Tati, Carrefour, Conforama, Castorama… la liste est longue des entreprises du commerce qui suppriment les emplois par centaines, voire par milliers. Pour la première fois en 2019, le solde des emplois dans la distribution est négatif, les entreprises du secteur créant moins d’emplois qu’elles n’en suppriment.
La faute d’internet, nous répond-on.
L’explication est un peu courte… Si ces entreprises en sont là, c’est qu’elles ont surtout servi de machine à cash pour les groupes qui les détiennent, dans des stratégies de court-terme. Lorsque Pinault a racheté Conforama en 1991, l’entreprise était leader sur le marché de l’ameublement. Lorsqu’il l’a revendue, 20 ans plus tard elle n’était plus que deuxième et déficitaire. Tati a été cédé en 2017 par Eram à Gifi dont le dossier de reprise racontait, à l’évidence, n’importe quoi. La CGT avait immédiatement dénoncé le choix du tribunal de commerce de Bobigny dont la décision ne pouvait que surprendre.
Pour faire du cash, les entreprises réduisent les coûts en diminuant la masse salariale et en déréglementant les horaires. Castorama, comme Carrefour, a été en pointe pour imposer le travail du dimanche. À longueur d’antenne de radio, de télévision ou d’articles de journaux complaisants, ces entreprises ont répété à l’envi que cela créerait des emplois et qu’il fallait bien répondre à la concurrence d’internet.
En jouant la concurrence par le prix et par les horaires, les grandes enseignes de la distribution se sont fourvoyées dans une impasse. Les entreprises de commerce en ligne pur seront toujours moins chères -elles ont moins de coûts- et en mesure de prendre des commandes à toute heure du jour ou de la nuit. Le principal atout contre ce type de concurrence ne peut être le prix le plus bas mais la qualité du service rendu. Ce service ne peut être obtenu sans des effectifs plus étoffés, plus qualifiés et mieux rémunérés. La grande distribution fait l’inverse depuis 30 ans : le court-termisme et la financiarisation ont frappé.
Les résultats sont là. Les grands stratèges de la distribution vont-ils changer leur fusil d’épaule ? Ils ne semblent pas en prendre le chemin et continuent de tailler dans les effectifs, d’élargir leurs horaires et de remplacer la présence humaine, essentielle dans les services, par des machines. 14% des encaissements se font aujourd’hui par caisse automatique, une proportion qui tend à croître.
Ni le travail du dimanche, ni le travail de nuit, ni la flexibilité, ni la réduction des cotisations sociales et des salaires, ni la réduction du nombre des représentants des salariés et de leurs moyens d’intervention n’ont créé ou sauvé des emplois.
Or, les patrons du commerce n’ont pas de politique de rechange. Lorsque le cash ne rentre plus, ils revendent et se « recentrent ». Seule la mobilisation des salariés peut enrayer cette course vers l’abîme et imposer le seul choix qui permette la pérennité du secteur : plus d’emplois, de meilleurs salaires, plus de qualifications et un meilleur service.
Karl Ghazi