Masafer Yatta, une région de Cisjordanie, avec ses huit villages. Dans l’un d’eux, Basel Adra, comme son père et comme son pote Hamdan Ballal, est « activiste ». Cela signifie que, comme tout le monde, il est opposé au colonialisme israélien dans la région mais qu’il le dit haut et fort, y compris dans un haut-parleur quand est organisée une manifestation des habitants du village derrière une banderole réclamant l’arrêt des démolitions. Face aux soldats israéliens, ils ont, pour tout arsenal, des caméras. Et ils s’en servent. Au final, un documentaire, No Other Land, on ne peut plus près du vécu quotidien d’un peuple harcelé par les militaires et les colons.
Parmi eux, il y a Yuval Abraham, du même âge que Basel, journaliste israélien, qui se lie d’amitié avec lui. Il vient régulièrement au village, finit par être accepté par tout le monde, mais un monde qui lui rappelle régulièrement ce que font « les siens » : « Nous construisons vos maisons et vous détruisez les nôtres. » Voir cette jeune fille qui, jusqu’à la dernière seconde, semble vouloir croire que ce n’est pas possible, que ce n’est pas vrai, et qui voit quand même le bulldozer éventrer sa maison. Voir cette mère, auprès de son fils qui, pour avoir crié un peu trop fort sa colère au nez d’un soldat, a reçu une balle qui le laissera paralysé à vie (à courte vie car on apprendra à la fin du film qu’il décédera un an plus tard), cette mère qui se désespère de ne pouvoir l’aider, le soulager.
Et voir aussi, dans le calme de la nuit tombée, Basel et Yuval fumer une cigarette et échanger quelques mots, dialogues minimalistes pendant lesquels ils se charrient un peu l’un l’autre pour faire éclore des sourires, entre quelques questions laissées sans réponse. Voir les Palestiniens construire une école (une simple salle de classe en aggloméré) qu’un bulldozer viendra détruire un peu plus tard. Voir des images saccadées d’un sol caillouteux quand le caméraman s’enfuit devant les soldats ou, comme une respiration paisible, voir un clair de lune splendide. Voir, absolument, No Other Land (« pas d’autre terre »), pour mieux comprendre (étymologiquement « prendre avec soi »), la question palestinienne.
Un documentaire rare, aux multiples récompenses, qui n’est bien sûr pas diffusé en Israël mais non plus aux États-Unis ni en Allemagne, pays dans lesquels Yuval est même qualifié d’antisémite. Basel et Hamdan ont été, depuis la sortie du film, agressés par des colons, détenus et roués de coups par des militaires. Bref, la routine.