Les organisations syndicales et patronales qui gèrent le régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco* devaient se mettre d’accord sur la revalorisation des pensions complémentaires le 4 octobre. L’option d’une hausse autour de 5 % (en rattrapage de l’inflation) se dessinait. À moins que le gouvernement ne fasse capoter l’accord.
Chaque 1er novembre, la retraite complémentaire est réévaluée. On s’appuie soit sur l’évolution annuelle des prix (hors tabac), l’inflation donc, soit sur l’évolution du salaire moyen par tête (SMPT). L’inflation est à 4,8 % en septembre, et le SMPT se situait, lui, à 4,5 % en août dernier. Les partenaires sociaux disposent également d’une marge de 0,2 %, par exemple pour accroître la hausse. Ce fut le cas en 2022 pour rattraper l’inflation de l’année précédente, qui avait été mal prise en compte.
Marge de manœuvre entre 4,6 et 5,2
Outre ces paramètres très officiels, il y a aussi des discussions entre les gestionnaires. Sans surprise, le patronat préférerait une hausse contenue alors que les syndicats aimeraient davantage de générosité. D’autant que le gouvernement a annoncé la semaine dernière une hausse de 5,2 % de toutes les pensions de base à partir du 1er janvier 2024. « Si on n’est pas au niveau de 5,2 %, ce serait incompréhensible. Les projections [de l’Agirc-Arrco] montrent que nous avons les moyens de le faire », explique Denis Gravouil, membre du bureau confédéral en charge de la protection sociale et des retraites. Le patronat, lui, penche pour une revalorisation de 4,6 %.
Entre ce plafond de 5,2 % et le seuil de 4,6 %, il reste de la marge pour négocier – probablement autour de 5 % ou un petit peu en dessous. Le chiffre de 4,8 %, celui du niveau de l’inflation, est également évoqué du côté des syndicats. Les discussions autour du taux de la hausse risquent de se terminer tard au soir du 4 octobre. D’autant plus que d’autres sujets épineux sont aussi sur la table, comme la suppression du malus de 10 %. Or, là encore, plusieurs options, plus ou moins « généreuses » ou coûteuses selon les points de vue, sont étudiées. Tous les sujets sont liés, car les partenaires sociaux visent l’équilibre général financier du régime.
Après le régime général, le gouvernement s’en prend aux complémentaires
Mais pourquoi cette revalorisation est-elle menacée par le gouvernement ? Pour qu’il y ait revalorisation, il faut qu’il y ait un accord entre les partenaires sociaux. Mais, cette année, le gouvernement convoite ces ressources pour financer la hausse des petites retraites. Il tient absolument à prélever entre un et trois milliards d’euros par an des caisses du régime complémentaire. Olivier Dussopt a même menacé de passer par la loi pour obtenir cet argent, expliquant que la réforme des retraites allait remplir les caisses du régime complémentaire, puisque les salarié·es allaient travailler plus longtemps (sic). Rappelons-le, il s’agit des cotisations des salarié·es, fruit de leur travail, mais, comme à son habitude, ce gouvernement refuse de taxer le capital et préfère pomper les cotisations de celles et ceux qui bossent et qui ont bossé toute leur vie.
Certes, l’Agirc-Arrco dispose d’un bas de laine de quelque 68 milliards d’euros et, d’après les projections, la réforme des retraites devrait faire entrer environ 22 milliards d’euros supplémentaires (estimation moyenne) sur les quinze prochaines années. Mais le patronat pourrait user de cette menace gouvernementale pour tirer vers le bas la revalorisation des pensions complémentaires, sachant qu’un milliard d’euros permet de financer 1 % de revalorisation.
Encore une fois, après s’en être pris au régime général en reportant (entre autres) l’âge légal de départ, le gouvernement veut donc s’en prendre aux retraites complémentaires des salarié·es du privé. À suivre.
* Agirc : Association générale des institutions de retraite des cadres. Arrco : Association des régimes de retraite complémentaire des salariés.