Les Assises nationales de la santé et de la sécurité des travailleur·ses se sont tenues les 13 et 14 mars à la Bourse du travail de Paris. Conçues dans une approche intersyndicale et inter-associative, elles ont réuni quelque cinq cents personnes qui ont participé aux quatre séances plénières, dont la table ronde finale avec les premiers dirigeants – Sophie Binet (CGT), Benoît Teste (FSU) et Murielle Guilbert (Solidaires) – et se sont réparties en quinze ateliers.

Les Assises nationales de la santé et de la sécurité des travailleur·ses trouvent leur racine dans les mobilisations des 28 avril 2022 et 2023, le 28 avril étant la Journée mondiale pour la sécurité et la santé au travail. Le 18 octobre dernier, plusieurs dizaines de militant·es s’étaient rencontré·es à Paris pour lancer la préparation de ces Assises, qui ont concerné tant le secteur public que le secteur privé.

Que chaque travailleur·se se sente parfaitement bien physiquement, mentalement et socialement. C’est ainsi que l’OMS définit la santé. Mais il arrive que le travail tue, blesse, rende malade. Les responsabilités des employeurs et de l’État sont alors clairement posées. Les camarades qui ont organisé ces Assises ont voulu aller au-delà de la santé « au travail », car il arrive que l’on perde la santé à cause du travail en dehors des lieux et des horaires de travail ou des trajets domicile-travail. Une insomnie, une dépression nerveuse, un cancer, un AVC peuvent être d’origine professionnelle et survenir pendant son temps de repos, voire durant la retraite.

Rétablir les CHSCT

Ces derniers temps, les accidents graves et mortels survenant au travail ont été davantage portés dans le débat public, mais encore insuffisamment. Ce sont souvent de jeunes hommes. Les maladies qui résultent du travail sont, elles, largement invisibilisées. Tant les accidents du travail (AT) que les maladies professionnelles (MP) sont fortement sous-déclarées.

Les atteintes à la santé des femmes en raison du travail sont souvent passées sous silence. Violences, inégalités, cancers, cycle menstruel, procréation : les ateliers portant sur ces questions ont connu un vrai succès, la puissante mobilisation du 8 mars 2024 et l’inscription de l’IVG dans la Constitution n’y étant pas pour rien.

Les ateliers AT-MP ont également été très fréquentés, tandis que la Sécurité sociale est assiégée par les politiques néolibérales et que les victimes et les familles des victimes peinent à voir leurs préjudices reconnus et indemnisés. Nous visons la réparation intégrale. Nous luttons contre la survenue des AT-MP mais aussi contre leur sous-déclaration, qui sont favorisées par la précarité et le morcellement du salariat. Et nous militons pour des politiques de prévention, qui devraient être dotées de moyens décuplés. Il faut recruter à l’inspection du travail et dans les CARSAT. Il faut rétablir les CHSCT.

Dans les ateliers « Travail Santé Environnement », il a été question de l’amiante, du chlordécone, du plomb, d’AZF, de Lubrizol, des pesticides, des radiations, des polluants éternels, de la Dépakine et de la polyexposition. Les riches débats autour de ces questions ont été très appréciés. La lutte parisienne à propos du plomb de Notre-Dame a notamment été exposée et débattue.

De la souffrance individuelle à l’action collective

Trop souvent, l’organisation du travail part en vrille et fait souffrir. Nous avons en tête le procès des anciens dirigeants de France Télécom. Management toxique, cadences intenables, télétravail, montée en puissance de l’intelligence artificielle sont des réalités vécues au travail. Comment passer de la souffrance individuelle à l’action collective ? Comment prendre la main sur le travail, son organisation, ses conditions ? Là aussi, les ateliers thématiques ont été très investis par les participant·es.

Le libre parcours dans les ateliers a provoqué une dynamique, des échanges, de l’émotion et des applaudissements. Nous nous sommes solidarisé·es autour de questions graves et souvent tragiques. À partir de nos structures syndicales et associatives, un réseau militant est créé, porté par une démarche interprofessionnelle, unitaire et pluridisciplinaire. Les Assises ont adopté trois textes qui offrent des perspectives. Ils proposent de mener une campagne nationale, de réunir les Assises chaque année et de construire une mobilisation le 25 avril prochain.

La société capitaliste use les travailleur·ses au point de les tuer, et elle détruit la nature. Les patrons sont responsables de la sécurité et de la santé au travail. Ils portent aussi des responsabilités dans la dégradation de l’environnement et de la santé publique. Leurs fautes sont inexcusables : ils doivent en payer le prix, y compris par de lourdes condamnations pénales. Nous exigeons un changement radical de politique qui fasse de la prévention des risques professionnels une priorité qui prime sur la course au profit et sur la réduction des dépenses publiques.