Le feuilleton des suites de l’incendie de Notre-Dame de Paris est loin d’être terminé. La grave pollution au plomb n’a pas été prise au sérieux par les autorités compétentes. Deux articles ont été publiés dans Le Travailleur Parisien, en 2019 et en 2021. Des faits nouveaux conduisent à écrire un nouvel épisode. Nous voulons ainsi contribuer à établir les responsabilités quant aux manquements depuis 2019 et changer la donne de la dernière phase de la reconstruction de Notre-Dame.

L’Union départementale CGT, l’association Henri-Pézerat et deux familles concernées par la contamination au plomb produite par l’incendie de Notre-Dame de Paris du 15 avril 2019 avaient porté plainte le 5 juillet 2021 pour mise en danger de la vie d’autrui. Le 16 juin 2022, alors qu’une enquête préliminaire était toujours en cours, les mêmes avaient déposé une deuxième plainte avec constitution de parties civiles. Enfin, en avril 2023, nous apprenions l’ouverture d’une enquête judiciaire avec désignation d’une juge d’instruction. La convocation du secrétaire général de l’UD CGT de Paris, le 8 septembre, par deux juges d’instruction fut une très bonne nouvelle. Les deux heures et demie d’audition ont permis, à partir de données et de faits précis, d’argumenter sur la dangerosité du plomb et sur les manquements graves des autorités en charge de la santé des travailleurs et de la population.

“Cinq millions de morts par an dans le monde”

La une d’Environnement magazine de septembre 2023 titrait : « lLa reconstruction de Notre-Dame a du plomb dans l’aile ». Le dossier paru dans ce magazine de référence étayait le sérieux de notre plainte. Au même moment, la revue The Lancet Planetary Health publiait une étude très complète sur les effets du plomb à l’échelle planétaire. Le Monde daté du 12 septembre relayait cette étude dans ses colonnes, avec un titre parlant : « Les ravages sanitaires de l’exposition au plomb réévalués à plus de cinq millions de morts par an dans le monde ». Cet article rappelle que le plomb est un grave toxique, qui a pour effets des décès par pathologies cardiovasculaires, très sous-estimées jusque là, de même que les pertes de quotient intellectuel chez les jeunes enfants. Ces effets s’ajoutent aux pathologies neurologiques, rénales, hépatiques, hématologiques, et aux effets reprotoxiques qui sont les conséquences bien connues des intoxications au plomb, ainsi qu’aux cancers qui peuvent lui être attribués.

Le pouvoir politique a fait le choix d’une reconstruction « à l’identique », c’est-à-dire avec du plomb. De nombreuses voix se sont élevées pour protester contre cette décision, prise au mépris des dangers pour la santé des travailleurs et des riverains. En effet, c’est une caractéristique du plomb laminé, utilisé pour les toitures, que de relarguer des poussières fines de plomb dès la pose de la toiture et, au fil du temps, provoquer une pollution environnementale durable.

Nous demandons que le chantier soit suspendu, qu’une évaluation rigoureuse des risques de contamination au plomb issue de l’incendie soit menée sur le site et ses environs, en tenant compte des cascades de sous-traitance qui font obstacle à la mise en œuvre de mesures de prévention. Sachant que d’autres matériaux de couverture existent, nous demandons également que la décision de reconstruction avec du plomb soit remise en cause, tant qu’il en est encore temps, en attente des décisions de justice.

Une bataille d’intérêt général

Le général Georgelin, décédé le 18 août, a été remplacé par Philippe Jost, polytechnicien, ingénieur général à l’armement. L’UD CGT de Paris se joint à la lettre de l’AFVS (Association des familles victimes du saturnisme) qui lui a été adressée. Celle-ci, alors que les charpentiers sont à l’œuvre sur le chantier, fait référence à l’article paru dans The Lancet Planetary Health et préconise l’utilisation de zinc à la place du plomb pour la toiture de Notre-Dame.

Le travail collectif mené depuis juin 2019, intersyndical et inter-associatif, articulant travail, santé et environnement, est une expérience très riche qui pourrait inspirer d’autres combats dans différents domaines à l’heure de la transition écologique. Cette lutte puise dans le code du travail, dans celui de la santé publique et dans celui de l’environnement. Elle s’appuie à la fois sur des connaissances scientifiques et sur des procès-verbaux de CHSCT et de CSE. Notre chasse au plomb est une bataille d’intérêt général à forts enjeux politiques. L’actuel ministre de la Santé n’était-il pas directeur de l’ARS Île de France en 2019 ?