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Huit panneaux exposant la lutte des « Penn Sardin » seront visibles tout le mois de décembre dans le hall d’entrée de la Bourse du travail, 3, rue du Château-d’eau. La grève victorieuse de ces ouvrières s’est déroulée il y a un siècle, du 21 novembre 1924 au 6 janvier 1925.

L’inauguration de l’exposition sur la grève des « Penn Sardin » a eu lieu le 2 décembre dans la salle Ambroise-Croizat et à trois voix : celles de Joël Hedde pour l’IHS du Finistère, de Gwenaëla Caprani pour le collectif femmes-mixité de l’UD, et de Benoît Martin pour l’UD de Paris. Puis c’est la polyphonie de la chorale L’ut en chœur, avec ses dix-neuf choristes, qui a retenti, entonnant trois chansons, dont celle des Penn Sardin. Ces ouvrières d’usines de sardines du Finistère étaient surnommées les Penn Sardin (tête de sardine en breton) en raison de la coiffe si particulière qu’elles portaient pendant leur travail.

La Première Guerre mondiale a projeté cinq cent mille Bretons sur le front. Cent quarante mille sont morts et quasiment autant sont revenus handicapés. Parmi les ouvrières, beaucoup sont veuves ou célibataires avec des enfants en bas âge. Ou elles sont femmes de marin et restent souvent seules pour « faire bouillir la marmite ». Les salaires sont minés par l’inflation, qui profite à la grande bourgeoisie.

Une lutte des classes aiguisée

Sept ans après la révolution bolchévique et quatre ans après le congrès de Tours, le cartel des gauches (radicaux, PS, PC) a gagné les élections législatives de mai 1924. La municipalité de Douarnenez est à majorité communiste depuis 1921. Le maire Lefranchec et la municipalité soutiendront la grève des sardinières par tous les moyens possibles.

Depuis 1921, la CGT est divisée, avec d’un côté la CGT réformiste et de l’autre la CGTU, qui privilégie l’action dans les entreprises pour la satisfaction des revendications. Le patronat réprime et impose des règlements intérieurs draconiens et tatillons. Les militants syndicaux sont pourchassés, la police collaborant avec les patrons. L’armée intervient dans les manifestations. L’église fait pression et menace les grévistes de les excommunier.

Le patronat a obtenu des dérogations à la législation du travail des enfants (8 ans au lieu de 12). La loi sur la journée de 8 heures date de 1919 mais les sardinières font jusqu’à 72 heures par semaine. Dès que la pêche arrive, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, samedi et le dimanche inclus, il faut se rendre à l’usine, les sardines devant être préparées le plus vite possible. À cette époque, la conservation par le froid industriel n’existe pas. Les dérogations portent également sur les salaires et les heures supplémentaires sont rarement rémunérées. L’hygiène est catastrophique – ni vestiaires ni lavabos, locaux insalubres – et les accidents sont nombreux. Ces femmes sont épuisées mentalement et physiquement par de telles conditions de travail, leur sommeil et leur santé sacrifiés en permanence.

Grève et solidarité

Au démarrage de la mobilisation, la CGTU envoie des militants chevronnés aider à structurer la grève, notamment Charles Tillon, responsable de la CGTU, et Lucie Colliard, responsable de la commission féminine de la CGTU. Ils sont dès l’origine à la création du comité de grève. Les sardinières sont ainsi mises en confiance.

Un formidable élan de solidarité populaire se met en place dans la région. Les commerçants fournissent gratuitement des produits alimentaires aux grévistes. De nombreuses personnalités et des journalistes viennent soutenir le mouvement, lui donnant un caractère national.

Le ministre du Travail tente une médiation qui échoue, car les patrons refusent toute concession. Ces derniers (des brutes et des sauvages, selon le ministre) feront appel à des briseurs de grèves qui attaqueront le maire, le blessant gravement à la gorge.

Mais les sardinières vont faire la démonstration de leur détermination durant six semaines pour aboutir à une victoire totale le 6 janvier 1925 en pliant le patronat à leurs revendications.

Luttes de femmes et féminisme

Les Penn Sardin aspiraient à la liberté et à la dignité. Elles chantaient, revêtaient de beaux habits. Pour échapper à des conditions dignes des romans de Zola, elles affirmaient leur humanité. Leur lutte emblématique a marqué l’histoire du monde ouvrier.

Le féminisme était dans une période féconde. Le 8 mars 1917 fut entérinée la journée internationale de lutte pour les droits des femmes. Deux mois plus tard, le secteur du textile était en ébullition à Paris avec la grève des midinettes. Elles ont gagné la semaine anglaise sans perte de salaire. Aujourd’hui se poursuit la lutte pour l’égalité et pour la dignité. Pour que les luttes féminines et les luttes féministes s’alimentent dans un cercle vertueux. Pour rehausser le rapport des forces contre le capitalisme et contre le patriarcat. Pour gagner sur les revendications. Comme les Penn Sardin il y a cent ans.