Pour riposter aux menaces de Gérald Darmanin proférées contre de la Ligue des droits de l’homme, nous reproduisons ci-dessous le communiqué des nombreuses organisations signataires de cet appel à la solidarité.

Auditionné par la commission des lois du Sénat sur les techniques de maintien de l’ordre à Sainte-Soline, en réponse à une intervention du sénateur Bonhomme invitant à cesser le financement des associations « qui n’ont rien à voir avec l’état de droit, quoi qu’elles en disent », le ministre de l’Intérieur a estimé que la subvention accordée à la Ligue des droits de l’homme « méritait d’être regardée dans le cadre des actions qu’elle a pu mener ».

Les dernières digues cèdent face au tournant autoritaire emprunté par le ministre de l’Intérieur. Il n’hésite plus à s’attaquer à tous les acteurs qui remettent en cause son action, jusqu’à s’en prendre à la LDH qui, depuis des décennies, combat pour la protection des droits et libertés et des valeurs démocratiques.

La Ligue des droits de l’Homme a été créée il y a cent vingt-cinq ans, au lendemain de l’affaire Dreyfus, par des esprits résistants en vue de combattre l’injustice antisémite. Elle a été de toutes les luttes historiques contre le fascisme, pour la laïcité, pour la garantie des libertés publiques et la reconnaissance de nouvelles. Jusqu’à ce jour, le seul régime à avoir remis en cause son existence était celui de Vichy en 1940.

L’actualité la plus récente a rappelé l’utilité de l’action de la LDH, qui a, grâce à ses observateurs et observatrices, dénoncé les dérives du maintien de l’ordre et l’entrave à l’intervention des secours sur Sainte-Soline. La Ligue a appelé à une désescalade de la violence, et se trouve encore à l’origine, avec plusieurs organisations et syndicats, des récentes condamnations de préfectures en raison de l’atteinte portée à la liberté de manifestation. La LDH est à l’origine de bien des avancées du droit et des libertés, avec des contentieux qu’elle a gagés, devant le Conseil constitutionnel, la Cour de cassation et le Conseil d’État.

Comme à son habitude, le ministre de l’Intérieur ignore que le soutien financier aux associations n’implique pas que les collectivités soient en accord avec l’ensemble des revendications ou des positionnements politiques pris par l’association dans le débat public. Une fois de plus, le ministre de l’Intérieur fait preuve de défiance à l’égard du monde associatif en insinuant qu’il faut réserver le bénéfice des subventions aux bons soldats, à ceux et celles qui feront acte d’allégeance à la politique du gouvernement, sans remettre en cause ses actions, sans dénoncer ses dérives, sans troubler l’ordre public.

La restriction des financements accordés aux contre-pouvoirs et aux associations de défense des droits humains est symptomatique du vacillement de l’État de droit. Les propos du ministre confirment non seulement la menace qui pèse sur le tissu associatif, en particulier depuis la mise en œuvre de la loi dite « séparatisme » du 24 août 2021, mais plus globalement sur les contre-pouvoirs et ceux qui prônent une certaine idée de la liberté, de la démocratie et de l’État de droit. La rhétorique déployée par le ministre de l’Intérieur est dangereuse et témoigne du basculement de ce dernier et du gouvernement auquel il appartient dans l’illibéralisme autoritaire. Le ministre sape le fondement même de l’idée politique en disqualifiant toute opposition, la faisant désormais passer pour du « terrorisme intellectuel ». Si vous n’êtes pas d’accord avec G. Darmanin, vous êtes suspect.

Mais les tentatives de bâillonnement seront vaines car, pour reprendre les termes du président de la LDH, « nous continuerons ». Plus que jamais nous continuerons et agirons ensemble contre ceux et celles qui s’en prennent au modèle démocratique, contre ceux et celles qui veulent gouverner avec et par la peur, contre ceux et celles qui entendent mettre en œuvre un projet délétère et qui génèrent eux-mêmes le séparatisme contre lequel ils et elles disent lutter, contre ceux et celles qui sont à l’origine de la mise à mal du contrat social et de la République.

Organisations signataires : Alternatiba, Anticor, Anv-Cop21, Association démocratique des Tunisiens en France (ADTF), Association de travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association des Marocains en France (AMF), Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé), Attac France, Confédération générale du travail (CGT), Collectif des associations citoyennes (CAC), Comede, Comité pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT), Droit au logement (DAL), Emmaüs France, Femmes Égalité, Fondation Copernic, Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives (FTCR), Fédération nationale de la libre pensée, Fédération syndicale unitaire (FSU), Greenpeace France, Groupe d’accueil et de solidarités (GAS), Groupe d’information et de soutien des immigré·es (Gisti), L’Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (L’Acort), la Cimade, Mémorial 98, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), Réseau d’actions contre l’antisémitisme et tous les racismes (Raar), Syndicat de la magistrature, Union nationale des étudiants de France (Unef), Union syndicale Solidaires, Utopia 56, VoxPublic.