Il y a un peu plus de cinquante ans, Simone Veil défendait, face à une Assemblée composée presque uniquement d’hommes, la loi dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Entrée en vigueur le 17 janvier 1975 après de longs et violents débats, cette loi a été arrachée en prenant appui sur les luttes féministes menées intensivement depuis l’après-guerre.
La lutte pour le droit à l’avortement a été particulièrement rude et, à l’époque, victorieuse seulement en partie : c’était une loi « à l’essai », pour cinq ans, le délai était de dix semaines, porté à douze en 2001 seulement, le remboursement n’a été arraché qu’en 1982, et le délit d’entrave à l’IVG reconnu en 1993. Cette bataille s’est incarnée dans plusieurs structures, parmi lesquelles le MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et la contraception), le Planning familial ainsi que d’autres associations et réseaux, des organisations politiques de gauche, des syndicats (CGT notamment), des groupes de quartier et d’entreprise, etc.
La lutte a pris des formes variées : Manifeste des 343 en 1971, procès de Bobigny en 1972, création du MLAC en 1973, manifestations, débats organisés partout en France, lobbying. Et c’est une stratégie radicale de désobéissance sociale qui a été adoptée avec une pratique massive d’avortements illégaux à travers tout le pays, dans l’Hexagone et dans les Outre-mer, pour créer un état de fait incontournable et acculer l’État et les parlementaires au changement, malgré l’opposition acharnée de conservateurs, natalistes, intégristes et rétrogrades divers.
De nombreux freins persistent
Mais aujourd’hui, derrière l’unanimisme de façade autour du droit à l’avortement en France, il reste beaucoup à faire pour que toutes les femmes puissent effectivement exercer ce droit. Et la constitutionnalisation de la « liberté garantie pour une femme d’avoir recours à l’IVG » en 2024 n’y change rien. Nombre d’obstacles demeurent, voire se renforcent : fermetures de centres d’IVG (cent trente en quinze ans), désinformation orchestrée sur internet par l’extrême droite, prières de rue de catholiques intégristes devant des CIVG…
En France, de nombreux freins persistent, malgré la constitutionnalisation du droit à l’IVG. Pour les femmes habitant en zone rurale métropolitaine : selon une étude de la DREES de 2023, le taux de recours à une IVG s’élève à 11,6 pour mille en Pays de la Loire contre 22,6 pour mille en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Pour les femmes exilées également : 59 % des personnes interrogées dans le panel du premier baromètre sur l’accès à l’avortement en France réalisé par le Planning Familial estiment que l’accès à l’IVG est plus difficile pour les demandeuses d’asile. Enfin, les déserts médicaux, les préjugés, les politiques managériales ou encore les inégalités salariales et la diminution drastique des budgets des hôpitaux publics constituent aussi des obstacles pour les femmes faisant le choix ou non de la maternité.
Un droit à protéger et à consolider
Ce droit obtenu de haute lutte doit continuer à être protégé. Selon les chiffres du tout premier baromètre sur l’accès à l’avortement en France publiés par le Planning Familial, 89 % des répondant·es à l’enquête reconnaissent que des freins à l’avortement persistent encore en France ; 51 % des femmes ayant eu recours à une interruption volontaire de grossesse estiment que ce dernier peut être remis en cause dans un avenir proche ; une femme sur trois a ressenti des pressions lors de l’avortement (de mouvements antichoix, de professionnel·les de santé et de l’entourage).
Dans le cadre du travail, les femmes ayant eu recours à une interruption de grossesse volontaire de grossesse ne bénéficient généralement pas d’un arrêt de travail avec maintien du salaire. Mieux encore : une femme sur deux n’a pas obtenu d’arrêt de travail pour avorter (source Planning Familial, Baromètre IVG, 2024). Qu’une femme choisisse d’interrompre sa grossesse ou bien d’avoir un enfant, elle subira dans les deux cas des discriminations liées à son genre.
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Les revendications de la CGT
La CGT continue de se battre pour que les femmes puissent faire leur choix, sans frein ni aucune forme de discrimination, et revendique :
– l’allongement du délai légal de pratique de l’IVG ;
– la mise en place de sanctions dissuasives pour les entreprises qui licencient ou placardisent des femmes du fait de leur maternité ;
– des droits nouveaux protégeant la santé pendant la grossesse et les premières années de vie des enfants : allègement du temps de travail, accès au temps partiel à 80 % payé 100 % pour les parents d’enfants de moins de 6 ans ;
– la protection du droit à la parentalité avec l’allongement des congés maternité (six mois) et paternité (quatre mois), une amélioration des droits de garde d’enfants rattachés à chaque enfant, un congé parental mieux rémunéré et calculé sur l’ensemble de la rémunération, la création de places d’accueil.