Il y a un peu moins d’un an, le mercredi 12 avril 2023, à Genève, la France ratifiait officiellement la 190e convention de l’Organisation internationale du travail (OIT) contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Une victoire en demi-teinte car le gouvernement français ne l’a toujours pas accompagnée d’évolutions dans le droit français.
Emmanuel Macron l’avait assuré : sous ses mandats, la France deviendrait le leader dans le monde de l’égalité femmes-hommes. Sur ce point comme sur les autres, on est loin du compte. En France, une femme sur trois est victime de violences au travail. Pourtant, il a fallu quatre ans la France signe la 190e convention de l’Organisation internationale du travail contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail.
Fruit d’une négociation internationale, ce texte fut adopté à une large majorité lors de la Conférence internationale du travail le 21 juin 2019, et il est depuis entré en vigueur dans de nombreux pays, à l’image de l’Espagne, de la Grèce, de l’Irlande et de l’Italie, pour ne citer que les pays membres de l’Union européenne. En France, il aura fallu patienter plus de deux ans pour qu’il soit inscrit à l’agenda de l’Assemblée nationale, qui autorisera sa ratification par une loi en date du 8 novembre 2021.
Deux ans après l’annonce de la ratification par le Sénat, la France concrétisait enfin son engagement. Pourtant, et malgré les recommandations répétées de la société civile et des organisations syndicales, la ratification votée par le Parlement français n’entraîne aucune modification législative. Un peu à l’image de l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution.
La loi française ne garantit pas de protections suffisantes pour les femmes
La loi française qui définit et interdit les violences sexistes et sexuelles n’est pas suffisante pour protéger les victimes. Aujourd’hui, la législation française n’est pas pleinement conforme à la convention 190 et reste mal appliquée, par manque de moyens, de droits pour les victimes, de politiques de prévention et de sanctions. La ratification de la convention 190 est une première étape, qu’il est nécessaire d’accompagner de nouvelles obligations afin de renforcer la protection des victimes. Depuis 2019, de nombreuses associations et organisations syndicales se mobilisent pour une ratification ambitieuse de cette convention et, notamment, pour la création de nouveaux droits sociaux pour les salarié·es victimes de violences domestiques, pour qui le travail est un levier d’émancipation, un lieu refuge et une potentielle porte de sortie.
Il est temps que la France s’aligne sur les meilleures législations du monde
En Espagne, les victimes de violences domestiques ont le droit à la mobilité géographique et au changement de lieu de travail, à l’accès à la retraite anticipée, à la suspension de la relation de travail avec emploi réservé, ou encore à la nullité de leur licenciement dans le cas où la personne est victime de violence de genre. Nous demandons toujours au gouvernement et invitons les parlementaires à transformer cette ratification par des actions concrètes pour renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles et garantir l’indépendance économique des femmes victimes. Une des conséquences des violences conjugales est pour les victimes la perte de l’emploi car c’est le premier lieu où leur agresseur pourra les retrouver, et elles sont donc susceptibles de démissionner dans le but de se protéger. Elles peuvent également être licenciées parce que les nombreuses démarches juridiques et médicales pour faire face à ces violences, très chronophages, les empêchent de travailler.
Garantir l’indépendance économique et échapper à l’emprise des agresseurs
Aujourd’hui, les lois françaises sont largement insuffisantes pour protéger les victimes de violences sexuelles et sexistes. Ratifier un texte, c’est bien. Mais malgré l’adoption de la convention, la France ne prévoit pas d’action concrète. Il n’y a pas de nouvelle loi prévue pour protéger les femmes des violences. Il est nécessaire de créer des obligations légales pour que l’employeur agisse et protège concrètement ses employées contre les violences subies. Il existe des exemples concrets de mesures mises en œuvre pour protéger les femmes. En Espagne, par exemple, les victimes de violence domestique sont protégées contre le licenciement.
Il est grand temps de lier la parole aux actes.
Pour compléter : Convention 190 de l’OIT : que fait la France ?