Le Conseil constitutionnel a donc rendu son avis. À vrai dire, nous n’en attendions rien. Mais ce jugement conforte
malgré tout un exécutif qui a pour méthode de passer par une loi de finance, qui n’écoute pas la majorité du peuple
– ce dernier refusant de travailler deux ans de plus pour satisfaire les marchés financiers –, qui humilie et bâillonne le
Parlement en détournant des articles de la Constitution, et qui piétine l’avis des syndicats unis et rassemblés.

Après le refus du premier référendum d’initiative partagée et dans l’attente du deuxième déposé par les parlementaires
de gauche, la crise démocratique s’amplifie. Malgré une mobilisation historique, la loi passerait sans avoir été votée à
l’Assemblée nationale et par un vote bloqué au Sénat. Les idées majoritaires portées par les forces du travail, de la
création, de la jeunesse ne trouvent aucun débouché politique.

Si le gouvernement pense un instant qu’après quelques jours, tout reviendra à la normale et qu’il pourra continuer le
train des réformes, il se trompe. Sans changement d’orientation politique profond, le pays restera fracturé. En plus d’avoir
menti sur les chiffres et le montant des pensions, ce qu’a reconnu le Conseil constitutionnel, et refusé de répondre aux
attentes populaires, le gouvernement s’est évertué à entretenir la division entre les travailleurs et un climat délétère en
jouant de la matraque dans un schéma de répression indigne. Des jeunes humiliés et violentés dans les manifestations,
des violences policières légitimées au sommet de l’État, des menaces à peine voilées contre des organisations syndicales,
la Ligue des droits de l’homme et l’opposition de gauche : le pourrissement est devenu la norme pour imposer un
retour à « l’ordre » et discréditer toute critique. Mais cette fois-ci, le ressort est cassé. Plus personne ne veut rentrer
dans le rang et plus personne n’écoute un président aux seuls ordres du capital.

Trop de mépris, trop de provocations, comme cette invitation présidentielle aux forces syndicales pour discuter de
l’après comme si de rien n’était et poursuivre le « chemin démocratique ». Cette première année de mandat a déjà
un goût de fin de règne et d’enterrement de première classe d’institutions à l’agonie.

Dès lors, que faire ? Attendre la prochaine échéance présidentielle et suivre les points d’étape balisés ? Assurément
non, d’autant que cela profitera surtout à Marine Le Pen. La bataille actuelle contre la réforme des retraites doit se
poursuivre, évoluer dans ses formes pour ne pas laisser retomber l’élan extraordinaire. Le projet de loi peut être retiré.
L’unité syndicale, la majorité populaire en sont de précieux atouts. Faisons de tout le mois de mai un grand rendez-vous
social et populaire historique pour imposer un rapport de force populaire, seule issue démocratique à ces crises
imposées par le capital qui menacent notre pays. Portons haut et fort le leitmotiv de nos camarades de l’Énergie :
« Nous travaillons, nous produisons, nous décidons ! »

Emmanuel Cottin,
UD de Paris

Télécharger Le travailleur parisien, n° 1251.