Depuis le mouvement social contre la réforme des retraites, on a beaucoup entendu que la CGT connaissait une vague d’adhésions. Le danger de l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite a amplifié cette vague. On le voit dans les fiches d’adhésion que l’on reçoit à Paris : elles sont souvent le fait de salarié·es plus jeunes que la moyenne des cégétistes. Mais qu’est-ce qui les a motivé·es à sauter le pas ? Nous avons recueilli les témoignages de certain·es d’entre elles et eux. Où l’on voit que les événements politiques s’emmêlent souvent avec les réalités vécues dans l’entreprise, et l’envie de trouver du collectif pour agir concrètement.

Ameline, salariée d’une maison d’édition

« Si je ne suis pas prise à ce poste, je me syndique ! » Même si l’idée avait commencé à faire son chemin, c’est parti d’un trait d’humour auprès de mes collègues après un entretien d’embauche. Blague devenue réalité quand la réception du mail de refus coïncida avec l’arrivée d’un nouveau patron qui décida de supprimer ce qui faisait tenir beaucoup de mes collègues : le 100 % télétravail.

Ça peut paraître négligeable, mais c’était la goutte d’eau qui achevait une année de dégradation de nos conditions de travail : départs non remplacés, charge de travail excessive, heures supplémentaires non payées, burn out, etc. Face à un patron étranger appliquant ses décisions arbitrairement, sans se soucier de la loi française, et un élu au CSE n’ayant pas les armes pour faire entendre sa voix, je me suis syndiquée afin d’agir, ou au moins essayer. Cela me semblait être la seule solution pour trouver des ressources et, surtout, des interlocuteurs qui pourraient m’instruire et m’aiguiller sur les démarches à entreprendre.

Octave, serveur dans la restauration

J’ai 23 ans, je suis étudiant à l’université. À côté, je suis serveur. J’ai travaillé pendant cinq ans dans un restaurant à Paris, une entreprise familiale, sans jamais avoir été déclaré, payé 10 € de l’heure. En plus de ce job, j’ai été barman à l’Opéra, employé par une entreprise d’événementiel qui avait remporté le marché suite à un appel d’offre. On était payé au Smic, environ 9 € net de l’heure, avec des contrats d’extra. Durant un été, j’ai aussi travaillé dans un bistrot de mon quartier. Pas de contrat, payé 9 € de l’heure, plus environ 10 € de pourboire par jour.

Dans mes deux premiers jobs, je connaissais le chiffre d’affaires journalier. Je me suis vite rendu compte que ma rémunération représentait une infime partie de ce que les restos engrangeaient. Pourtant, on a refusé toutes mes demandes d’augmentation, sauf quand j’ai demandé à être déclaré (0,50 € d’augmentation du salaire horaire), et quelques années plus tard quand j’ai menacé de partir (1 €). Mes collègues étaient pour la plupart étudiant·es, souvent tellement reconnaissant·es qu’on leur accorde un premier emploi, parfois révolté·es mais sans volonté d’engager une bataille pour un travail qu’ils quitteraient aussitôt leurs études terminées. D’autres encore étaient trop précaires pour imposer un rapport de force qui leur coûterait leur emploi. Je me sentais donc totalement impuissant et isolé. Je nous voyais juste trimer sans parvenir à nous organiser.

Je n’avais des connaissances que très basiques du code du travail et aucune de notre convention collective. J’ai échangé avec une militante de la CGT, appris qu’il était possible de se syndiquer par branche et pas nécessairement sur son lieu de travail. Le syndicat était le cadre le plus propice pour combler mes lacunes, rencontrer des militant·es formé·es et des collègues dans des galères similaires. J’ai alors eu la sensation d’être épaulé et de pouvoir agir.

Hamidou, interprète dans une association

Je suis devenu salarié d’une association en 2021. Deux ans plus tard, à l’initiative de quelques collègues, nous avons organisé une grève. Ce mouvement est parti du constat que les salarié·es se plaignaient des conditions de travail et du salaire, avec le sentiment que les syndicats présents ne remplissaient pas pleinement leur rôle de défense des salarié·es et semblaient davantage défendre la direction. C’est dans ce contexte que, avec l’initiateur de la grève, j’ai adhéré à la CGT.

Je l’ai fait pour lutter pour mes droits immédiats et ceux de mes collègues et porter la voix de ces dernier·es. Mais aussi parce que je partage les valeurs de solidarité et de fraternité de la CGT, pour son engagement remarquable dans la lutte pour la démocratie, dans sa lutte contre le capitalisme, les exploitations et les dominations.

Gab, ingénieur en sécurité informatique

J’ai 28 ans, et au cours de mes cinq ans de vie professionnelle, de mes trois contrats de travail différents, jamais je ne suis tombé sur un employeur ou un manager qui n’ait pas profité de sa position ou de mon manque d’information pour son propre compte. J’ai subi le mensonge proféré droit dans les yeux, la discrimination sur mon âge, ma façon de m’habiller, l’humiliation. Je devais sortir de tout cela par le haut et ne pas sombrer dans cette énergie négative. Je me suis donc tourné rapidement vers la CGT. J’ai choisi la CGT et pas un autre syndicat parce qu’elle correspond, à travers son histoire et par ses luttes quotidiennes, aux idéaux sociaux que je porte en moi.

Les formations, les ressources mises à disposition, les luttes communes m’ont permis de ne plus subir les dérives précédentes mais, au contraire, de les mettre en lumière pour améliorer mon quotidien et celui de mes collègues. Aujourd’hui, je m’implique pour essayer de convaincre mes collègues et mes proches car plus nous serons nombreux, plus nous aurons de poids.

Juliana, aide-soignante dans un Ehpad

J’ai 24 ans et je travaille depuis quelques années dans un Ehpad qui appartient à un groupe privé. Nos conditions de travail sont dures, nous avons beaucoup de résidents et souvent des effectifs insuffisants. Nous ressentons aussi du mépris de la part de la direction, qui prend des décisions sans nous consulter, alors qu’on connaît mieux le travail qu’elle car on est sur le terrain tous les jours.

Depuis que je suis arrivée, j’ai bien vu que la CGT est le syndicat qui combat honnêtement la direction dans l’établissement. Quand il y a eu des élections professionnelles et que plusieurs des élues CGT du CSE ont voulu mettre un terme à leur mandat parce qu’elles étaient fatiguées, on m’a proposé d’être sur la liste car je n’ai pas ma langue dans ma poche. J’ai alors pris ma carte à la CGT, puis j’ai été élue. La CGT m’aide à me former pour mener au mieux mon mandat et être là pour mes collègues.

Maëlan, technicien de maintenance audiovisuelle

J’ai toujours été convaincu de l’importance des syndicats, de leur nécessité dans le combat social. En revanche, sauter le pas et adhérer, c’était une autre histoire. Pour moi, il y avait un flou artistique autour de l’organisation de la CGT en fédérations et confédération, et je ne savais pas par quel bout le prendre pour y entrer. C’est pourquoi, malgré mes convictions, j’ai longtemps vu l’adhésion comme nécessitant une enquête et des démarches administratives pénibles, que je repoussais à plus tard.

Finalement, ce sont les élections au CSE de mon entreprise qui m’ont poussé à cesser de procrastiner et à entrer en contact avec mon union locale. C’est bien plus rassurant d’être accompagné. Et vu le climat politique actuel, il me semble très important de donner de la force aux syndicats afin d’organiser la riposte sociale et repolitiser la population.

Alison, développeuse dans une start-up

J’ai commencé à militer au Comité d’action lycéenne contre le CPE (contrat première embauche) quand j’avais 15 ans, puis j’ai continué de militer avec des syndicats étudiants de ma fac sans être encartée. Depuis cette époque, j’ai une approche collective du militantisme, qui s’appuie sur la force du nombre.

Quand j’ai commencé à travailler, j’ai ressenti comme un isolement. Mes collègues, qui vivaient les mêmes (mauvaises) conditions de travail que moi, ne semblaient pas penser qu’il était possible de lutter contre. Moi, j’avais en tête mes années de militantisme étudiant, mais je ne voyais pas comment appliquer ça au sein de la machine du travail.

Au début de cette année, après de nombreux licenciements déguisés en ruptures conventionnelles dans mon entreprise, une actualité politique déplorable et un sentiment d’isolement toujours présent, j’ai décidé de sauter le pas et d’adhérer à la CGT. J’ai choisi ce syndicat d’une part pour son histoire et ses valeurs, qui correspondent au moins en partie à mes idéaux (anticapitaliste, antifasciste, décolonial…), d’autre part parce que j’avais besoin de rompre ce sentiment d’isolement persistant et de me remettre dans une perspective de lutte collective.

J’ai commencé à rencontrer des camarades de la CGT lors de manifestations et de réunions. Les échanges avec elleux sont très constructifs et font du bien à l’esprit et au cœur. J’en apprends tous les jours sur nos droits au travail et l’isolement que je ressentais se fait moins présent. Je ne peux que conseiller aux travailleur·ses hésitant·es à sauter le pas, car leur force additionnée à celle du collectif peut déplacer des montagnes.