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Comme dans un jeu de Tetris, où le joueur doit faire des lignes complètes en déplaçant des pièces de formes différentes défilant de haut en bas de l’écran pour remporter des points, l’Éducation nationale est, depuis quelques années, sous le coup d’une avalanche de réformes avec, à la manette, un exécutif qui n’hésite pas à jouer avec l’Éducation nationale jusqu’à l’enseignement supérieur. Dans l’un des derniers bastions que les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de vouloir démolir, ne sortent gagnant·es que celles et ceux qui œuvrent depuis plus de trente ans à la casse des secteurs et services publics, sur fond de préjugés et d’arrogance. Il nous revient d’y mettre un terme.
L’été dernier, l’école est apparue comme le nouveau domaine réservé du président et le terrain de jeu privilégié de l’exécutif. La casse de l’école, sous le coup de préjugés à la dent dure et de réformes nuisibles, se fait au profit d’un secteur éducatif privé. Comme toujours, l’image de l’instituteur de campagne, « hussard noir de la République » réputé pour son efficacité et son dévouement, le dispute à celle du professeur d’aujourd’hui, souvent absent, cueilleur de fraises dès que l’occasion se présente et profiteur des longues vacances scolaires – en fait plus courtes en France qu’ailleurs (rapport annuel de l’OCDE, « Regards sur l’éducation »).
Force est de constater que les enseignant·es ont pris l’habitude d’entendre de telles saillies mais aujourd’hui, plus qu’avant sans doute, l’amertume finit par l’emporter. Devant tant d’acharnement, les personnels de l’Éducation démissionnent à la pelle. La perte de sens est davantage mise en avant que les seules considérations financières qui, en réalité, ne décident que peu d’entre elles et eux à partir. En effet, c’est la qualité du système éducatif qui est remise en cause et le métier n’attire plus.
Pour les libéraux, l’école est un marché comme un autre
Toutes ces réformes ne visent qu’un seul but : déconstruire et privatiser tout ce qui relève du public. Ce mouvement de dérégulation et de privatisation est ancien. Il comprend l’autonomie des établissements, la marchandisation de l’enseignement en en faisant un produit concurrentiel (établissements, écoles, personnels et usagers) et la mainmise croissante du patronat (Nico Hirtt, Les Nouveaux maîtres de l’école, 2000). Ces réformes ne permettent pas de faire réussir tous les élèves car ce n’est pas le but recherché. Au contraire, il s’agit de faire des économies de postes et de proposer un autre type d’école, une école qui encourage la concurrence et qui accepte les inégalités. L’absence d’objectif pédagogique progressiste se voit notamment à travers l’absence de formation ou le rétrécissement des formations sur les fondamentaux. En la matière, la France est championne d’Europe.
Pour que l’Éducation ne devienne pas une marchandise, la CGT Éduc’Action combattra toujours la décentralisation, l’indexation des rémunérations au mérite, la réduction des coûts administratifs ainsi que toutes les politiques visant à asservir les personnels et les élèves. Il y a nécessité de transformer l’ensemble du système éducatif et de laisser travailler les collègues, sans qu’il y ait besoin d’entendre sans cesse des inepties sur l’école et sur la façon de la faire fonctionner. Il y va de l’intérêt général et de l’égalité de traitement sur l’ensemble du territoire.
Réformes, lois et dispositifs depuis 2016 (non exhaustif)
• 2016. Réforme des collèges. Plus d’autonomie, nouveaux programmes.
• 2017. Dédoublement des classes en éducation prioritaire.
• 2018. Parcoursup. Élèves angoissés, classes populaires sacrifiées, dans le cadre d’un système élitiste.
• 2019. École de la confiance. Instruction obligatoire à 3 ans. Les communes doivent participer aux dépenses de fonctionnement des écoles maternelles privées sous contrat avec l’État. Maîtrise des savoirs fondamentaux : lire, écrire, compter et respecter autrui. La formation des enseignants est revue, majoritairement consacrée aux savoirs disciplinaires fondamentaux et à la connaissance des valeurs de la République. Le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco, indépendant) est remplacé par un Conseil d’évaluation de l’école (CEE).
• 2019. Loi transformation fonction publique. Affaiblissement des commissions administratives paritaires (CAP) et suppression des comités d’hygiène, santé et conditions de travail (CHSCT). Recours généralisé aux contractuel·les. Précarité avec des contrats à durée déterminée non renouvelables.
• 2021. Loi Rilhac. Arme de subordination et de destruction du collectif avec l’autorité fonctionnelle accordée aux directions d’école.
• 2021. Nouveau bac, fin des filières S, ES et L. Enseignements de spécialité ; le contrôle continu représente 40 % de la note finale.
• 2023. Pacte enseignant. Hausse de rémunération conditionnée à de nouvelles missions sous forme de primes.
• 2023. Réforme du lycée professionnel. Hausse de 50 % des périodes de stage en entreprise ; découverte des métiers dès la 5e ; bureau des entreprises (BDE) dans chaque lycée, qui intervient dans l’organisation et le suivi des « périodes de formation en milieu professionnel » sur le contenu et l’organisation pédagogique.
• 2023. Réforme du collège. Agir sur la classe de 6e etrenforcer le lien avec le primaire. Fin de la technologie en 6e.
• 2023. Réforme des lycées. Retour des maths et des spécialités en juin ; nouveau bac Attal.
• 2024. Projet de réforme du collège ; groupes de niveau.