L’intelligence artificielle (IA) inquiète autant qu’elle fait naître des espoirs. Est-elle une nouvelle étape dans la domination de l’être humain par la machine, ou bien une opportunité pour rendre des services afin de réduire des charges de travail fastidieuses ? Essayons de définir l’IA, de la démythifier, et d’envisager les modalités démocratiques de son contrôle.
De légitimes interrogations portent sur le fait d’être dépossédé de son travail, d’être partiellement ou totalement remplacé par une machine. Cette inquiétude existait déjà au moment de la taylorisation puis de la robotisation. Dans Les Temps modernes (1936), Chaplin est dominé par des machines, conçues et construites par des hommes sur ordre de quelques profiteurs capitalistes. Une machine peut déshumaniser celui ou celle qui travaille. Dans le film About Kim Sohee (2022), la jeune travailleuse en centre d’appel perd son humanité, puis sa vie. Quant au management par le chiffre et à l’arsenal informatique au service du reporting, nous voyons qu’ils vident le travail de son sens. De plus, l’IA générative, celle qui fabrique du contenu, par exemple ChatGPT, peut conduire au conformisme et à l’uniformisation, donc au contraire de l’intelligence.
Des bienfaits de l’IA
Cet article est écrit par un humain qui souhaite pouvoir insérer de la fantaisie et de l’émotion dans ses textes, ce que ChatGPT ne sait pas faire. Cela étant, ce robot sait très bien répondre à la question « qu’est-ce que l’IA ? ». « L’intelligence artificielle (IA) est un domaine de l’informatique qui vise à créer des systèmes capables de réaliser des tâches qui nécessitent normalement l’intelligence humaine. L’IA se concentre sur le développement de machines capables d’apprendre, de raisonner, de résoudre des problèmes et d’interagir avec leur environnement de manière autonome. […] L’IA est utilisée dans de nombreux domaines tels que la reconnaissance vocale, la traduction automatique, les recommandations personnalisées, les voitures autonomes, la robotique, la médecine et bien d’autres. L’objectif de l’IA est de créer des machines capables de prendre des décisions intelligentes et d’effectuer des tâches complexes de manière autonome. »
Plus performante que l’informatique de ces dernières décennies, l’IA permet de toujours mieux traiter des quantités énormes d’informations, d’analyser, de diagnostiquer, de prédire, et désormais de générer des contenus. Dans le domaine médical, l’IA sauve des vies en aidant à formuler des diagnostics fiables et rapides, par exemple sur des cancers ou des AVC. Dans le secteur de l’énergie, l’IA aide à prédire de façon très fine la consommation électrique, ce qui permet d’ajuster la production à la consommation. Dans le domaine juridique, un programme de recherche est lancé en vue d’identifier la divergence jurisprudentielle. En analysant des centaines de milliers de décisions judiciaires, l’IA aidera les magistrats à rendre une justice plus égale.
Des machines et de leur usage
Le problème n’est donc pas l’existence de machines, de logiciels et de données numériques. La vraie question, c’est l’usage que l’on en fait. Les problèmes, ce sont l’exploitation capitaliste et toutes les formes de domination et de restriction des libertés. L’important, c’est de conserver son libre arbitre, son droit à la déconnexion, son discernement, y compris dans l’utilisation d’internet. Les recherches sur le web permettent à l’humain d’apprendre, mais nécessitent une grande vigilance si l’on ne veut pas se laisser manipuler. C’est encore plus vrai dans l’utilisation des réseaux sociaux.
L’OIT (Organisation internationale du travail) estime que l’IA permettra d’accompagner plutôt que de remplacer certaines activités. Elle pense que la première conséquence de l’IA ne se traduira probablement pas par la destruction d’emplois mais plutôt par des changements potentiels dans la qualité des emplois, notamment l’intensité du travail et l’autonomie. Le récent rapport de l’OIT révèle que 5,5 % de l’emploi total dans les pays à revenus élevés seront exposés aux effets d’automatisation de l’IA générative, pour seulement 0,4 % de l’emploi dans les pays à faibles revenus.
Dans la vie courante, on peut résister au fait que la machine se substitue à l’humain. Par exemple, il est facile de construire et de suivre son itinéraire à partir d’une carte routière sans utiliser une application de navigation guidée par GPS, ce qui permet d’entretenir son intelligence visio-spatiale. Mais au travail, qui décide de l’usage de la machine par les travailleur·ses ? Qui décide de l’organisation du travail ? Qui décide des marges d’autonomie laissées aux salarié·es ? Qui décide que l’IA, qui peut faire gagner beaucoup de temps, sera au service de la RTT ? Il s’agira de démocratiser le travail, d’organiser le débat et la délibération à propos du progrès technologique.