Fin août, huit hommes et trois femmes sans papiers ont occupé le centre de tri Veolia XVO à Paris (15e) pour dénoncer les conditions de travail indignes subies depuis plusieurs années dans des centres de traitement et de tri des déchets de grandes multinationales comme Veolia, Suez ou Paprec, entreprises chargées de ce service public par les collectivités locales. Flash-back.
Ils et elles ont été embauché·es oralement, par les patrons voyous d’une entreprise sous-traitante, NTI, auparavant société EPS. Certain·es salarié·es n’ont jamais eu ni contrat, ni bulletin de salaire, et ils étaient payés en espèces ou par virement par des sociétés dites « taxis » pour travailler dans toute l’Île-de-France, principalement sur des sites exploités par Veolia. Des chefs de NTI appelaient les salarié·es ou envoyaient un texto, parfois la veille pour le lendemain, leur indiquant le site où ils devaient aller. NTI, cette entreprise prétendument sous-traitante, fonctionnait aussi comme une agence d’intérim, des salarié·es NTI pouvant remplacer des salarié·es du donneur d’ordre. De ces constats, la suspicion de prêt illicite de main-d’œuvre n’est pas à écarter.
Quand les sous-traitants maltraitent
Ces travailleurs et travailleuses sans papiers étaient sous-payés (en dessous du Smic), la grille salariale de la convention collective non appliquée, les heures supplémentaires imposées non rémunérées, et les congés payés non octroyés. Pas déclaré·es aux organismes sociaux durant plusieurs années, ils et elles et n’ont pu bénéficier d’indemnités de congé maladie ou maternité. Les accidents du travail n’étaient pas déclarés. Ils et elles ne bénéficiaient pas non plus de formation professionnelle ni d’actions de prévention de la médecine du travail. On pouvait leur demander de travailler la nuit sur un site puis d’enchaîner une autre journée de travail sur un autre. Les cadences de la chaîne de tri pouvaient être poussées au maximum, les temps de repos non respectés, les équipements de protection individuelle réglementaires et obligatoires (chaussures de sécurité, masques, gants…) n’étaient pas tous fournis ou l’étaient en mauvais état. Et celles et ceux qui se plaignaient restaient sans mission un certain temps (donc sans ressources) ou étaient viré·es. Quand on pense que pendant la période de confinement due au Covid, ils et elles étaient en première ligne et travaillaient sans relâche…
Au début de l’année 2023, à la suite de contrôles de l’inspection du travail, la société NTI a cessé de donner du travail à ses salarié·es. Les dirigeants ont mis la société en liquidation judiciaire – rendue effective le 30 mai – avant, pour certains d’entre eux, d’en créer une nouvelle, AR Environnement.
Les donneurs d’ordre ont une obligation de vigilance. Il est de leur responsabilité de vérifier le sérieux de leurs sous-traitants1, de s’assurer du statut des salarié·es entrant sur leurs sites et de veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérives ou de conditions de travail indignes au sein de leurs propres locaux. Le recours à la sous-traitance à bas prix – au lieu d’embaucher –permet à ces entreprises d’accroître leurs marges et nivelle par le bas les salaires et conditions de travail de tou·tes les salarié·es des activités des déchets. Aussi, Veolia, en fermant les yeux, s’est rendu complice.
Quand la dignité reprend le dessus
Mais ces salarié·es se sont mobilisé·es. Accompagné·es par la Fédération nationale des syndicats des transports (filière activité des déchets) CGT, l’Urif et l’UD CGT de Paris (collectifs des travailleurs sans papiers) et soutenu·es entre autres par de nombreux syndicats CGT de la filière des activités des déchets (service public ou privé) ainsi que par des personnalités politiques et des associations, ils et elles ont obtenu qu’une délégation soit reçue par l’entreprise Veolia France, qui a accepté de leur fournir les documents nécessaires (formulaire Cerfa) aux demandes de carte de séjour et de travail afin de régulariser leur situation de travailleurs et travailleuses sur le territoire français et leur a fait une promesse d’embauche.
Mais à la mi-octobre, ils et elles étaient toujours dans l’attente de leurs cartes de travail et de leur embauche par Veolia.
Une caisse de solidarité en ligne a été mise en place2 pour pouvoir leur apporter un soutien financier car ces hommes et ces femmes sont depuis le début de l’année ans travail.
1. En 2021, certains dirigeants de NTI furent visés dans une affaire de blanchiment d’argent.
2. https://www.papayoux-solidarite.com/fr/collecte/soutien-aux-salarie-e-s-en-greve