Le musée de Montmartre expose une série de collages de Jacques Prévert, tout en ayant le souci de reconstituer son univers, façonné par une poésie qui habite tout ce qu’il a touché : poèmes, théâtre, cinéma et, précisément, arts visuels.
C’est comme si, pour son centenaire, l’éruption du surréalisme au Centre Pompidou avait essaimé partout dans la capitale. Nombre de galeries sacrifient à cette célébration. Et le joli et paisible musée de Montmartre n’y manque pas non plus, avec sa touche bien à lui car, en consacrant une exposition à Prévert, il présente à la fois un surréaliste et un Montmartrois – le poète avait, en 1955, élu domicile cité Véron, près du Moulin Rouge, au bas de la Butte, avec Boris Vian pour voisin – mais aussi un surréaliste pluridisciplinaire. Car celui qui avait horreur de la discipline en a exercé plusieurs, la poésie, évidemment, le cinéma comme dialoguiste ou scénariste, bien sûr, mais aussi, activité moins connue, le collage. Et le musée de Montmartre fait bien de nous le rappeler.
L’iconoclaste
On retrouve pareillement, dans ces collages, tout le talent de Prévert. Pourtant avare de compliments, Picasso lui avait d’ailleurs dit : « Tu ne sais pas peindre, tu ne sais pas dessiner, mais tu es peintre. » C’est aussi ce que l’on constate au fil de cette exposition. Dans Hebdromadaires (1972), Prévert écrivait : « Le surréalisme […] c’était d’abord une rencontre de gens qui n’avaient pas rendez-vous mais qui sans se ressembler se rassemblaient. » On pourrait définir ses collages comme une rencontre de sujets et d’objets n’ayant pas vocation à cohabiter mais que le poète fait se rencontrer, souvent de manière ironique et iconoclaste. Et chacun se trouve mis en valeur grâce à tous les autres. C’est ça aussi, l’univers de Prévert.
Et l’exposition fait la part belle à tout cet univers. À l’homme, avec des photos, des manuscrits, ou la reconstitution de son bureau cité Véron ; au groupe Octobre, la troupe de théâtre pour laquelle il a écrit beaucoup de textes d’agitation-propagande ; au cinéma avec une évocation de ses participations ; et bien sûr à tous les peintres qui gravitèrent dans son entourage car parurent nombre de livres fruits d’une collaboration entre Prévert et de grands peintres, Yves Tanguy, Miró, Braque ou encore Chagall, dont plusieurs œuvres nous sont présentées.
Au temps du groupe Octobre
On a également la chance de découvrir une sculpture de Calder ainsi qu’un inévitable mobile, qu’on contemplera en écoutant un enregistrement de Prévert dans lequel il dit tout le bien qu’il pense de son ami, et notamment ceci : « Calder, de temps en temps, donne un coup de patte à l’art, mais c’est pour lui donner un coup de main. » Et on se prend à penser que Prévert n’a fait que ça toute sa vie, donner des coups de main. En soutenant la cause ouvrière avec le groupe Octobre, qui se produisait partout et notamment dans des usines en grève ; en soutenant les enfants et notamment les cancres, lui, adepte de l’école buissonnière mais dont beaucoup d’établissements scolaires aujourd’hui portent le nom, et dont tous les enfants connaissent des poèmes ; en étant un poète populaire, qui s’adressait au peuple avec les mots du peuple et qui en connaissait les peines, les joies, les peurs et les espoirs ; en repeignant notre vie.
Le cadre de cette exposition sied particulièrement à son sujet. Le musée de Montmartre est certes une grande et belle maison (y résidèrent entre autres Jean Renoir, Dufy, Suzanne Valadon et son fils Maurice Utrillo dont on peut voir l’atelier au cours de la visite) mais reste cependant un musée de dimensions modestes et parvient à conserver un parfum d’intimité, loin des manifestations artistiques tapageuses. On peut d’ailleurs faire une halte dans le jardin, véritable havre de paix. Lieu propice et moment idéal pour se replonger dans un recueil de poèmes de Jacques Prévert.
• « Jacques Prévert rêveur d’images », musée de Montmartre, 12, rue Cortot, Paris 18e, jusqu’au 16 février 2025, tous les jours de 10 heures à 18 heures, 15 €.