Le Pacte enseignant, destiné à rémunérer les professeurs volontaires pour différentes missions (en priorité des missions de remplacement au pied levé dans le second degré et des cours de soutien en 6e pour les professeur·es des écoles) constitue une menace sérieuse pour le métier d’enseignant·e. En promouvant la généralisation du paiement à la tâche et l’augmentation du temps de travail, il tend à casser le statut de la profession.
Le sous-entendu est évident : les enseignant·es ne travailleraient pas assez puisqu’on les invite à travailler plus pour gagner plus, au risque de les épuiser encore davantage et d’enseigner dans de très mauvaises conditions. Le signer revient à accélérer le démantèlement de l’école contre lequel ils et elles luttent toujours. Chargés d’organiser sa mise en place en en répartissant les missions entre les candidat·es, les chefs locaux verront s’étendre leur influence. La privatisation de l’école se poursuit et le « Pacte » en est l’un des outils.
Un blanc-seing semé d’embûches
La circulaire estivale autorise l’accès au Pacte à tous les personnels, non-enseignants inclus, de même qu’à celles et ceux exerçant à temps partiel. Les candidat·es manqueraient-ils/elles à l’appel ? Venu compléter la maigre augmentation pour toutes et tous octroyée sans condition, le Pacte se décompose en « briques » de dix-huit heures annuelles, contractualisées, défiscalisées, qui ne compteront pas pour le calcul des retraites.
La désaffection actuelle des personnels pour ce dispositif montre que les organisations syndicales ont bien œuvré pour en décortiquer les travers, la dangerosité, et casser le mythe de la revalorisation salariale telle que l’entend le gouvernement. En effet, « pactiser » revient à signer chaque année individuellement un contrat avec l’administration, sous la houlette du chef d’établissement ou de l’inspecteur-trice, avec évaluation des objectifs en cours d’année. C’est aussi accorder un blanc-seing à l’administration pour des contrats aux contours flous.
Le pacte à quel prix ?
En échange d’une prime, les missions relevant du Pacte seront attribuées par les chefs immédiats, chefs d’établissement dans le second degré, inspections dans le premier, en accord avec l’administration. La paie de chaque « pacté·e » va dépendre de son rapport à son supérieur hiérarchique. Ces derniers deviendront les principaux responsables du remplacement dans les écoles et les établissements. C’est peu de dire que l’ambiance entre collègues risque d’en pâtir, notamment dans le premier degré, qui vit un tournant historique et nocif avec la loi Rilhac attribuant l’autorité aux directions.
Au sein des équipes, les choix des uns risquent fort de déséquilibrer les équipes, rejetant dos à dos les pacté·es et celles/ceux qui ne le sont pas. Par exemple, le calendrier des formations s’en trouvera perturbé pour permettre de libérer les profs « pactés » devant remplir leurs missions. Et dans le cas où les missions ne seraient pas honorées, quid des retombées ? Y aura-t-il des sanctions pour service non fait ?
Des inégalités accrues
Si le Pacte vient à s’étendre, nul doute que le nombre d’assistants d’éducation (AED) baissera à la rentrée prochaine et que de nombreux contrats ne seront plus renouvelés car, en cas d’absence d’un·e professeur·e, sa classe sera prise en charge par un·e autre professeur·e « pacté·e ». Il ne sera alors plus nécessaire de faire assurer la surveillance des permanences par les AED.
Le risque est grand qu’on leur confie alors d’autres missions, telles que l’accompagnement du handicap, déjà pris en charge par les professeur·es ressources dans le cadre du Pacte mais qui viendront eux-mêmes empiéter sur le terrain des assistants d’élèves en situation de handicap (AESH). Ces missions correspondent à des emplois que le Pacte vient directement menacer. Le projet farfelu de fusion des missions des AED et des AESH pondu en juin prend tout son sens.
Enfin, une double inégalité est accentuée par le Pacte : celle existant entre les femmes et les hommes, ces derniers étant plus enclins à saisir de nouvelles missions car davantage disponibles, et celle existant entre les premier et second degrés en termes de salaires et de temps de travail.Le Pacte est basé sur le principe du volontariat, mais jusqu’à quand ? Jusqu’à quand les personnels se verront-ils et elles imposer des augmentations de temps de travail alors que, selon une étude du ministère sur le temps de travail des enseignant·es, ils et elles travaillent en moyenne plus de 43 heures par semaine ? Seule une augmentation des salaires constituerait un projet sérieux et ambitieux.