qui doit être exclu de la sphère marchande.

La crise a aussi mis en lumière la nécessité pour les travailleurs de reprendre en main l’organisation du travail dans l’entreprise. C’est un enjeu central pour notre syndicalisme : on l’a vu tout au long de cette crise, les consignes venues d’« en haut » sont souvent inapplicables parce qu’elles méconnaissent la réalité des postes de travail (commerces, crèches, etc.).

Tout cela est-il possible dans le contexte d’une contre-offensive libérale féroce et d’un chômage accru ? Oui. Macron s’est remis à l’ouvrage mais il sort affaibli des trente derniers mois qui ont vu se succéder les mouvements de contestation puis la gestion calamiteuse de la crise sanitaire. Son propre camp se divise et, comme l’ont montré ses récentes interventions télévisées, sa parole est de moins en moins entendue.

Pour cela, il nous faudra rassembler très largement et créer un rapport de forces d’une ampleur inédite. Même affaibli, le néolibéralisme n’est pas mort et l’extrême droite, plus que jamais, se tient prête à lui servir de roue de secours.

Karl Ghazi