Nos camarades tunisiens de la région de Sfax (URTT Sfax) ont convié l’UD de Paris à les rencontrer, invitation d’abord transmise par le président de l’Union des travailleurs immigrés tunisiens (UTIT) puis par le secrétaire général de l’URTT Sfax via un courrier officiel incluant un programme de réunions et de visites. Cette mise en relation de deux territoires syndicaux, Sfax et Paris, de deux organisations amies, UGTT et CGT, s’inscrit dans le cadre des bonnes relations qui existent historiquement entre la confédération CGT, l’URIF et l’UGTT.

L’UD de Paris est partie en délégation à Tunis puis à Sfax du 4 au 7 janvier. Adèle Tellez et Benoît Martin ont d’abord été reçus à Tunis au siège national de l’UGTT, puis, à Sfax, Youssef Aouadni, secrétaire général de l’URTT de Sfax, a présenté l’histoire de l’UGTT, créée en 1946, soit dix ans avant l’indépendance. La répression féroce n’avait pas empêché cette naissance, dont le principal berceau syndical était Sfax dès 1944. Pendant un temps, la jeune UGTT et la CGT avaient cohabité en Tunisie, dans une relation complexe et transitoire, faite de transmission et de rupture. C’était à la fois une séquence de décolonisation, d’affirmation de l’UGTT et de scission de la CGT, avec la création de FO, d’où de réelles difficultés.

Révolution confisquée

Aujourd’hui, la répression reste une préoccupation essentielle treize ans après la « révolution pour la dignité » dans laquelle l’UGTT avait joué un rôle central. Le secrétaire général du syndicat des transporteurs routiers, emprisonné il y a un an, l’est toujours. Le sentiment de nos camarades tunisiens est que la révolution pour la dignité a été confisquée au peuple par une poignée de dirigeants politiques. L’UGTT est fière de son indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Par ailleurs, en terre surtout musulmane, l’URTT de la région de Sfax met en avant la création du syndicat des religieux, qui anime une lutte revendicative pour l’amélioration des conditions de vie et de travail. Ce faisant, ce syndicat, là où il agit, teint la religion d’une couleur progressiste et tolérante.

Nos affiliations internationales sont aujourd’hui communes pour ce qui est de la CSI, et différenciées régionalement (CSI Afrique et CSI Monde arabe pour l’UGTT, CES pour la CGT). Nos camarades nous ont interrogé·es sur la position du gouvernement français concernant la longue guerre qu’Israël inflige aux Palestiniens, et en particulier sur le massacre en cours à Gaza. Nous avons avec eux regretté l’errance de la politique étrangère de la France qui s’éloigne de positions passées et s’aligne de plus en plus sur l’axe Washington-Tel Aviv. Au passage, nous avons explicité la position de la CGT et fait part de nos nombreuses mobilisations pour un cessez-le-feu et pour une paix juste et durable.

La question migratoire n’a été que rapidement abordée ; elle mériterait d’être approfondie. Nous avons fait part des grèves de travailleurs sans papiers en France et de la très régressive loi Darmanin. Ils ont évoqué le fait que Sfax est à la fois un lieu de passage vers l’Italie et un lieu d’installation de migrants subsahariens.

850 000 adhérent·es

Nous avons insisté sur notre coopération possible contre des sociétés multinationales qui sous-traitent en Tunisie et qui ont leur siège et leur commercialisation à Paris. Par exemple, des luttes dans le textile près de Sfax pourraient rencontrer un écho revendicatif à Paris.

La question du climat est venue très naturellement comme étant une préoccupation commune. À Sfax comme à Paris se mènent des campagnes syndicales sur le travail par forte chaleur.

Il est remarquable que l’UGTT compte 850 000 adhérent·es dans un pays de douze millions d’habitant·es. Les préoccupations en termes de vie syndicale – implantation, assemblées de syndiqué·es, formation, communication – sont proches sur les deux rives de la Méditerranée. Nous pourrions partager nos expériences respectives pour nous enrichir mutuellement.

Nos camarades nous ont réservé un accueil très chaleureux et nous ont consacré beaucoup de temps. Nous les remercions de nous avoir fait visiter une fabrique d’huile d’olive, la médina, une usine de couscous et de pâtes, le grand port de pêche et un centre commercial. L’URTT de Sfax nous a expliqué que la capitale du sud représente un vrai poids économique tout en souffrant d’un manque d’infrastructures.

Afin de poursuivre nos échanges, nous les recevrons à Paris en 2024, en nous montrant aussi hospitaliers qu’ils l’ont été à notre égard.