En juin 2021, après Canal+, iTélé (devenu CNews), Europe 1 et avant Le Journal du Dimanche, Vincent Bolloré à fait main basse sur le groupe Prisma, premier éditeur de magazines en France (Géo, Femme actuelle, Voici, Ça m’intéresse, Capital…) qui emploie mille cent salariés. Ou qui employait car beaucoup sont partis, jugeant impensable ou impossible de travailler pour le parrain d’Éric Zemmour.

Un livre retrace les deux années qui ont suivi l’arrivée du prédateur catholique traditionnaliste, ses méthodes et ses fins. Il est écrit par « l’un des nôtres », Jean-Marie Bretagne, militant du Syndicat national des journalistes CGT, qui était chez Prisma secrétaire du comité social et économique. Bien placé, donc, pour voir à l’œuvre le milliardaire ou ses lieutenants. Mais aussi, et c’est sans doute ce qui fait l’originalité de ce livre, il nous fait vivre jour après jour le ressenti du militant dans un tel contexte, avec ses moments de stupeur, de doutes, de fraternité ou d’écœurement. L’empreinte Bolloré, non seulement vue de l’intérieur de l’entreprise, mais également de l’intérieur du militant. Passionnant et émouvant.

Mais effrayant aussi car, au moment où Macron, avec ses habituelles trompettes, sonne l’ouverture des états généraux de l’information, un boa avale tous les titres sur son passage et dicte ce qu’il faut ou ne faut pas écrire, dire ou filmer. Et Jean-Marie Bretagne en profite pour nous dresser rapidement une histoire de la famille Bolloré depuis… 1789, édifiante et qui explique bien des choses, et aussi pour lister l’empire du patron de Vivendi, qui n’a d’égal que son appétit, d’où le surnom de boa qui lui est attribué.

Le livre fait se succéder des saynètes qui font revivre une foule de personnages, ou plutôt de personnes, du vigile à la DRH (les noms ont été changés), ce qui lui donne l’aspect d’une aventure humaine et en fait toute la richesse. Le syndicalisme en toute humilité, et avec de la chair autour. On l’aura compris, pas de clichés ici, mais un récit fort bien construit, un souci constant de la vérité, bref, le travail d’un vrai journaliste, espèce que déteste Vincent Bolloré.

Le Boa. Comment Vincent Bolloré m’a avalé, de Jean-Marie Bretagne, éditions Philippe Rey.