L’Organisation mondiale du tourisme qualifie de vacances l’ensemble des déplacements d’agrément comportant au moins quatre nuits consécutives hors du domicile, une définition adoptée par l’Insee depuis 1995. Bien que le droit aux vacances pour tous·tes est inscrit dans la loi depuis 1998, selon ATD-Quart-monde, 41 % des Français·es ne partent pas. Le taux est plus élevé en fonction de la situation sociale et économique des personnes. Prendre des vacances est loin d’être le lot commun et les choix politiques en la matière n’y sont pas pour rien.

Une famille sur deux et un enfant sur trois ne partent jamais en vacances. À peine 10 % des élèves partent en hiver et au printemps. Pour 2018, le baromètre de la pauvreté du Secours Populaire montre que 67 % des foyers au revenu mensuel inférieur à 1 200 € rencontrent des difficultés pour partir en vacances au moins une fois par an. Ce taux augmente pour les jeunes, seniors, personnes isolées vivant dans une très grande précarité sociale et économique, et il a peu évolué au cours des trente dernières années.Les vacances constituent l’un des indicateurs où il y a le plus d’écarts entre les catégories modestes et aisées, ces dernières partant plus souvent, plus longtemps et plus loin. En moyenne, 60 % des individus partent : 80 à 90 % dans les catégories aisées et 20 à 30 % dans les catégories populaires.

Des ordonnances destructrices

En 2017, les ordonnances Macron fusionnent les CE avec d’autres instances de représentation du personnel dans un comité social et économique (CSE) pour les entreprises de plus de dix salariés, avec un budget amoindri pour les activités sociales et culturelles, qui relèvent d’un accord d’entreprise. Or, sur les trente mille CSE, on ne compte qu’environ cinq mille comités d’action sociale ou d’œuvres sociales. Les nouvelles sociétés de moins de cinquante salariés n’ont aucune obligation de prévoir un budget. Un changement de taille : il y a trente ans, nombre de comités faisaient partir les classes populaires, soit 80 % d’ouvriers. Aujourd’hui, ce sont à 80 % des cadres et techniciens qui partent en vacances.

Donner une image de soi

Ne pas pouvoir partir en vacances est injuste. C’est vivre une forme d’exclusion supplémentaire. Pour la supporter, cette impossibilité est intériorisée, mais le sentiment de relégation au statut de citoyen « pas comme les autres » est bien présent. Nombre de familles, d’enfants, de jeunes, de personnes âgées ou isolées, valides ou en situation de handicap ou de précarité ne s’autorisent pas à songer partir. Partager la norme des vacances sans pouvoir y accéder génère de la souffrance, de l’exclusion, de la culpabilité et un sentiment d’échec.

Seul le départ des enfants peut offrir des vacances par procuration. Pour les catégories les moins aisées, partir en vacances revient souvent à réaménager l’espace quotidien de façon à lui donner un goût de vacances ou d’exceptionnel : installation d’une piscine gonflable ou d’une tente dans le jardin, virées jusqu’à Paris-Plage… La peine est double chez les privé·es d’emploi, qui portent la culpabilité d’aspirer à des vacances alors qu’ils et elles n’ont pas encore retrouvé de travail. Dans l’imaginaire collectif, il est inconcevable que les personnes privées d’emploi partent en vacances.

Quant aux professions libérales, ce sont ont les catégories sociales qui partent le plus souvent en vacances, avec les formules les plus diversifiées : séjours en club au mois d’août, circuit organisé dans un pays étranger à la Toussaint, vacances en famille à Noël, sports d’hiver…

L’éducation populaire

La durée des vacances d’été est de nouveau dans le collimateur du gouvernement : il suffirait de les raccourcir (et d’allonger l’accueil quotidien des collégiens de REP hors vacances) pour réduire les inégalités d’apprentissage. Annoncée avant les vacances d’été, en pleines émeutes après la mort d’un jeune de 17 ans tué par un policier, cette idée cynique arrivait avec un sens de l’à-propos très relatif, stigmatisant encore les plus pauvres et les plus fragiles.

La CGT préconise une éducation populaire ayant pour vocation d’occuper le temps libre des classes moyennes et populaires dans une démarche à long terme, avec un objectif de rattrapage culturel pour ne laisser personne sur le bord de la route. Des vacances de qualité pour tous-tes est un droit fondamental, au même titre que le droit au travail, à la santé, à l’éducation et au logement.