L’article du Monde diplomatique de février 2021 intitulé « Qui veut la mort d’EDF ? » répond à la question posée. C’est l’Union européenne et l’État qui sont à la manoeuvre pour satisfaire des intérêts capitalistes, sur fond d’idéologie néolibérale. Le projet Hercule consiste à découper EDF en trois entités (Bleu, Azur, Vert) pour continuer le processus de déréglementation de l’énergie amorcé il y a vingt ans (transcrivant alors les directives européennes issues du traité de Maastricht).

Et à la même époque, il y a vingt ans, si France Télécom était resté un monopole public appartenant à la nation, elle n’aurait pas été frappée par l’explosion de la bulle Internet. Ce truisme nous dit que la propriété publique est plus robuste qu’une propriété capitalistique. La nation, elle, n’a pas de valeur boursière ; elle a des valeurs républicaines et des principes de service public.

Dans la théorie économique, une situation de monopole naturel existe lorsque la production d’un bien donné par plusieurs entreprises est plus coûteuse que la production de ce bien par une seule entreprise. Les grandes entreprises de réseau s’appuyant sur des infrastructures lourdes répondent à cette définition du monopole naturel (c’est particulièrement le cas dans les domaines des transports, de l’énergie, des télécommunications, postal et du traitement des eaux usées).

Il est donc tout à fait légitime, en vertu de l’intérêt général et de l’optimisation économique, de revendiquer l’existence de monopoles publics, n’en déplaise aux privatiseurs de tous bords. D’ailleurs, le préambule de la Constitution de 1946 stipulait que tout bien, toute entreprise dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité.

Face au monopole naturel, la concurrence artificielle donne lieu à des aberrations dans les différents secteurs touchés, y compris celui du gaz, dont le projet Clamadieu aurait pour effet d’aggraver la situation. En violation de la doxa libérale, la prétendue concurrence ne fait pas baisser les prix de vente. Au contraire, le fait de rémunérer les surcoûts de la concurrence artificielle et de rémunérer des actionnaires augmente les tarifs. Pensons-y à l’heure où de graves menaces pèsent sur la RATP.

En voulant démanteler et démembrer les secteurs publics, le gouvernement fait preuve d’une inquiétante obsession séparatiste. Ce n’est pas seulement les activités qu’il veut exploser, ce sont aussi les statuts unificateurs des agents des services publics. Face à cela, nous opposons la rationalité du service public et de ses trois principes : égalité, continuité et adaptabilité.

Pour revenir à EDF, on ferait mieux de s’attaquer aux vraies questions, qui trouveront de meilleures réponses dans le cadre du monopole public : réduire les émissions de carbone, gagner en sobriété énergétique, assurer la sûreté des installations et la santé des salariés et des habitants, améliorer la stabilité et la fiabilité du réseau électrique (production, transport, distribution), miser sur la recherche publique articulée avec une filière industrielle sous maîtrise publique. Et aussi, faire baisser nos factures d’électricité, d’une part en éliminant les surcoûts induits par la déréglementation et d’autre part en supprimant l’actionnariat.

Télécharger Le travailleur parisien, n° 1232, janvier 2021.