La start-up californienne Airbnb est arrivée sur le marché français en 2010, et elle a bouleversé l’économie de la location de courte durée. La France est devenue le deuxième marché de la start-up californienne, derrière les États-Unis. Et Paris est devenu une destination phare…
D’après les chiffres de la Ville, depuis 2011, le parc locatif traditionnel de Paris a perdu au moins trente mille logements, dont la majorité a été transformée en locations touristiques meublées, louées toute l’année à la nuit ou à la semaine. Dans plusieurs arrondissements, notamment ceux du centre et de l’ouest, les meublés de tourisme représentent désormais jusqu’à 20 % de l’offre locative globale. Et Airbnb se taille la part du lion sur ce marché. Pour lutter contre le développement exponentiel de la location saisonnière et préserver l’accès au logement des Parisiens, la Ville de Paris a renforcé sa réglementation.
Paris, champion des locations saisonnières touristiques
Par son impact sur le parc de logements, le développement de la location saisonnière contribue à tendre le marché du logement, surtout à Paris. Entre 2011 et 2017, période d’implantation d’Airbnb sur le marché parisien, alors que le nombre total de logements continue d’augmenter dans la capitale, celui des résidences principales diminue, au profit des logements inoccupés.
Avant 2010, le nombre de résidences principales augmentait à Paris depuis la période intercensitaire 1990-1999. Le développement des plates-formes touristiques type Airbnb et de l’offre locative saisonnière contribue donc très largement à retirer du marché des logements destinés aux ménages, au profit des courts séjours. Dans les quatre arrondissements centraux (du 3e au 6e), la quasi-totalité de la progression des logements inoccupés est imputable à la location saisonnière à l’année. À l’inverse, cette même contribution est inférieure à 25 % dans les 7e, 12e, 13e, 14e et 15e arrondissements.
Ayant dû faire face à une croissance fulgurante du parc de locations saisonnières au cours des années 2010, la mairie de Paris est aux avant-postes en matière de régulation du secteur. Elle a institué dès 2014, dans la foulée de la possibilité ouverte par la loi Alur, un régime d’autorisation et de compensation des locations saisonnières à l’année, c’est-à-dire une obligation pour le bailleur de transformer des surfaces commerciales en logements en contrepartie de la surface d’habitation perdue au profit d’une ou plusieurs locations saisonnières à l’année. Elle a par ailleurs mis en place une télédéclaration préalable obligatoire des locations saisonnières sur son territoire dès le 1er décembre 2017.
Longtemps désarmée face à l’explosion incontrôlée des meublés touristiques, la Ville de Paris a beaucoup renforcé son arsenal juridique ces dernières années. La réglementation s’est également durcie pour les commerces dont le changement d’usage en meublé touristique est soumis depuis janvier 2022 à autorisation de la mairie. En 2021, la plate-forme Airbnb, attaquée par la Ville, a par ailleurs été condamnée à huit millions d’euros d’amende pour avoir publié un millier d’annonces sans numéro d’enregistrement. Aujourd’hui, les outils de régulation à Paris montrent leurs premiers effets positifs et on assiste à un tassement du nombre de meublés touristiques.
Le gouvernement à la rescousse des bandits de la “Start-up Nation”
Si, à Paris, les élus de la majorité tentent d’empêcher l’hégémonie d’Airbnb avec ses effets désastreux pour les habitants, le gouvernement ne l’entend pas de cette oreille et veille à protéger les escrocs de la location touristique. Ainsi, en utilisant le 49.3, il a coupé court à une série d’amendements qui auraient restreint les avantages des locations en meublés touristiques et renforcé les contraintes fiscales pour les propriétaires. Le projet initial de la loi de finances pour 2024 avait instauré un abattement de 40 % sur les revenus pour les locations de type Airbnb, en plus de la suppression de certains avantages. Thomas Cazeneuve, ministre délégué chargé des Comptes publics, a expliqué cet abandon en citant le manque d’accord possible sur un budget alternatif (!). Ces deux amendements visaient à réduire certains avantages fiscaux et à introduire une nouvelle taxe sur les plus-values en cas de revente. Actuellement, les locations de meublés touristiques (comme Airbnb) bénéficient d’un abattement de 71 %, tandis que les locations à l’année bénéficient seulement d’un abattement de 20 %. Eh oui ! dans la France de Macron, il vaut décidément mieux être propriétaire ou actionnaire que d’avoir à se lever le matin pour aller charbonner.