:
Au début du printemps, l’annonce d’une suppression de 669 postes chez Orange fut un choc pour les salarié·es. Laïla Chatraoui, secrétaire générale de la CGT FAPT du 93, dont la réaction a été immédiate, revient sur la mobilisation qui a conduit à une première victoire.
TP : En quoi consiste ce plan de suppressions de postes et comment la CGT a-t-elle réagi ?
Laïla Chatraoui : Le 23 mars Christel Heydemann, directrice générale d’Orange, annonce son plan stratégique « Lead the Future ». Il consiste, malgré de solides résultats financiers, à faire 600 millions d’euros d’économies supplémentaires d’ici 2025, après 700 millions déjà réalisés entre 2019 et 2022. Un mois plus tard, on nous annonce un plan de suppression de 669 postes au sein du service communication entreprises (SCE). Ce plan a fait l’objet d’une présentation en CSE local. En parallèle était lancée pour sa mise en œuvre la négociation d’un plan de rupture conventionnelle collective. Cette annonce fut un choc, pour les salarié·es concerné·es mais également pour une grande partie des salarié·es de l’entreprise. Comment une grande entreprise comme Orange, qui distribue chaque année deux milliards de dividendes aux actionnaires, peut-elle supprimer des emplois ? La CGT a réagi immédiatement et a été à l’initiative d’actions menées dans un cadre intersyndical. Seule la CFE-CGC a décliné l’invitation. Une première action a été menée le 22 mars, jour de présentation du dossier au CSE, sur le site de Bagnolet, l’un des sites où travaillent des salarié·es de SCE et lieu de réunion extraordinaire du CSE. Une centaine de salarié·es ont participé à ce rassemblement au cours duquel les organisations syndicales CGT, CFDT, FO, COM et SUD se sont exprimées. La direction a proposé à la CGT une rencontre, que nous avons déclinée. À la place, nous avons envahi la réunion du CSE pour faire entendre notre refus et celui des collègues.
Que s’est-il passé à l’issue du processus d’information-consultation du CSE ?
Les négociations sur le plan de rupture conventionnelle collective ont démarré. N’étant pas représentative sur cette entité, la CGT n’a pas participé à ces négociations. Seules la CFDT et la CGC y ont participé. Elles se sont terminées mi-mai. La mise en place d’une intersyndicale, les initiatives menées – une pétition nationale, des débrayages – et sans doute aussi la médiatisation autour de ce plan ont porté leurs fruits. En pleine bataille contre la réforme des retraites, les regards se sont portés sur Orange et ses suppressions d’emploi dans une entité dont la moyenne d’âge est de 51 ans. La CFDT a rapidement fait savoir qu’elle ne signerait pas le plan de rupture conventionnelle collective. Quant à la CGC, après consultation des salarié·es par le CSE (l’ampleur de la mobilisation n’est sans doute pas pour rien dans cette consultation), elle a fait savoir qu’elle ne signerait pas non plus. 74 % des salarié·es ayant répondu ont exprimé leur refus du projet et demandent à garder leur poste au sein d’Orange. Le plan de rupture conventionnelle collective est donc en échec. C’est une première victoire, à mettre aussi au crédit de la CGT et de l’intersyndicale.
Quelles vont être les suites de la mobilisation ?
Il n’y a aucune justification économique à ce projet car le groupe Orange a réalisé un bénéfice net de 2,7 milliards d’euros, dont 2 milliards reversés aux actionnaires sous forme de dividendes. Orange a largement les moyens de reclasser les salarié·es, conformément à l’accord groupe en vigueur au sein d’Orange SA. Si ce projet est mis en œuvre, la CGT et la plupart des salarié·es en sont convaincu·es, ce serait ouvrir la boîte de Pandore. Combattre ce projet, c’est refuser la fatalité, et c’est ce qui nous anime depuis le début. Désormais, un plan de départs volontaires est en cours d’examen dans le cadre d’une information consultation au CSEC (CSE central du groupe). Une résolution a été votée à l’unanimité en faveur d’une expertise économique pour connaître les motivations économiques du plan. Dans le cadre d’un plan de départs volontaires, l’employeur a une obligation de reclassement des salarié·es. La pression sur la direction d’Orange doit être maintenue et nous allons poursuivre la mobilisation pour dire non à toute suppression de postes et obtenir les reclassements des salarié·es au sein d’Orange SA. Plusieurs initiatives sont prévues : un rassemblement devant le site Orange de Saint-Denis, d’autres actions sur Rennes, Blagnac, Nantes, Nice Sofia ou Bagnolet. Nous allons également multiplier les assemblées générales pour informer les salarié·es sur les enjeux de cette bataille, recueillir leurs attentes et préparer les suites à donner. À l’instar des salarié·es de Vertbaudet, qui ont obtenu des augmentations, nous entendons faire preuve de ténacité et ne rien lâcher.