Depuis la rentrée scolaire 2023, la revalorisation salariale dans l’Éducation nationale comprend un volet « pacte » qui conditionne la hausse de rémunération à la réalisation de missions, alors que les enseignants et enseignantes travaillent en moyenne 43 heures par semaine. Basée sur le principe du volontariat, par un engagement écrit, cette revalorisation indemnitaire liée au Pacte ne rattrape pas l’inflation et, pire, elle menace les statuts en changeant profondément les métiers et le fonctionnement des établissements, en renforçant l’autonomie et le rôle des chefs d’établissement et directeurs d’école. Négliger la charge supérieure de travail revient à détruire davantage le travail et son sens.
C’est une première dont on se serait bien passé dans la fonction publique d’État : lors de la rentrée scolaire 2023, les personnels enseignants, CPE et psy-EN se sont vu proposer une revalorisation en échange de l’engagement à effectuer des missions supplémentaires.
Travailler plus pour…
Mais avant ça, certaines d’entre elles devront être assurées en priorité : le remplacement de courte durée dans le second degré et l’intervention sur la nouvelle heure de soutien en 6e pour les professeurs des écoles. Pour l’instant, l’afflux de candidat·es n’a pas eu lieu, ce qui a amené le ministère à réajuster les critères d’octroi des missions. En cette rentrée, le Pacte est fortement refusé par les collègues, notamment la mission de remplacement de courte durée, qui n’a pour seul objectif que de mettre un adulte devant chaque classe.
Environ 50 % de l’enveloppe Pacte a été répartie entre les professeur·es des écoles parisien·nes (pour un peu plus de huit mille profs) et 26 % de professeur·es du second degré (pour dix-sept mille profs du secondaire selon le ministère mais beaucoup moins selon la CGT Éduc’Action) dans la voie générale et la voie professionnelle.
Le pacte minimal consiste en vingt-quatre heures devant les élèves (remplacement, devoirs faits, intervention en 6e…), rémunérées 1 250 € brut par an. En plus des inégalités que cela engendre selon l’endroit et l’établissement ou école où l’on exerce (le 1er et le 2nd degré, lycées généraux et professionnels), l’inégalité femmes/hHommes ira en s’aggravant, les hommes étant plus enclins que les femmes à s’emparer de nouvelles missions.
Même si, pour l’instant, l’emballement pour le Pacte n’est pas au rendez-vous, le risque est grand que les enseignant·es pactisent au fil des années, car les collègues vont vouloir que les dispositifs existant depuis quelques années inclus dorénavant dans le Pacte et mieux rémunérés continuent d’exister (tels les vacances apprenantes dans le 1er degré ou les devoirs faits dans le second degré). Les nouveaux venus et nouvelles venues dans le métier n’auront pas la capacité de mesurer les travers du Pacte si une vaste campagne en ce sens n’est pas menée.
Vers la fin du statut ?
Comment accepter les missions du Pacte si ce n’est au détriment des conditions de travail et d’apprentissage ? Il faut cesser de vouloir corréler la revalorisation salariale à du travail supplémentaire. Le Pacte est le véritable bras armé de la casse du service public de l’Éducation en venant accélérer la fin du statut de fonctionnaire, déjà mis à mal par la loi de transformation de la fonction publique d’août 2019. Il désorganise les écoles et les établissements, par exemple en bouleversant les sorties et les voyages dans le second degré, ce qui pose un problème d’équité, mais aussi les formations, qui sont davantage proposées hors temps scolaire, afin que les collègues « pacté·es » puissent honorer leurs missions.
La CGT dénonce la logique du « travailler plus pour gagner plus et dénonce le fait que la revalorisation des enseignant·es soit conditionnée à des missions supplémentaires (sous la forme de primes, donc non pérenne et n’ouvrant pas de droits à la retraite). Le temps de travail annualisé constitue une atteinte aux statuts. La CGT Éduc’Action exige une revalorisation immédiate de 400 € pour tous les personnels sans conditions ni contreparties, le dégel de la valeur du point d’indice et son indexation sur l’inflation, ainsi que l’égalité salariale.