Le 15e Congrès de la Confédération européenne des syndicats (CES) s’est tenu du 23 au 26 mai à Berlin. Les 50 ans de la CES ont été fêtés dans un contexte grave : effets de la crise sanitaire, guerre en Ukraine, forte inflation, réchauffement climatique, répression. Malgré des cultures syndicales différentes, le congrès s’est rassemblé en votant à l’unanimité le rapport d’activité et en adoptant un socle de valeurs communes et différents textes. La CGT sait être modeste au regard des 45 millions de syndiqué·es que comporte la CES, mais elle y est très investie, souvent respectée, et elle pèse dans les décisions.

Les 600 délégué·es réuni·es au Verti Music-Hall de Berlin étaient issu·es de 93 confédérations venant de 41 pays, dont 4 confédérations (croate, moldave et ukrainiennes) ratifiées lors de ce congrès. Sur les plus de 45 millions de syndiqué·es représenté·es, soulignons le poids du DGB allemand et des TUC britanniques : près de 10 millions de syndiqué·es à eux deux. Nous avons constaté que le syndicalisme européen était composé de quatre grandes familles syndicales (anglo-saxonne, nordique, latine et d’Europe centrale), chacune porteuse de spécificités historiques, culturelles, politiques. La délégation « latine » de la CGT était composée de huit camarades : Wiam Bama, Sophie Binet, Pierre Coutaz, Benoît Martin, Denis Meynent, Boris Plazzi, Fabienne Rouchy et Renata Tretiakova.

Quel syndicalisme ?

La CES est une confédération de confédérations. Il est clair que la plupart des personnes présentes au congrès n’étaient pas des militant·es de terrain. Mais des montées au créneau ont bousculé un congrès qui aurait pu être aseptisé, trop convenu. Le corpus lexical employé montre assez la variété de la CES : se côtoient « collègues », « camarades », « frères et sœurs ». Des accusations portées contre le capitalisme cohabitent avec une forte aspiration au dialogue social, et « juste et équitable » entrent en dissonance avec l’attaque frontale contre le néolibéralisme de quelques délégué·es. Si le droit de grève est défendu de façon unanime, peu y font référence dans leur réalité vécue. Pourtant, le droit à la négociation collective est universellement approuvé par le congrès. Mais lorsqu’Ursula von der Leyen prend la parole pour vanter la compétition et le dialogue social, la moitié des délégué·es l’acclament…

Quel rapport à la politique ? 

Car la présidente de la Commission européenne était bien invitée au congrès. Pas qu’elle : on a entendu les prises de parole du chancelier de l’Allemagne, du maire de Berlin, de cinq parlementaires européens, du DG de Business Europe, d’une vice-présidente du Parlement européen, d’un commissaire européen, du président du PSE, d’un ministre fédéral, de la présidente de la Commission européenne ou encore de trois responsables européens de groupes politiques. Nous sommes très éloignés d’une conception française, et notamment cégétiste, de l’indépendance du syndicalisme vis-à-vis du politique. Et frappante était la ferveur de délégué·es à l’égard de l’union et de l’intégration européennes, donc de la loi du marché.

L’influence de la CGT

L’intervention de Sophie Binet est jointe à l’« activité confédérale » n° 90 du 24 mai, celle de Fabienne Rouchy à celle du 25 et celle de Boris Plazzi à celle du 26. Ces interventions sur le mouvement social en France, la solidarité internationale, les services publics, sur l’articulation entre le social et l’écologie et contre l’extrême droite ont eu une réelle portée sur le congrès. Et on se réjouit que la secrétaire générale de la CGT soit élue au comité exécutif de la CES.

Un amendement du DGB qui visait à rejeter une proposition de la CGT sur le soutien au peuple palestinien a heureusement été repoussé. Par ailleurs, nous notons que plusieurs camarades de la CGT sont engagé·es dans des activités spécifiques (cadres, retraités…) et des organisations professionnelles de la CES (construction, services publics, transports…).

Les engagements pris par le congrès 

Le congrès a adopté une charte des valeurs ainsi que le Manifeste de Berlin, résumé du programme d’action 2023-2027 dont les thèmes sont le « renouveau syndical, changer l’avenir du travail, une économie au service du peuple, ensemble pour notre avenir européen, ensemble pour une CES plus forte ». Laurent Berger est remplacé à la présidence par l’Autrichien Wolfgang Katzian. L’Irlandaise Esther Lynch est confirmée secrétaire générale.

Très positif : le congrès a affirmé ses engagements contre l’extrême droite et le racisme, pour le soutien aux migrants, pour la paix, la transition écologique et le féminisme. Il a adopté huit résolutions d’actualité portant sur Cuba, l’Iran, la mobilisation contre l’austérité, le fret ferroviaire en France, le Qatar, la Turquie, le droit de grève et l’Ukraine.