Derrière les chiffres de l’emploi, qui ont la même froideur que ceux qui jouent avec, il y a des vies au travail. Des vies souvent malmenées, ou pire encore parfois, par ceux qui en décident. Un documentaire sur Orange et un livre sur un groupe de presse en témoignent avec puissance.

 

Didier Lombard, le videur

On se souvient de la longue séquence judiciaire qui a conduit à la condamnation de plusieurs dirigeants de France Télécom Orange. Et des propos très crus tenus par le PDG Didier Lombard le 20 octobre 2006 à la maison de la Chimie devant un parterre de cadres dirigeants : « Je ferai les départs d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte. ». Il s’agissait, pour plaire aux actionnaires, de faire partir vingt-deux mille salariés, conformément au plan de restructuration Next-Act. Les derniers mots de cette phrase assassine ont fourni le titre d’un documentaire de Jean-Pierre Bloc qui retrace l’épisode.

La plainte déposée par les organisations syndicales de l’entreprise date de la fin 2009, après la médiatisation des suicides. Le procès s’est déroulé de mai à juillet 2019. Le jugement du 20 décembre 2019 a condamné sept dirigeants et la société Orange. Puis le procès en appel a eu lieu en mai-juin 2022. Le jugement du 30 septembre 2022 a partiellement confirmé les condamnations. C’est la première fois que des patrons du CAC 40 sont condamnés à de la prison avec sursis pour harcèlement moral institutionnel.

Ce qui frappe, au début du film, c’est une parole glaçante : « L’histoire de la mort de mon père est politique. » Les responsabilités de l’UE et des gouvernements français sont en effet clairement mises en évidence. On retient ensuite le côté opportuniste de la plainte, qui s’est appuyée sur une jurisprudence de la Cour de cassation de juin 2009 consacrant la notion de « management constitutif de harcèlement moral. » Ce qui est significatif, finalement, c’est que syndicalistes, avocats, juristes, médecins, sociologues, économistes, psychanalystes, personnalités politiques, historiens, associations d’aide aux victimes, et finalement un cinéaste se soient penchés au chevet des salariés de France Télécom Orange.

Un film documentaire à voir et à débattre. Débats que l’on peut aussi préparer en lisant l’ouvrage collectif La raison des plus forts (chroniques du procès FT) aux Éditions de l’Atelier, le livre Personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert aux éditions du Seuil, et le récit Ma fibre syndicale de Benoît Martin aux éditions Syllepse.

Par la fenêtre ou par la porte, film documentaire de Jean-Pierre Bloc, sortie nationale le 8 novembre.